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Le Quotidien d'Oran, mercredi 28 mai 2008
- Focus sur le pétrole non-conventionnel dont l'une des caractéristiques est que ses principales réserves ne se trouvent pas au Proche-Orient.
Alors que les cours du pétrole se dirigent tranquillement vers les 150 dollars, une information à propos d’une nouvelle découverte de la compagnie pétrolière Eni est presque passée inaperçue. En début de semaine dernière, la « major » italienne a annoncé avoir découvert un gisement de sables bitumineux en République du Congo. Montant estimé des réserves : 7 milliards de barils dont l’exploitation pourrait débuter en 2011. Il fut un temps où ce type d’annonce n’aurait présenté aucun intérêt mais, aujourd’hui, les sables bitumineux font l’objet d’une véritable course de vitesse à l’échelle mondiale. Commençons par expliquer de quoi il s’agit. En matière de pétrole, on peut distinguer le brut conventionnel et le non-conventionnel. Dans le premier cas, il s’agit du pétrole habituel que l’on peut exploiter normalement d’un bout à l’autre de la planète. Inutile de rappeler que dans cette catégorie, les pays du Golfe, et de façon plus générale ceux de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), tiennent le haut du pavé en matière de réserves prouvées.
Le Canada et le Venezuela, géants du brut non-conventionnel
A l’inverse, le pétrole non-conventionnel nécessite des technologies d’extraction et de raffinage plus coûteuses. Et ce n’est que parce que le baril de pétrole est actuellement à 130 dollars qu’il est rentable d’exploiter ce type d’hydrocarbures. Dans le cas des sables bitumineux, il s’agit d’un pétrole quasiment solide qu’il est nécessaire de liquéfier pour pouvoir le transporter et le raffiner. La problématique est identique pour le pétrole ultra-lourd qu’il faut aussi fluidifier avant de l’exploiter.Ce qu’il y a d’intéressant avec ces pétroles non-conventionnels, c’est que leur géopolitique diffère totalement de celle des hydrocarbures classiques. En matière de sables bitumineux et de pétrole ultra-lourd, les pays de l’Opep sont loin derrière, puisque le Canada et le Venezuela détiennent à eux seuls la moitié des réserves avec respectivement 269 et 179 milliards de barils. Alors que les Etats-Unis possèdent 37 milliards de barils de réserves de brut non-conventionnel, l’Arabie saoudite (qui possède un cinquième des réserves mondiales d’or noir classique) n’en compte que 5 milliards de barils contre 3 milliards au Koweït et 4 milliards pour l’Iran.Cette répartition géographique d’une toute autre nature, explique pourquoi les Etats-Unis sont très attentifs à l’évolution technologique en matière d’exploitation des sables bitumineux. Pour l’administration américaine, les gisements de l’Alberta au Canada sont la garantie que, demain, leur économie aura les moyens d’échapper à l’influence des pays membres de l’Opep, Arabie saoudite en tête. En résumé, les sables bitumineux canadiens sont, pour Washington, un atout dans la perspective de l’épuisement annoncé des ressources pétrolières conventionnelles.
Un coût terrible pour l’environnement
Le problème, pour le Canada (et les Etats-Unis), c’est que l’exploitation des sables bitumineux est une catastrophe environnementale. Pour traiter une tonne de sable et liquéfier le pétrole, il faut user huit tonnes d’eau, le tout pour obtenir, dans le meilleur des cas, quelques dizaines de baril de brut qu’il faut ensuite traiter à l’hydrogène pour le transformer en carburant. Les résidus de telles opérations sont hautement toxiques et l’on comprend pourquoi l’exploitation des sables bitumineux fait l’objet de nombreuses controverses, cela d’autant plus qu’elle augmente les émissions de gaz à effet de serre (ges) au Canada, l’un des pays qui a signé et ratifié le Protocole de Kyoto. Dès lors, on réalise que la bataille autour de ce texte n’est pas seulement liée à des enjeux industriels (les entreprises ne veulent pas être contraintes en matière d’émission de ges). C’est aussi parce qu’il est un obstacle à l’exploitation intensive des sables bitumineux que le Protocole de Kyoto est combattu par les Etats-Unis.
Akram Belkaïd