Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

jeudi 10 juin 2021

La chronique du blédard : Relire Edgar Morin en pensant à l’Algérie

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 10 juin 2021

Akram Belkaïd, Paris


Il y a plus de onze ans, le sociologue et philosophe Edgar Morin publiait un texte encourageant les êtres humains à changer d’urgence leurs « modes de vie et de pensée » (1). Dans un contexte de dégradation croissante de l’environnement et d’aggravation des effets du réchauffement climatique, le chantre de la « pensée tourbillonnante » appelait à réfléchir sur les modalités de la transformation nécessaire du « système Terre » pour éviter la catastrophe. Ce texte n’a pas perdu une once de pertinence et doit accompagner toute réflexion sur l’avenir de la planète.

Du réchauffement climatique, qui est pourtant un défi majeur pour l’agriculture algérienne, et de ses menaces – on pense notamment aux phénomènes météorologiques extrêmes (tornades, orages torrentiels, etc.) qui mettent en périls des millions d’habitants de la bande nord du pays, il n’en a guère été question durant la campagne électorale qui vient de s’achever. A l’inverse, on a respectivement vu des bonbons pleuvoir sur la tête d’une claque mobilisée pour un meeting, des candidates qualifiées « de fraises » par un chef de parti et des affiches où des visages féminins ont été gommés, preuve, s’il en fallait, d’une régression manifeste des mentalités. On a entendu aussi des insultes à l’égard de la Kabylie et des Kabyles, astuce habituelle quand il s’agit de jouer une partie de l’Algérie contre l’autre pour contrôler tout le monde. Voilà pour ce qui est du niveau…

Le texte d’Edgar Morin concerne le « système Terre » mais on peut décider de le lire avec un prisme algéro-algérien. Voici ce que dit le philosophe en préambule : « Quand un système est incapable de traiter ses problèmes vitaux, il se dégrade, se désintègre ou alors il est capable de susciter un meta-système à même de traiter ses problèmes : il se métamorphose. » Depuis février 2019, date du début du Hirak, nous sommes nombreux à espérer une métamorphose. Certains rêvaient de révolution immédiate et de départ manu militari, si on ose l’écrire, du système. Mais l’acceptation de la démarche pacifique impliquait une transition négociée, voulue par les deux parties. Il faut être deux pour mener un changement. Celles et ceux qui, pour continuer à se singulariser, se complaisent aujourd’hui dans la posture des « contempteurs objectifs » du Hirak, en faisant porter aux manifestants et à leurs soutiens la responsabilité du blocage de la situation, semblent oublier que dès juin 2019, le discours officiel a été clair : pas de transition et encore moins de négociation. Ce qui avait été possible en 1988, où le régime avait entamé de lui-même des réformes avant même que les oppositions ne puissent s’organiser, ne l’a donc jamais été ces deux dernières années. 

On peut utiliser tous les éléments de langage que l’on veut, convoquer les meilleurs communicants possibles et bombarder l’opinion publique de messages triomphalistes, le réel, en ces temps de mondialisation de l’information, ne saurait être masqué. Absence totale de diversification de l’économie, prégnance du modèle gazo-pétrolier, fuite des capitaux, insécurité alimentaire, déshérence du système de santé : tous ces défis sont connus depuis au moins quatre décennies mais rien ne change de manière structurelle. « Le probable est la désintégration. L’improbable mais possible est la métamorphose. » poursuit Edgar Morin qui cite toutefois cinq raisons d’espérer.

La première, est « le surgissement de l’improbable ». Le Hirak de février 2019 en fut un. Cela n’a peut-être pas changé la donne mais cela a engendré une tectonique qui perdure. « Tout en fait a recommencé mais sans qu’on le sache, précise le philosophe. Nous en sommes au stade de commencements, modestes, invisibles, marginaux, dispersés. Car il existe déjà, sur tous les continents, un bouillonnement créatif, une multitude d’initiatives locales, dans le sens de la régénération économique, ou sociale, ou politique, ou cognitive, ou éducationnelle, ou éthique, de la réforme de vie. Ces initiatives ne se connaissent pas les unes les autres, nulle administration ne les dénombre, nul parti n’en prend connaissance. Mais elles sont le vivier du futur. »

Il en est ainsi de tous ces groupes d’Algériens venus à la chose politique par le biais du Hirak. Certes, certains se contentent du clicktivisme mais d’autres s’organisent, réfléchissent, débattent, se retrouvent, s’entraident, malgré le rouleau-compresseur de la répression et l’attentisme des gagne-petit du statuquo. Il en est ainsi qui s’interrogent sur la durabilité du modèle alimentaire caractérisé par l’importance des importations et la prégnance des protéines animales tandis que d’autres distribuent des poulets avec leur affiche électorale collée dessus…

Des quatre autres raisons d’espérer citées par Edgar Morin – vertus génératrices/créatrices inhérentes à l’humanité ; vertus créatrices de la crise ; opportunités offertes par le péril et aspiration multimillénaire de l’humanité à l’harmonie, on ne rebondira que sur la dernière. En bientôt six décennies d’indépendance, les Algériennes et les Algériens aspirent à cette harmonie. Mais l’enjeu est plus important. Il s’agit de sauver le pays qui, faute de changement réel, chemine tranquillement vers une nouvelle catastrophe comme il le fit au début des années 1980 quand quelques milliards de dollars d’importations de biens de consommation donnèrent l’illusion de la réussite et d’un développement harmonieux.


(1) « Éloge de la métamorphose », Le Monde, 10 janvier 2010.


samedi 5 juin 2021

La chronique du blédard : PSG, Manchester City, deux manières de dépenser son pognon

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 6 mai 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

 

Contrairement à l’année dernière, le Paris-Saint-Germain (PSG) ne jouera pas la finale de la Ligue des champions. Face à une solide équipe de Manchester City, les Parisiens n’ont pas été à la hauteur des enjeux, n’arrivant, à l’aller comme au retour, à tenir la dragée haute aux « citizens » que durant les les premières mi-temps sans toutefois arriver à s’imposer. A chaque fois, les prestations de « City » ont été impressionnantes. Mercredi soir à l’Etihad Stadium (du nom de la compagnie aérienne de l’émirat d’Abou Dhabi dont un prince est propriétaire du club], ce fut une démonstration de réalisme et de ce que l’on pourrait appeler la méthode Guardiola.

 

Commençons par cela avant d’en revenir aux Parisiens. Il est parfois difficile de comprendre ce que veut l’entraîneur catalan. Certes, son principe de base est d’une simplicité absolue : pour lui, la meilleure manière de gagner est de garder le ballon et de le faire circuler pour ne pas subir le jeu de l’équipe adverse. Cela était déjà le cas quand il entraînait le FC Barcelone avec lequel il a remporté deux Ligues des champions et une flopée d’autres titres. Reprenant les préceptes de feu Johan Cruyff pour qui une passe vers l’arrière est le commencement d’une attaque, Guardiola n’a eu de cesse d’affiner ce concept qui exige une grande technicité de la part des joueurs (aussi bizarre que cela puisse être, l’art de la passe n’est pas aussi maîtrisé qu’on ne le croit).

 

Mais avec City, Guardiola va plus loin, insistant sur la notion d’occupation de zones. Ses joueurs ont des consignes claires, ils ont une zone à investir en priorité et plusieurs autres en cas de nécessité de compenser le vide occasionné par l’un de leurs coéquipiers. Analysant des centaines de matchs et disséquant les statistiques, Guardiola en est arrivé à cerner ce qu’il considère être comme la répartition idéale des joueurs sur un terrain quel que soit l’adversaire en face et sa tactique. Ses séances d’entraînement sont souvent des répétitions de mouvements en commun selon l’orientation du jeu, de replacements et, bien sûr, de transmissions du ballon, ce dernier devant nécessairement transiter par un ou deux joueurs ayant prééminence sur les autres. Quand un joueur ne comprend pas le schéma ou qu’il n’arrive pas à en s’approprier les exigences ou encore qu’il n’en respecte pas les spécifications, il reste sur le banc, aussi talentueux soit-il. Ce fut le cas durant deux ans pour Riyad Mahrez qui ne s’est vraiment imposé dans l’équipe-type que cette saison, ayant vraisemblablement compris que la méthode Guardiola ne pouvait que le faire progresser.

 

Autre caractéristique de cet entraîneur : la disparition du poste d’avant-centre. A Manchester City, il y a six à sept milieux de terrain qui jouent, chacun ayant eu à jouer le rôle de « faux numéro 9 ». Pour Guardiola, l’équipe idéale doit être composée exclusivement de milieux de terrain interchangeables, les défenseurs et même le gardien ayant pour mission d’être capables eux-aussi de participer au jeu offensif. Ce n’est pas vraiment le football total des Néerlandais des années 1970 mais ça y ressemble un peu. Toutefois, ce genre de système ne donne des résultats que si l’on dispose des meilleurs joueurs. Et qui dit meilleurs joueurs dit argent. Pep Guardiola a l’avantage d’entraîner un club richement doté dont les propriétaires ne lésinent pas à la dépense. Qu’on en juge : ils ont investi entre 1,5 et 2 milliards d’euros en un peu plus d’une décennie. De quoi se donner les moyens de remporter trois des quatre derniers championnats anglais et d’espérer remporter enfin la Ligue des champions (ce qui ne manquera pas de faire enrager le voisin et rival Manchester United). Le football, on le sait, est devenu une affaire de gros sous. Qui se souvient aujourd’hui que Manchester City était le club des prolos de cette ville industrielle ?

 

Mais avoir l’argent ne suffit pas. Encore faut-il savoir le dépenser au mieux. Le PSG n’est pas un club pauvre. Propriété du Qatar, il a lui aussi dépensé pour plus de 1,2 milliards d’euros en dix ans. Le résultat n’est pas honteux puisqu’il a quasiment la mainmise sur le championnat de France et qu’il fréquente assidument le dernier carré de la Ligue des champions. Mais une analyse attentive des recrutements de ces dernières années ou le simple suivi de ses matchs nationaux ou européens démontre une chose : ce club a recruté une flopée de branquignoles dont on se demande quel esprit dérangé a pu penser à les faire cohabiter avec des joueurs du standing de Neymar ou Mbappé. 

 

Guardiola a dépensé de l’argent en ayant pour objectif la construction, pas à pas, d’un projet d’équipe et de jeu. Les investissements qu’il a exigé et obtenu de la part de ses patrons s’inscrivaient dans cette démarche. Bien sûr, il n’a pas toujours eu le nez creux mais les choses fonctionnent désormais. A Paris, on a plutôt l’impression de vivre un étalage permanent de bling-bling, d’accolage de noms prestigieux (pour faire vendre des maillots ?) et de soutiers limités. Bref, de superbes gigots et de sauces raccommodées dans la précipitation pour aller avec. La valse des entraîneurs depuis dix ans, la vente de joueurs méritants et leur remplacement par des fantômes (Cavani vs Icardi) en dit long sur le manque de vision sportive des dirigeants parisiens. Un matin, l’émir du Qatar se réveillera en se demandant s’il n’a pas été floué par ce que le milieu interlope du football recèle en intermédiaires, filous et autres agents indélicats. 

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La chronique économique : Croissance ou environnement ?

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 5 mai 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

La pandémie de Covid-19 amène nombre d’économistes et de politistes à revoir leurs certitudes ou, du moins, à repenser leurs prévisions. Le dérèglement infligé par les multiples confinements et autres mesures sanitaires a laissé entrevoir la fragilité du modèle de la « planète plate », comprendre ce monde où les échanges commerciaux ne rencontrent aucun obstacle ou presque. Un monde fait aussi de délocalisations incessantes liées à la recherche permanente du moindre coût, notamment salarial.

 

Tourisme et aérien perdants 

 

On sait que la question du protectionnisme est de nouveau sur la table, notamment aux Etats-Unis. Fabriquer chez soi les produits vitaux et offrir des emplois à ses propres nationaux est en train de devenir le mantra américain et on se demande si l’Europe va suivre le mouvement ou pas. Mais il n’y a pas que cela. La pandémie a provoqué un ralentissement certain de l’économie mais tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne. Les services informatiques, financiers, la grande distribution, les services à la personne, tous ont tiré leur épingle du jeu et contribué à limiter la récession. A l’inverse, des activités comme le tourisme de masse et le transport aérien figurent parmi les grands perdants.

 

Cela amène à se demander s’il est bien utile de les aider. Car la question est aussi d’ordre écologique. Le « monde d’après » tant évoqué au début de l’épidémie saura-t-il concilier obligation de croissance et protection de l’environnement à l’heure où les conséquences du réchauffement climatique sont de plus en plus concrètes et, trop souvent, meurtrières ? On connaît le débat. Nombreux sont ceux qui pensent qu’on ne peut pas concilier la croissance du produit intérieur brut (PIB) et la nécessité de préserver la nature. Notre monde est fini et ses ressources ne sont pas exploitables pour toujours. L’eau, l’air, les sols, les végétaux subissent nombre de pollutions, celle occasionnée par le plastique n’étant pas des moindres. 

 

Le Covid-19 a imposé une forme de décroissance que souhaitent nombre d’écologistes. Mais cela ne peut durer. Des emplois sont en jeu et avec eux les stabilités sociales et politiques de nombre de pays. Alors, comment faire ? Reprendre la fuite en avant ? Certains pays, on pense à l’Inde, n’ont pas le choix. Avec près d’un milliard de personnes à nourrir, la priorité est donnée à l’économie même si des mouvements écologistes y sont de plus en plus actifs. En Occident, les discours sur la nécessité d’un nouveau modèle économique se multiplient. Il s’agirait d’un modèle hybride où, sans jamais perdre de vue l’impératif de croissance, des choix seraient fait pour promouvoir certains secteurs et laisser les autres décliner.

 

Reprise en « K »

 

Cela obligera à trouver des réponses à des questions délicates. Le monde a-t-il besoin d’autant d’avions en circulation. Le tourisme de masse, véritable catastrophe écologique, est-il viable ? Déjà, des réponses affleurent. Nombre de grandes entreprises ont fait savoir que l’usage des nouvelles technologies permettra de diminuer de manière drastique les va-et-vient incessants de leurs employés. Plus besoin de voyage d’affaires quand une réunion zoom suffit à régler la majorité des problèmes. C’est tout le sujet de la fameuse « reprise en K ». Certains secteurs repartiront à la hausse, d’autres s’effondreront. De nouvelles habitudes de consommation sont prises et l’on sait que dans ce genre de situation le retour aux situations antérieures est très rare.

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La chronique du blédard : Le désastre afghan

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 29 avril 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

 

Tout ça pour ça… A l’automne 2001, quelques semaines à peine après les attentats du 11 septembre à New York et Washington, les États-Unis déclenchaient une guerre contre l’Afghanistan avec pour objectif de faire tomber le régime des Talibans accusé de complicité avec Oussama Ben Laden et Al-Qaïda. Le but fut rapidement atteint et, à en croire la propagande américaine, l’Afghanistan est alors entré dans « l’ère du changement »... Vingt ans plus tard, le président Joseph Biden vient de confirmer le retrait définitif des troupes étasuniennes en septembre prochain. Tout un symbole… Rappelons que ce retrait fait suite à l’accord de paix signé entre l’administration Trump et les Talibans en février 2020. A l’origine, le désengagement complet devait avoir lieu ce premier mai or le nouveau locataire de la Maison-Blanche a voulu se donner le temps de la réflexion. Soumis à la pression des va-t-en-guerre et autres néoconservateurs qui exigent un maintien du corps expéditionnaire, il a fini par entériner le départ des quelques milliers de soldats américains qui restent encore sur le sol afghan.

 

Sans verser dans le fatalisme, la suite est connue. Les Talibans qui contrôlent déjà les deux tiers du pays prendront le pouvoir à Kaboul et l’actuel gouvernement n’est plus qu’en sursis. Certes, Washington tient absolument à ce que des négociations de paix se tiennent entre factions afghanes mais cela n’est qu’une manière d’habiller la débâcle. Car, l’Afghanistan est un échec absolu pour les États-Unis. En vingt ans, ils ont perdu près de 2 500 hommes et dépensé sans compter (1000 milliards de dollars) pour tenir à bout de bras un pouvoir à la fois chancelant et corrompu. L’Afghanistan est aujourd’hui un pays ruiné où 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les armes y circulent en masse, la corruption règne sans partage tandis que la violence et les affrontements armés tuent 10 000 civils par an. Le bilan est effroyable : 300 000 à 400 000 morts depuis 2001 sans compter les pertes militaires subies par l’armée afghane (15 000 soldats tués en moyenne chaque année) et les Talibans. Comme celle de l’ex-Union soviétique en 1979, l’intervention militaire américaine de 2001 n’a débouché sur aucun changement structurel.

 

Certes, une petite classe moyenne est apparue dans les centres urbains, là où les programmes de modernisation de l’éducation, sous la pression américaine et d’autres pays occidentaux, ont donné quelques résultats. Mais que restera-t-il de tout ça quand les Talibans reviendront dans des villes où ils se meuvent déjà comme des poissons dans l’eau ? En se retirant d’Afghanistan, la France a abandonné derrière elle nombre d’Afghans l’ayant servie (interprètes, employés, etc…) (1). Aujourd’hui, une bonne partie des quelques vingt mille Afghans salariés par l’administration américaine sont dans l’attente d’un visa d’entrée aux Etats-Unis. Ils savent le sort qui les attend quand les Talibans prendront Kaboul. Car ces derniers n’ont pas changé. Leur doctrine, une interprétation rigide de l’islam, demeure la même que lorsqu’ils dynamitèrent les trois statues géantes de Bouddha à Bâmiyân en mars 2001.

 

Vingt ans de malheurs pour rien. Vingt ans qui ont empêché l’inévitable évolution qui touche toutes les théocraties musulmanes. Bien sûr, ces évolutions sont lentes, trop lentes mais elles existent, y compris en Iran. La présence américaine a offert aux Talibans une légitimité dans le temps long. Ils ont résisté et obtenu le départ de l’ennemi. Le compteur est remis à zéro et il faudra peut-être attendre une génération ou deux avant que ce régime n’esquisse quelques réformes. Pendant ce temps, l’Occident se redonnera le beau rôle après avoir semé la pagaille. Il pourra ainsi faire semblant de s’intéresser au sort des femmes afghanes… Ses médias, eux, trouveront matière inépuisée dans les inévitables outrances que les Talibans ne manqueront pas de se rendre responsables. 

 

Souvenons-nous de 2001 après l’invasion de l’Afghanistan et avant celle de 2003 en Irak. La mode était alors au « regime change ». Le changement de régime par la force. Ce thème devint même un objet d’études académiques avec ses théoriciens et ses experts plus ou moins qualifiés. Deux décennies plus tard, l’Irak est un pays sous influence tandis que l’Afghanistan risque de connaître sa énième guerre civile à forte intensité. Mais les thuriféraires du « regime change » n’en ont cure et regardent avec insistance du côté de l’Iran.

 

En Afghanistan, comme le souligne le politiste Jean-Pierre Filiu dans sa dernière chronique, les États-Unis n’ont finalement réussi à rien d’autre qu’à « consolider un narco-Etat » devenu l’un des principaux producteurs d’opium nécessaire à la fabrication d’héroïne (2). On en est aujourd’hui à près de 10 000 tonnes produites avec des réseaux liés à toutes les mafias du monde. Ah qu’il paraît loin le temps où des attachées de presse mandatées par des agences anglo-saxonnes au service de l’administration militaire américaine nous vendaient, présent chroniqueur compris, la belle histoire que voici : la grenade, le fruit pas l’explosif, était appelée à remplacer le pavot grâce aux efforts de la coallition pour convaincre les paysans d’en substituer la culture. Vendue à prix d’or sur les marchés du Golfe, la grenade sonnerait la fin du trafic d’opium et d’héroïne. On en rirait si tout cela n’était pas tragique. Le constant est une nouvelle fois le même : L’Amérique menace, envahit, détruit, disloque et, s’en allant une main devant et l’autre derrière, abandonne le chaos derrière elle.

 

(1) « Traducteurs afghans. Une trahison française », Brice Andlauer, Quentin Müller et Pierre Thyss. La Boîte à bulles, Saint-Avertin, 2020, 118 pages, 17 euros.

(2) Comment les Etats-Unis ont consolidé un narco-État en Afghanistan, Un si proche Orient, 25 avril 2021. (lemonde.fr)

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La chronique économique : Tesla et bitcoin, main dans la main

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 28 avril 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

Ce qui est bon pour le bitcoin est bon pour Tesla… L’adage ne s’est pas encore imposé dans le discours économique mais cela semble en bonne voie. En témoigne les annonces faites par le constructeur de véhicules électriques lors de la présentation de ses résultats trimestriels du premier trimestre (bénéfice net de 438 millions de dollars, excusez du peu). La firme d’Elon Musk a ainsi indiqué avoir cédé sur le marché près de 10% de ses avoirs en bitcoins (BTC) soit un gain net de 272 millions de dollars.

 

1 milliard de dollars de plus-value

 

Besoin d’argent ? Besoin de financer de nouveaux investissements ? Que nenni. Pour le fantasque milliardaire, il s’agissait surtout de démontrer aux marchés, aux investisseurs et au grand public que le bitcoin est un actif liquide. On sait que cette monnaie virtuelle (19 millions d’unités en existent aujourd’hui dans le monde pour un maximum prévu à 21 millions) est très critiquée. De nombreuses autorités de régulation ont mis en garde contre les risques de spéculations et d’éclatement de ce qu’elles considèrent comme une bulle (1 bitcoin vaut 55 000 dollars). En cédant 10% de ses avoirs dans cette monnaie, Musk prouve donc qu’il n’est rien de plus aisé que de s’en séparer. Ce « besoin de liquidité » est, on le sait, l’un des principes fondamentaux des marchés et de la valeur des actifs.

 

Mais Musk se rend aussi service. En effet, Tesla possède encore 42 000 bitcoins dans sa trésorerie et cela pourrait augmenter puisque le constructeur accepte désormais cette monnaie comme règlement dans l’acquisition de ses voitures. Avec 42 000 bitcoins dans la caisse, c’est l’équivalent d’un matelas de 2,31 milliards de dollars dont dispose Tesla. Quand on sait qu’ils ont été acquis pour près de 1,3 milliards de dollars, on réalise que la plus-value potentielle est aujourd’hui de 1 milliard de dollars. Autrement dit, en ce moment, il n’est pas meilleur placement en ces temps de taux d’intérêts bas.

 

Régulateurs dépassés

 

En vendant du bitcoin, Musk incite donc d’autres entrants à en acquérir et à les utiliser. Ce qui, au passage, valorise son propre portefeuille de BTC. Dans un marché régulé, ce genre de manœuvres aurait déjà été sanctionné car cela s’apparente ni plus ni moins qu’à une manipulation des cours. Mais les monnaies virtuelles sont encore un Far-West où les régulateurs boursiers et financiers ne savent que faire. C’est une réalité bien connue : les acteurs ont toujours un temps d’avance sur les autorités de régulation mais dans le cas présent, on se demande jusqu’où la bulle bitcoin va aller. Assiste-t-on à la naissance de la monnaie de demain, ce qui signifie qu’il serait temps d’en acheter, y compris pour les États et leurs banques centrales ? Ou est-ce alors une tendance spéculative qui finira tôt ou tard par s’étioler. Pour le patron de Tesla, c’est la première réponse qui prime. Mais on n’est pas obligé de le croire.

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La chronique du blédard : Fin et transformation du football

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 22 avril 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

 

L’affaire a donc fait pschitt. En moins de quarante-huit heures, le projet de création d’une Super Ligue de football européenne réservée à vingt clubs (1) s’est dégonflé en raison de la vigueur des protestations. Gouvernements, fédérations nationales de football, UEFA, FIFA, supporters et la majorité des journalistes – exception faite des habituels nervis néolibéraux (on y reviendra) – ont ainsi fait entendre leur réprobation et, de façon concrète, le retrait des six clubs anglais de ce projet a signé sa fin prématurée. Mais ce serait une erreur de croire que l’affaire est définitivement réglée car ce qui vient de se passer est plus qu’un ballon d’essai. Ce n’est rien d’autre qu’une péripétie parmi tant d’autres qui s’inscrivent dans une tendance lourde. De quoi s’agit-il ?

 

Faisons d’abord un détour par la mini-série L’Effondrement — diffusée à la fin 2019, quelques mois avant la pandémie, elle demeure disponible sur Youtube (2). Inspiré par les thèses de la collapsologie – discipline qui connaît actuellement un fort engouement en ces temps de réchauffement climatique et de crise sanitaire, le programme décrit en huit épisodes à quoi ressemblerait la fin de notre civilisation. A deux reprises, il évoque en filigrane ces riches qui se préparent à l’inéluctable en investissant dans des lieux de repli réservés aux plus fortunés. Sentant venir l’effondrement, les riches se préparent à ne vivre qu’entre-eux. On dira que c’est déjà le cas avec ces Gated communities ou quartiers résidentiels fermés qui pullulent dans le monde, Algérie comprise. Mais ce que nous révèle cette série, c’est que les riches anticipent et se préparent au chaos.

 

L’initiative des douze grands clubs, dont le moteur est, hachakoum, le président du Real Madrid Florentino Pérez (candidat à sa réélection l’été prochain), doit se lire d’abord comme une anticipation. Le football européen, et plus généralement mondial, est profondément malade. Trop d’argent en circulation, trop de matchs et surtout trop de dette. Depuis vingt ans, une inflation incontrôlée s’est emparée du sport roi. Les droits que paient les télévisions pour retransmettre les rencontres explosent, les salaires des joueurs vedette aussi, les emprunts aux banques suivent la même courbe, les agents se gavent à chaque transfert et rares sont les clubs qui présentent une situation financière saine. N’est pas le Bayern de Munich qui veut. Ainsi, le FC Barcelone présente un passif d’un milliard d’euros…

 

Au lieu d’opter pour une cure d’austérité qui ne serait qu’un retour à des conditions plus saines, les promoteurs de la Super Ligue ont donc opté pour la fuite en avant ; Ce qu’ils veulent, c’est plus d’argent (ils prétendent que leur circuit aurait rapporté 3,5 milliards d’euros dès la première année, chiffre à comparer aux 2 milliards d’euros que verse l’UEFA aux clubs qui participent à la Ligue des champions). N’allons surtout pas croire que leur projet est mort. Ils reviendront à la charge. Cela fait trente ans qu’ils ne rêvent que de ça. Cela fait trente ans qu’ils souhaitent une compétition fermée, où n’entreraient que quelques rares invités, un peu à la manière de la NBA américaine ou encore de la Major League Soccer (MLS) qui compte désormais 27 franchises. La Super Ligue serait ainsi Un « circuit » où l’argent appelle l’argent et où un club de football est ramené à sa nouvelle dimension : une entreprise de spectacle dont l’unique but est de rémunérer ses actionnaires avec, Bourse oblige, une croissance à deux chiffres des bénéfices. En outre, être dans une Ligue fermée aurait présenté l’avantage de se mettre à l’abri d’une élimination surprise et précoce, de celles que les amoureux du football adorent mais qui tendent à disparaître. « Le football n’est plus un jeu, mais un secteur industriel, et il a besoin de stabilité » a ainsi déclaré Andrea Agnelli, président de la Juventus Turin, et acolyte de Pérez.

 

Dans cette (triste) affaire l’UEFA et la FIFA se sont donnés le beau rôle en menaçant de sanctions les sécessionnistes. Mais dans la réalité, ces organisations sont les vraies responsables du gâchis. Le gigantisme des compétitions qui ne cessent d’étendre le nombre de participants (et donc de matchs), l’argent roi des sponsors, les choix controversées des organisateurs, la multiplication d’affaires de justice et de corruption, tout cela existe depuis longtemps à cause d’elles. Ainsi, le projet tarabiscoté de l’UEFA pour réformer la Ligue des champions prévoit 225 matchs à partir de 2024 contre 125 actuellement. Résultat, le foot se meurt à cause de l’argent et d’une overdose de rencontres. Ou, du moins, il se transforme. C’est désormais « une expérience », pour reprendre les termes d’un communiqué des promoteurs de la super ligue, que l’on propose à des clients ou alors du « contenu » que l’on vend à des télévisions ou, plus important encore, des plateformes de streaming. 

 

Longtemps, on pouvait considérer que le football joué sur un terrain de tuf ressemblait beaucoup à celui de haut niveau. Mêmes règles, mêmes principes. A moyen terme, demain, les choses auront évolué. Des joueurs jouent déjà avec des puces gps dans leurs chaussures, les entraîneurs sont alimentés en statistiques en temps réels et on parle de réduire le nombre de joueurs sur le terrain, ou le temps de jeu, pour que les rencontres gagnent en intensité. Dans le football de demain, un Riquelme ou un Hagi n’auront pas leur place. Il nous restera le plaisir d’assister à un match de quartier en espérant qu’aucun Pérez ou Agnelli ne viennent s’en mêler. 

 

(1) Six clubs anglais : Arsenal, Chelsea, Liverpool, Manchester City, Manchester United, Tottenham. Trois clubs espagnols : FC Barcelone, Atletico Madrid, Real Madrid. Trois clubs italiens : AC Milan, Inter Milan et Juventus Turin. Trois autres clubs, vraisemblablement 

(2) Créée, écrite et réalisée par le collectif Les Parasites : Guillaume Desjardins, Jérémy Bernard et Bastien Ughetto. Huit épisodes.

La chronique économique : Protectionnisme et naïveté libérale

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Le Quotidien d'oran, mercredi 21 avril 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

Que disent les tenants de l’ordre libéral ou néolibéral aux pays du Sud ? Le message, répété à l’envi, est toujours le même : ouvrez plus, faites confiance au marché, réformez, obligez l’État à se retirer, encouragez les échanges, bref, croyez en la mondialisation. C’est le cas de la Tunisie vis-à-vis de laquelle l’Union européenne (UE) ne semble avoir qu’un seul message (ou une seule exigence) : la mise en place d’un « Accord de libre-échange complet et approfondi » (ALECA). Une perspective qui provoque des résistances en Tunisie, notamment chez les syndicats, mais que Bruxelles ne semble pas vouloir entendre ou comprendre. Or, ce discours est désormais en net décalage avec les réalités européenne et nord-américaine, surtout depuis la pandémie de Covid-19 et ses conséquences.

 

Buy American Act

 

Faut-il ainsi continuer à parler de mondialisation alors que le mot clé dans de nombreux pays est la relocalisation voire le rapatriement ? Un exemple concret : en France, la crise sanitaire avec l’effet dévastateur des pénuries de médicaments et d’équipements ont convaincu les autorités qu’il était temps d’inciter les industriels à faire revenir leurs productions dans l’Hexagone. Certes, tout ne pourra pas être rapatrié mais de nombreux médicaments nécessaires au quotidien aux hôpitaux seront produits en France. Ici, il n’est plus question de parler de concurrence, de délocalisation ou d’ouverture du marché.

 

Un autre exemple vient des États-Unis que l’on présente un peu trop vite comme un havre du libéralisme triomphant. En janvier dernier, à peine installée, l’administration du nouveau président Joe Biden a décidé de renforcer le « Buy American Act » (BAA), un texte qui date des années 1930. Instauré pour lutter contre la grande dépression, inspiré par les principes keynésiens, le BAA oblige toutes les administrations fédérales américaines à privilégier les fournisseurs américains, qu’il s’agisse de produits ou de services. Désormais, ces fournisseurs auront même le droit d’être 20% plus chers que leurs concurrents étrangers. Le « Buy American Act » est donc une disposition protectionniste qu’aucune administration, y compris celle de Ronald Reagan, n’a remis en cause. L’enjeu est de taille. En 2017, les achats des administrations fédérales ont atteint le pactole de 1809 milliards de dollars…

 

Pilotage fin

 

En Europe, il n’existe pas vraiment d’équivalent de BAA pas plus qu’il n’existe d’équivalent pour un « small business act », un texte qui oblige aussi les administrations fédérales à réserver une part de leurs achats à des petites et moyennes entreprises américaines. D’une certaine manière, on peut se dire que face au protectionnisme américain, l’Europe est naïve et que c’est cette naïveté qu’elle tend parfois à vouloir exporter (imposer ?) au sud et à l’est de la Méditerranée.

 

Pour un pays comme l’Algérie, qui regrette aujourd’hui d’avoir signé un accord de libre-échange avec l’Union européenne, le protectionnisme est une condition nécessaire, mais pas unique, pour l’émergence d’une diversification de l’économie. Bien entendu, il faut se garder de tout dogmatisme. Il ne s’agit pas d’éliminer toute concurrence et de substituer des monopoles privés aux monopoles étatiques. Mais il s’agit de donner le temps aux projets industriels locaux de croître et de se renforcer en attendant de se confronter à la concurrence étrangère. Autrement dit, c’est un pilotage fin qui est exigé.

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La chronique du blédard : France, l’islamophobie décomplexée

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Le Quotidien d'orange, jeudi 15 avril 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

 

Cela commence par un tweet comme il peut en exister des millions par jour. Une marque, en l’occurrence Évian, demande à ce que l’on retweete son message si l’on a bu un litre d’eau ce jour-là. Jusque-là rien d’inhabituel. L’argument marketing est incitatif en alliant complicité et proximité avec le consommateur sans oublier les inévitables considérations sanitaires (boire, c’est la santé…). Le problème, c’est quelques tarés – il n’y a pas d’autre mot pour les qualifier – y ont vu une provocation car, jeûnant, ils ne pouvaient boire. Petite tempête et excuses polies – on n’est jamais trop prudent – de la marque.

 

L’affaire aurait dû s’arrêter là et Évian n’aurait même jamais dû s’excuser. Notre monde est désormais imprégné d’égotisme et de scénarisation de soi et le ramadan n’y échappe pas. Je me souviens d’un match de football au stade de France, il y a quelques années. Un petit groupe de spectateurs s’était arrangé pour que toute la tribune ou presque sache qu’ils jeûnaient. Une piété ostentatoire contredite par le fait que ces mêmes personnes pariaient sur le résultat de la rencontre à l’aide de leurs smartphones…

 

Le problème, c’est que les quelques tweets du genre, « wech Evian, c’est le ramadan, respect svp » ont fourni une occasion en or pour toute la galaxie islamophobe qui sévit sur les réseaux sociaux. Sorties grandiloquentes, dénonciations répétées de la menace islamiste qui voudrait imposer le ramadan à tous les Français, serments multipliés de défendre la République et la laïcité, etc. Bref, la ligne de conduite est toujours la même : s’emparer d’un rien, en faire une histoire d’État et convaincre l’internaute que quelque chose de grave se passe en attendant que la racaille islamophobe qui sévit quotidiennement sur les chaînes télévisées d’information continue prenne le relais. Et pendant ce temps-là, la France n’a toujours pas de vaccins, les urgences sont au taquet, le seuil de 100 000 personnes décédées du Covid-19 est dépassé depuis longtemps et personne ne sait si le confinement « light » sera prolongé ou durci.

 

Tout cela serait risible si le contexte politique n’était pas marqué par une surenchère visant à faire de l’islam et des musulmans « le » sujet de la campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2022. On connaît les termes de l’équation. Tout le monde ou presque est persuadé que Marine Le Pen sera, une nouvelle fois, présente au second tour. Dès lors, la question est de savoir qui sera en face. Emmanuel Macron, candidat à sa réélection ? Le représentant de la droite dite modérée ? Le représentant de la gauche unifiée (rêvons un peu) ? Le candidat du groupuscule parti socialiste (rions un peu) ?

 

A tort ou à raison, nombre d’états-majors politiques pensent que pratiquer la surenchère à l’égard des musulmans est la meilleure des stratégies pour attirer l’électeur, le camp Macron n’étant pas le dernier à suivre cette ligne. Cela débouche sur des moments irréalistes comme lors des débats au Sénat à propos de la loi pour le « respect des principes de la République » à la laquelle ce nid d’inutilités et de sénilités a ajouté la mention « lutte contre le séparatisme. » 

 

Ce fut donc un festival. Le voile, obsession nationale, a été de tous les débats. Les sorties scolaires, les lieux de réception du public, les bancs de l’université : autant de sujets liés à l’interdiction du fichu. On ne sait pas ce qui sera retenu en seconde lecture à l’Assemblée des députés mais on voit bien ce qui se profile pour le moyen terme, ce qui n’est pas encore pleinement assumé : l’interdiction pure et simple du voile en dehors du domicile privé (ça viendra ensuite…) et des lieux de culte. Mais passons car on y reviendra forcément.

 

Durant les joutes sénatoriales, on a aussi entendu dire qu’il fallait interdire la prière dans les couloirs des universités. Il paraît qu’il y a quelques années, un cas, je dis bien un cas, a défrayé la chronique dans un établissement du supérieur. Et voilà que cela devient un problème majeur nécessitant de légiférer d’urgence. On se demande si la France n’est pas saisie par une folie rampante, une perte de lucidité qui l’empêche de voir où sont les vrais problèmes. Comment, ensuite, s’étonner que des mosquées soient vandalisées ?

 

Le Sénat, dans sa grande clairvoyance, veut aussi que l’on interdise les drapeaux étrangers lors des cérémonies de mariage dans les mairies. On sait quels sont les emblèmes visés. On s’éloigne un peu de la problématique de l’islam en France mais les populations ciblées demeurent identiques puisqu’il s’agit essentiellement de personnes originaires du Maghreb. Pour ce dernier point, j’avoue être partagé. Légiférer sur ce point est franchement ridicule, c’est une évidence. Par contre, il serait bon de faire entendre aux concernés qu’une salle de mairie n’est pas un « courri » (une écurie) et que l’on ne peut pas y faire n’importe quoi et s’y comporter n’importe comment. Des applaudissements, quelques youyous pour la tradition et bezef. 

 

S’en prendre à Évian au prétexte que c’est le ramadan, beugler « one-two-three viva l’Algérie » en brandissant le drapeau alors que le maire n’a même pas fini d’unir les mariés (scène à laquelle j’ai assisté quelques semaines avant le premier confinement), tout cela est à éviter. Certes, cela ne fera pas disparaître le racisme et encore moins l’islamophobie (ne soyons pas naïfs) mais cela nous évitera des polémiques incessantes et cela réduira les occasions pour les incendiaires de jeter de l’essence sur un feu qui couve depuis bien des années.

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