Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

vendredi 23 décembre 2011

Du génocide en Algérie

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Nous allons donc avoir, dans les prochains jours, un débat en France sur la question suivante : Y a-t-il eu, oui ou non, génocide en Algérie ? Je ne suis pas historien mais toutes mes lectures sur la sanglante conquête coloniale et les décennies qui ont suivi montrent une chose : Il s'en est fallu de peu pour que la population algérienne ne soit éliminée.

à lire sur SlateAfrique : Sarkozy n'a pas de leçons à donner à la Turquie

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jeudi 22 décembre 2011

La chronique du blédard : La nouvelle guerre d'Irak

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Printemps arabe et crise syrienne obligent, on avait presque oublié l'Irak, sa lente reconstruction, son chaos au quotidien, ses attentats incompréhensibles et sa crise politique permanente. Depuis peu, ce pays est revenu en force dans l'actualité avec le départ accéléré des dernières troupes américaines présentes sur son sol. Attendu depuis longtemps, à la fois exigé et redouté par la majorité des acteurs politiques irakiens, ce retrait ouvre la voie à une période d'incertitude et d'instabilité qui risque de déboucher sur un conflit régional majeur. En effet, outre les risques d'une nouvelle guerre civile et confessionnelle entre sunnites et chiites, de nombreux observateurs craignent que ce pays ne devienne un terrain d'affrontement indirect entre l'Arabie Saoudite et l'Iran. 

Mais revenons d'abord sur les conditions du retrait étasunien. Prévu pour le premier janvier 2012, il a été avancé à la mi-décembre par les autorités américaines et cela de manière unilatérale. Il est évident que l'opération a une forte connotation électorale moins de onze mois avant une élection présidentielle où Barack Obama tentera de se faire réélire dans un contexte économique des plus déprimés. C'est bien pour cela que le locataire de la Maison-Blanche a tenu à saluer, en présence des caméras, les dernières troupes rapatriées d'Irak aux côtés de son vice-président Joe Biden. Avec ce retour des GI's, c'est l'une des rares promesses électorales de 2008 d'Obama qui est ainsi tenue… Pour autant, il ne faudrait pas croire que la présence américaine va être réduite à zéro. En effet, au moins 16.000 employés américains vont travailler dans l'immense ambassade américaine de Bagdad. Diplomates, membres des services de sécurité, instructeurs militaires mais aussi employés de firmes privées de sécurité, tout ce beau monde contribuera à maintenir l'influence US en Irak… 

Il faut aussi savoir qu'une autre option a été explorée, c'est-à-dire le maintien permanent de dix à vingt mille soldats américains sur le sol irakien. Cette possibilité, qui avait la vertu de rassurer les dirigeants irakiens, ne s'est pas concrétisée pour une raison qui en dit long sur la manière dont les Etats-Unis conçoivent leur rôle de première puissance mondiale. En effet, c'est parce que le gouvernement irakien a refusé que les soldats américains stationnant en Irak bénéficient d'une totale immunité judiciaire que Washington a décidé d'accélérer le retrait. On dira ce que l'on voudra des dirigeants irakiens actuels, et de leur autonomie vis-à-vis de l'oncle Sam, mais une chose est certaine : ces derniers savent qu'ils ne peuvent avoir un avenir politique dans leur pays en acceptant qu'un GI ayant commis un délit ne soit pas jugé par la justice irakienne (ce qui est le cas dans de nombreux pays où les Etats-Unis disposent de bases militaires). 

Abordons maintenant la situation politique interne irakienne. A peine la date du retrait étasunien connue, le gouvernement du Premier ministre Nouri al-Maliki a déclenché une nouvelle opération de « dé-bathisation » avec l'arrestation de près de mille personnes accusées de comploter contre le gouvernement. On pensait pourtant que les forces armées américains avaient fait l'essentiel entre 2003 et 2005 en purgeant tout l'appareil administratif et militaire irakien des membres et des sympathisants du parti Baath. Mais pour Al-Maliki et ses pairs, le recours récurrent à la dénonciation de la menace « saddamiste » reste un outil privilégié pour asseoir l'autorité du pouvoir central. En réalité, ces arrestations ressemblent fort à une nouvelle chasse aux sunnites dans un contexte marquée par les déclarations incendiaires de l'imam chiite Moqtada al-Sadr qui menace à la fois de s'en prendre aux sunnites mais aussi aux Américains restant sur le sol irakien. 

Et la défiance à l'égard des sunnites a pris une nouvelle tournure avec l'émission d'un mandat d'arrêt à l'encontre du vice-président (sunnite) Tarek al-Hachémi. Accusé de complot et d'avoir dirigé des escadrons de la mort coupables de nombreux attentats, ce dirigeant s'est réfugié dans la zone autonome du Kurdistan et dénoncé un règlement de compte confessionnel à son encontre. Il est évident que cette affaire n'en restera pas là. Déjà, des personnalités sunnites irakiennes, notamment des membres du bloc parlementaire laïc Iraqiya – auquel appartient al-Hachémi – menacent de ne plus siéger au parlement. 

D'autres politiciens sunnites vont plus loin et réclament la création d'une zone autonome sunnite (à l'image du Kurdistan) qui regrouperait les trois provinces centrales du pays dont celle d'Anbar (réputée très riche en gisements pétroliers et gaziers …). Il faut savoir que la nouvelle Constitution irakienne autorise la création d'une telle zone autonome mais que le gouvernement central y est fermement opposé. 

On voit donc réapparaître un scénario évoqué dès les premiers jours de l'invasion américaine de 2003 à savoir la division de l'Irak en trois zones, kurde, chiite et sunnite. Et c'est là qu'interviennent les pressions et influences externes. L'Arabie Saoudite, pays à dominante sunnite et adversaire plus ou moins déclaré de l'Iran, semble décidée à favoriser la création d'une zone autonome sunnite en Irak même si cela passe par une nouvelle guerre confessionnelle dans ce pays. De son côté, l'Iran a tout intérêt à ce que le pouvoir central irakien, c'est-à-dire l'un de ses rares alliés arabe dans la région, soit renforcé et cela passe forcément par la mise au pas de la contestation sunnite. On le voit, tous les éléments d'une nouvelle guerre d'Irak sont en place. De quoi mesurer l'immensité du gâchis provoqué par une invasion – au coût cumulé de 1000 milliards de dollars ! - que l'Histoire a déjà jugé comme étant l'un des plus grands crimes de ce début de siècle. 

Le Quotidien d'Oran, jeudi 22 décembre 2011
Akram Belkaïd, Paris
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En finir avec l'expression "Révolution de Jasmin"

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Article paru sur SlateAfrique le 19 décembre 2011 sous le titre : Y'en a marre de la «Révolution du Jasmin»!
 
Le journaliste et essayiste Akram Belkaïd s'élève contre l'association indécente de la révolte du peuple tunisien contre la dictature à une expression léguée par le régime Ben Ali.
 
La commémoration du premier anniversaire de l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, point de départ de la chute du régime de Ben Ali, a fait refleurir l’expression «Révolution du jasmin», notamment dans les médias français. Au grand dam du journaliste et essayiste Akram Belkaïd qui, dans son ouvrage Être Arabe Aujourd’hui, s’était élevé contre l’emploi de cette formule qu’il juge «indécente».

Extraits:

Cessons de parler de «Révolution du Jasmin»! Ce qui s’est passé en Tunisie entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011 n’a certainement pas été une promenade de santé ni une ballade au doux parfum hivernal. Ce fut une vraie révolution sanglante qui, contrairement à une idée reçue, ne s’est pas simplement déroulée sur Internet et ses réseaux sociaux. À Sidi Bouzid, Kasserine, Gafsa, Metlaoui, Jendouba, Souk Jedid, Kef et même à Sousse, Sfax et Tunis, les forces de police et les snipers du régime n’ont eu aucun scrupule à ouvrir le feu, tuant par balles près de 300 personnes en moins d’un mois. Mais la détermination des manifestants était sans faille. Ils voulaient en finir. «El-Chaâb yourid isqat el-nidham» —le peuple exige la chute du régime— a été l’un des slogans emblématiques du Printemps arabe scandé à pleins poumons sur l’avenue Bourguiba de Tunis avant d’être repris sur la place al-Tahrir au Caire, mais aussi sur la place de la Perle à Manama, dans les rues de Benghazi puis dans celles de Damas.

Les Tunisiens méritent mieux

C’est en pensant aux morts, à la violence de la répression et au courage des manifestants, que je m’élève contre l’utilisation indécente de l’expression «Révolution du Jasmin» pour désigner la révolte du peuple tunisien. Entendue dès les premières heures qui ont suivi la fuite de Ben Ali, elle est devenue le raccourci obligé des journalistes et des commentateurs, qui trouvent que cela donne un charmant zeste d’exotisme et y voient une analogie bienvenue avec la révolution des œillets, au Portugal, en 1975. Je reconnais l’avoir moi-même utilisée, mais nombre d’amis tunisiens m’ont depuis convaincu de son caractère détestable, à plus d’un titre. D’abord, il faut se souvenir que cette formule de carte postale a servi à désigner la prise de pouvoir de Ben Ali en novembre 1987.
Ensuite, n’oublions pas que le yasmine (le jasmin en arabe) renvoie à l’image pacifique et docile de la Tunisie. Dans le monde arabe, et plus encore au Maghreb, on a souvent moqué les Tunisiens pour leur soi disant manque de courage et de virilité. Dans un ouvrage précédent, j’ai rappelé cette anecdote où, en pleine guerre d’Algérie, un écrivain algérien rendait hommage «au peuple frère du Maroc et au peuple soeur de Tunisie»…
 
Au-delà du caractère misogyne du propos, c’était oublier que, bien avant que naisse le FLN algérien, les premiers fellaghas étaient des nationalistes tunisiens et que leur pays avait connu, lui aussi, son lot de révoltes et de soulèvements contre l’ordre colonial français. Au final, et malgré tous les clichés et les quolibets, c’est bel et bien ce peuple qui s’est révolté le premier et a chassé son tyran. C’est ce peuple qui a permis aux Arabes d’ouvrir une nouvelle page dans leur Histoire.
Une autre raison qui disqualifie cette formule du jasmin est qu’elle renvoie à la propagande du régime déchu. En Tunisie, le nom de cette fleur a été mis à toutes les sauces durant deux décennies. Il a été usé à la corde par l’insupportable logorrhée officielle, cette «novlangue inédite, hybridation monstrueuse de verbiage technocratique, de lexique pompeux et d’usage délirant de la majuscule», comme l’a décrit Myriam Marzouki, metteur en scène et fille du désormais président Moncef Marzouki.

Une expression liée au régime Ben Ali
 
Un «gloubi-boulga» absurde chantant la gloire du parrain et décrivant une terre paradisiaque qui n’existait que dans les catalogues touristiques ou les brochures de l’Agence Tunisienne de Communication Extérieure (ATCE). «Le pays du jasmin et du partage», «le tourisme au pays du jasmin et de la tolérance», «l’esprit du jasmin», «l’insouciance au pays du jasmin», voilà autant de slogans marketing imaginés par les communicants de l’ancien pouvoir dictatorial pour vendre l’image d’un pays idéal et apaisé. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que nombre de ceux qui revendiquent la paternité de cette expression de «Révolution du Jasmin» soient des journalistes longtemps obligés d’user et d’abuser de cette sordide novlangue. Trouver les termes grandiloquents susceptibles de plaire, du moins le croient-ils, aux Occidentaux est devenu chez eux un réflexe pavlovien, une forme de sujétion à un orientalisme bas-de-gamme dont il faudra absolument qu’ils se débarrassent.
 
J’ai bien conscience que cette formule est plaisante et qu’il est difficile de résister à une telle facilité d’emploi. C’est d’autant plus vrai que cela permet de faire le lien entre les révolutions arabes et la Chine, cette autre dictature où les autorités craignent tellement la contagion qu’elles ont très vite censuré le mot «jasmin» des moteurs de recherche d’Internet. Il n’empêche. Cette expression n’est pas neutre car, en un certain sens, elle perpétue l’esprit de la dictature de Ben Ali. A ce sujet, il faut d’ailleurs rappeler que la presse tunisienne a parlé il y a longtemps de «Révolution du jasmin». C’était en novembre 1987 et durant les semaines et mois qui ont suivi. Ben Ali venait de prendre le pouvoir dans son pays grâce à un «coup d’Etat médical» contre Bourguiba. Il est inutile de rappeler ce qui s’est passé ensuite et comment le parfum du jasmin s’est transformé en fumet écœurant…
 
Akram Belkaïd
 

mercredi 21 décembre 2011

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La chronique foot (2): Le football français est ennuyeux  

 
Il paraît que David Beckham arrive au Paris Saint-Germain (PSG). Voilà une information qui, si elle est confirmée, va donner un peu d’intérêt au championnat de football français. Bien entendu, on peut se demander si l’arrivée du Spice Boy va servir à quelque chose sachant que l’ancienne vedette de Manchester United et du Real de Madrid est plutôt proche de la retraite sportive. Peut-être servira-t-il, comme cela se dit ici et là, à vendre quelques maillots floqués et d’autres babioles à son effigie. On espère toutefois le voir de temps à autre sur le terrain, car même vieilli, Beckham saura certainement donner un peu de passion à un football français qui en a bien besoin.

Disons-le sans précaution aucune. Le championnat de France de football est d’un ennui total. Regarder un match de Ligue 1, c’est être sûr de perdre son temps. Rien à voir avec la Ligua espagnole et encore moins avec le championnat anglais, et je ne parle pas uniquement des matchs vedette. C’est un fait, mieux vaux assister à un Newcastle – Wolverhampton  qu’à un PSG-Lille ou même à un OM-Lyon. Il y a bien longtemps que le foot français est devenu routinier et sans surprise. La faute à qui ? Aux joueurs, affirment nombre de mes confrères. Je n’en suis pas si sûr. Si problème il y a, il faut le chercher du côté des dirigeants et des entraîneurs qui ont oublié ce que l’expression « beau jeu » veut dire.
Il fut un temps où des équipes comme le FC Nantes ou encore l’AJ Auxerre offraient du beau spectacle et ravissaient à la fois leurs supporteurs et l’observateur neutre. Aujourd’hui, on est bien en peine de citer une équipe de Ligue 1 ayant consacré l’offensive comme philosophie de jeu. Le foot français, c’est l’interdiction de la fantaisie ou du beau geste. C’est la prohibition du drible et la consécration du dégagement vers l’avant. Voici ce qu’a déclaré à ce sujet le Marseillais Alou Diarra au mensuel So Foot. «Moi, aujourd’hui, quand je récupère un ballon, je dois tout de suite faire la passe. On m’a fait un lavage de cerveau. On m’a dit: ‘tu récupères, tu passes.’ Donc je récupère et je passe (…) On m’a formaté ! Moi, je voudrais bien jouer [au] football olé olé, mais ce n’est pas possible. Le football, ce n’est plus du plaisir. C’est du business. On nous formate à faire des choses pour prendre le minimum de risques. Surtout à des postes importants. Moi, j’ai un poste important où je ne peux pas tenter n’importe quoi, n’importe quand. Ce n’est pas par hasard qu’on met moins de buts en France que dans d’autres championnats, hein ! (…) En France, on pense à ne pas perdre avant de penser à gagner. »

Penser à ne pas perdre avant d’essayer de gagner… Voilà pourquoi l’on s’emm… en regardant les matchs de Ligue 1. Voilà pourquoi un Pastore va décliner. Voilà pourquoi faire appel à Beckham ne servira à rien si ce n’est à contenter l’appétit bling-bling des qataris qui possèdent le PSG. Voilà pourquoi même un joueur comme Messi serait malheureux dans le championnat français. Son entraîneur, un ancien défenseur ou milieu défensivo-destructeur (du style de Deschamps), lui imposerait de ne pas sortir d’une zone bien délimitée et donc de ne jamais dézoner et de ne jamais rien tenter en dehors des consignes (défensives et très sérieuses) d’avant-match. Dans le pays des Guillou, Platini, Giresse, Tigana et autres Cantona, cela montre bien la régression du football français…

Akram Belkaïd
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Entretien avec Respect Mag

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Akram Belkaïd: «Être arabe aujourd’hui, c’est s’impliquer»

 

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20 DÉCEMBRE, 2011
Par: Hassina Mechaï
Akram Belkaïd, journaliste algérien, spécialiste du monde arabe, est l'auteur d' «Être Arabe Aujourd’hui» paru aux éditions Carnetsnord. Dans cet ouvrage, il revient notamment sur les causes du printemps arabe et la place de l'Islam dans ces sociétés. Interview.
Les révolutions arabes ont semblé être pour vous une heureuse surprise ? Vous dites ne pas les avoir vues venir ?
Il s’agit là d’un sentiment humain de déception répétées, on finit par ne plus y croire. Au début des années 2000, je m’étais déjà enthousiasmé pour le mouvement Kifaya en Égypte* ; j’ai cru que ça serait le début du réveil arabe. Mais ces pouvoirs avaient des capacités importantes de résilience... J’ai continué à observer ces sociétés. Rétrospectivement parlant, ce qui s’est passé en décembre a été préparé par une série d’événements : grèves, émeutes locales, immolations. Je pensais que tout bougerait plus tard.
Des livres comme celui d’Emmanuel Todd et Youssef Courbage, Le rendez-vous des civilisations, en s’appuyant sur des données démographiques objectives, ont pu annoncer l’évolution de ce monde arabe ?
Oui ces deux auteurs ont vu que la transition démographique, la baisse de la fécondité chez les femmes et la hausse du niveau d'alphabétisation créaient les conditions objectives du Printemps arabe. Cependant je reste plus prudent qu’eux, notamment sur leurs prévisions sur l’évolution post islamiste. Je ne suis pas certain qu’on soit définitivement sorti de la tentation islamiste, y compris dans la société tunisienne.
Car le vrai enjeu est l’émergence d’un mouvement de fond, à fois philosophique et politique, de relecture de l’Islam : il nous faut une relecture des textes sacrés à l’aune de la modernité. Historiquement, l’Islam des Lumières a déjà eu lieu dans l’histoire de la pensée musulmane, entre le 9eme et le 12eme siècle : toute une réflexion de savants musulmans décrétant le libre arbitre, la séparation du religieux et du politique. Le monde arabe a donc déjà là un formidable matériau philosophique.
Vous montrez que l’Islam devra être intégré dans cette dynamique nouvelle...
Parce qu’on ne peut nier la réalité sociologique et politique des peuples arabes. L’exemple algérien a montré que la violence éradicatrice n’est pas la solution. Les islamistes ont le soutien d’une partie de la population, on ne peut les écarter du jeu politique. Mais il ne faut pas être naïf. Le mouvement islamiste, même s’il dit s’être amendé, doit être surveillé de près. Je suis dialoguiste, incorporons les dans le jeu politique, même si la tentation radicale existera toujours.
Et puis il y a des éléments qui poussent à l’optimisme, notamment avec l'exemple turc . Ce pays a démontré que des islamistes peuvent gagner des élections sans que rien de grave ne se passe. La Turquie essaye de faire revivre l’influence de l’Empire ottoman. Ce pays a une croissance de 8%, un dynamisme incroyable, il réforme ses institutions et frappe à la porte de l’Europe.
Vous utilisez beaucoup de mots comme hogra (mépris), humiliation, comme si ce printemps arabe était d’abord un formidable appel à la dignité.
Jusque là, la chose la mieux partagée par les peuples arabes était le sentiment d’humiliation ; ce sentiment a fait tomber le mur de la peur et a poussé les gens à réclamer leur droit à la dignité. Désormais les peuples ne vont plus accepter qu’on leur impose la figure du maître absolu et sa famille au pouvoir. C’est d’abord un appel à la Karama, la dignité. D’ailleurs ce sentiment a été longtemps et habilement exploité par les dictateurs arabes, et canalisé contre Israël. Pourtant, ceux qui sont humiliés par Israël sont les Palestiniens, pas le chômeur algérien ou tunisien. Lorsque ces derniers revendiquaient une meilleure vie, on leur disait d’attendre la libération de la Palestine.
Une véritable martyrologie de Bouazizi a été construite après sa mort ? Y a-t-il une mythologie, un story-telling de ce Printemps Arabe ?
Complétement. Une mythologie qui participe de l’histoire de ce mouvement de fond. Il n’en demeure pas moins que le supplice de cet homme par le feu a déclenché un mouvement de protestation nationale, en Tunisie d’abord, et puis dans d’autres pays. C’est un storytelling utile. Et puis, il faut garder à l’esprit l’individu lui-même : quel désespoir fallait-il pour s’immoler par le feu… Certes, il y a eu construction médiatique de ce printemps arabe, des choses demeurent inconnues comme le rôle de l’armée tunisienne ou des think tanks américains. Mais des gens sont bien morts sous les balles, un homme est mort brulé vif. 

Qu’est-ce que ce Printemps arabe dit de l’Occident ?
Il a été saisissant de voir que les gouvernements européens ont présenté ces bouleversements comme des équations liées à l’immigration. Cela a révélé une absence totale de solidarité et une collusion avec des régimes dictatoriaux soutenus à bout de bras au nom de la lutte contre l’islamisme et l’immigration clandestine.
Mais il a été également fascinant de constater qu’un pays aussi influent que la France a été, incapable de voir venir tout cela. La position très pragmatique des États unis tranche nettement ; ainsi le discours d’Obama après le départ de Moubarak restera un grand discours, avec intonations à la Lincoln.
Pourquoi l’Algérie semble-t-elle être un trou noir dans ce printemps arabe ?
Ce n’est pas surprenant. De 1988 à 1990, on a parlé du printemps algérien, lequel a débouché sur une guerre civile de 10 ans qui a fait 200 000 morts. L’Algérie est un pays en confrontation permanente ; mais le système sait gérer cela en maniant la carotte financière. Le débat en Algérie se résume ainsi : soit le régime comprend qu’on est en train vivre une période vitale et accepte une remise en cause ; soit on se prépare à des années plus terribles encore que la décennie noire. Une partie de la jeunesse, née avec les émeutes de 88, n’a rien à perdre. L’étincelle peut venir d’elle.
Pour parler comme Montesquieu, comment peut-on être arabe aujourd’hui ?
En investissant le destin de son pays, en refusant de se complaire dans une posture de victimisation, et en s’impliquant dans une démarche de modernisation religieuse et de remise en cause de tabous, notamment dans la séparation du religieux et du politique. Et surtout, on ne peut être arabe sans s’investir dans la question de la place de femme dans société. N’oublions pas, des femmes voilées ou pas, ont manifesté et ont fait aussi ce printemps arabe.
* De l’arabe « ça suffit ! », ce mouvement d’opposition au gouvernement de Moubarak appelait à une démocratisation du système politique.
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jeudi 15 décembre 2011

La chronique du blédard : Ballon d'or pour Iniesta et Xavi

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Parlons football et oublions un peu le fracas du monde. L'une des conséquences de la récente victoire du FC Barcelone contre le Real de Madrid (3 buts à 1, et à Madrid s'il vous plaît !) est qu'elle clarifie la course au Ballon d'or. En effet, on voit mal comment Cristiano Ronaldo, l'attaquant madrilène bien peu en vue lors de ce classico, pourrait décrocher le gros lot (même si une surprise n'est pas impossible). Du coup, l'affaire semble entendue. Lionel Messi, prodige barcelonais, est en passe de remporter le trophée pour la troisième année consécutive (de quoi faire enrager Michel Platini, ce qui, au passage, ne serait pas une mauvaise chose…). 

On le sait, trois joueurs ont atteint le dernier pallier avant la désignation officielle du Ballon d'or, début janvier : Messi, Ronaldo et Xavi Hernandez, le milieu barcelonais sur lequel on reviendra. Commençons d'abord par regretter une grande injustice, de celles dont la Fifa (désormais aux commandes de cette prestigieuse distinction) semble maîtriser l'art et la technique mesquine. Il s'agit de l'absence d'Andrés Iniesta, un autre joueur de Barcelone qui (c'est dit sans aucun chauvinisme) aurait mérité non seulement de faire partie de la dernière sélection mais, plus encore, de décrocher la récompense. Oui, Iniesta ballon d'or 2011. Oui, Iniesta meilleur que Messi. Cela sans oublier le fait qu'Iniesta méritait déjà d'être ballon d'or en 2010 (il n'a eu droit qu'à la deuxième place derrière Messi).

Argumentons. Sans Iniesta (et Xavi), Messi ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui. Il suffit juste d'examiner les piètres performances de l'Argentin avec son équipe nationale pour s'en rendre compte. Bien sûr, Messi est époustouflant avec le Barça. Ses dribles, ses courses parties de loin, ses buts aussi (il a dépassé la barre des deux cent) et sa capacité à perforer n'importe quelle défense en font un joueur d'exception. Mais que serait-il sans Iniesta ? Sans la capacité de ce dernier à transformer en occasion en or n'importe quel ballon récupéré au milieu de terrain ? Balle au pied, Iniesta est tout aussi inégalable que l'Argentin. Sa vivacité, qu'il démontre à chaque match, et sa capacité à se faufiler par le plus petit des chats d'aiguille sont impressionnantes. Parlez-en aux madrilènes Coentrão et Pepe qui ont passé l'une des pires soirées de leur vie samedi 10 décembre face aux attaques virevoltantes de celui qui, en d'autres temps footballistiques, aurait fait un parfait ailier pour une formation en 4-2-4…

On peut citer maints exemples à propos du talent de «Don Andrés» comme par exemple son but en finale de la Coupe du monde de 2010 ou son égalisation miraculeuse dans le temps additionnel face à Chelsea en 2009. Mais, le concernant, il y a une phase de jeu qu'il faut garder en mémoire et montrer en boucle à tous les footballeurs en herbe. C'était au printemps dernier, lors d'un match de Ligue des champions contre Arsenal. Comme à son habitude, Iniesta récupère le ballon au milieu du terrain, sur le côté gauche. Il pique au centre, avance rapidement vers le but adverse, élimine un adversaire, puis deux. Jusque-là, rien d'inhabituel… Puis vient ce geste, unique, qui consiste, pour lui, à se pencher et à regarder vers la gauche. Résultat, comme un seul homme, toute la défense d'Arsenal bascule à gauche. Le trou est fait. Iniesta passe la balle vers la droite où Villa transmet à un Xavi esseulé qui n'a plus qu'à marquer. Une phase digne d'un match de basket-ball avec feintes de corps et de visage à l'appui. C'est là toute la science et le talent d'Iniesta.

Parlons maintenant d'un autre grand de Catalogne. Contrairement à Iniesta, Xavi a encore toutes ses chances de remporter le Ballon d'or. Là aussi, ce ne serait que justice. Après avoir vu un match du Barça, il faut le revoir en s'attachant à ne suivre que Xavi, ses placements et ses passes. C'est lui l'unité centrale et le métronome de l'équipe catalane. C'est l'homme charnière qui donne le tempo, qui décide s'il est temps d'attaquer ou s'il faut encore temporiser. C'est lui qui devine si l'adversaire est cuit ou s'il a encore la capacité de résister à la déferlante blaugrana. C'est lui qui repère la brèche avant même qu'elle ne se forme. On pense souvent que le football est un sport où vingt joueurs de terrain passent leur temps à courir sans réfléchir derrière le ballon. Xavi montre que c'est tout le contraire. Avec lui, on attend le bon moment pour recevoir ou demander la balle.

Vues à l'écran ou des tribunes, ses temporisations et ses retours en arrière alors qu'un coéquipier est démarqué, peuvent étonner voire même irriter. C'est pourtant tout l'art de jouer de Xavi. S'il ne passe pas la balle, c'est qu'il a en tête deux ou trois coups d'avance. En une fraction de seconde, ayant mémorisé où sont placés ses coéquipiers et ses adversaires, il devine et anticipe ce qui risque de se passer. Et il prend alors la décision de faire durer la séquence de jeu, de l'accélérer ou de l'orienter autrement. On peut d'ailleurs se demander s'il ne s'agit pas là d'une allégorie de la vie et si Xavi, lui-même, en est conscient. Jouer comme on vit, écrire comme on joue : ouvrir, fermer, relancer, durcir, offrir, rythmer, casser...… Il faudrait plusieurs feuillets et colonnes pour creuser cela. Mais passons.

Evoquant ses joueurs de milieu de terrain, l'entraîneur barcelonais Pep Guardiola a tenu les propos suivants dans un entretien accordé à Fifa.com : «Les milieux sont des joueurs intelligents, qui prennent la plupart des décisions dans un match. Pour pouvoir décider, il faut d'abord comprendre. C'est ce qu'on leur demande également.» Il est évident que Guardiola – qui fut lui aussi un grand milieu de terrain et le chef d'orchestre de la «dream team» barcelonaise du début des années 1990 – pensait à Xavi en disant cela. Xavi le maestro… Alors oui, ballon d'or pour lui. Sinon pourquoi pas un ballon d'or à égalité pour Iniesta et Xavi ? Au nom de l'intelligence et de la beauté du jeu.
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PS : cette chronique est dédiée à la mémoire de deux grands joueurs disparus récemment. D'abord, le Brésilien Socrates, qui, outre un talent fou et une classe inégalée, a montré de par son engagement chez les Corinthians qu'un mouvement de sportif contestant leurs conditions de travail pouvait aussi contribuer au retour de la démocratie au Brésil. Ensuite, l'Algérien Djamel Keddou, ancienne gloire de l'équipe nationale et de l'USM Alger. Ce joueur à la fois stylé et dur sur l'homme (on le surnommait le Beckenbauer algérien) a montré, une fois devenu entraîneur, que l'on pouvait construire une équipe en respectant les valeurs du travail bien fait y compris dans un pays comme l'Algérie.
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dimanche 11 décembre 2011

A propos du 11 décembre 1960

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A lire sur SlateAfrique


L'histoire oubliée du printemps nationaliste algérien

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La chronique foot (1) : Le Barça fait vieillir ses fans

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Ainsi donc, le Barça a remporté le classico du samedi 10 décembre en allant s’imposer par trois but à un sur la pelouse du Real de Madrid. Je n’espérais pas un tel résultat car l’équipe madrilène me semblait irrésistible depuis quelques semaines tandis que le Barça, équipe que je supporte depuis les années soixante-dix, me paraissait encore à la recherche du bon rythme. Une recherche peu aisée d’autant que son entraîneur Guardiola a expérimenté plusieurs schémas de jeu depuis le début de la saison (notamment un 3-5-2 qui montre bien à quel point il est l’héritier de l’entraineur argentin Marcelo Bielsa). La victoire relance donc le championnat espagnol et montre qui est le vrai patron de la Liga…

De façon générale, tout le monde reconnaît que le Barça a été supérieur aux Merengues, notamment en seconde mi-temps. Le milieu de terrain barcelonais a étouffé toute opposition et, une nouvelle fois, il faut relever le rôle déterminant de la paire Xavi-Iniesta. On doit aussi rendre hommage au match époustouflant de Pujol. Lui que l’on disait au seuil d’une retraite bien méritée a démontré que la défense catalane a encore besoin de lui. Mention spéciale aussi pour Abidal et Alves, qui, chacun à leur façon, ont pesé sur le milieu et la défense madrilène. Quant à Messi, il n’a pas été étincelant même si on lui doit une passe décisive pour le premier but. Sa tendance à trop garder le ballon porte peut-être en elle les germes d’une crise à venir au sein de l’équipe comme en témoigne d’ailleurs la non-titularisation de Villa auquel Guardiola a préféré Sanchez (excellent et auteur du but égalisateur). Côté madrilène, un grand bravo à Benzema. Quand donc Mourinho comprendra-t-il que c’est autour de ce joueur qu’il doit bâtir son équipe et exiger qu’elle travaille autant pour lui que pour Ronaldo (insignifiant et pétrifié par son duel à distance avec Messi).

Mais revenons à un aspect du jeu du Barça qui n’en finira jamais de m’impressionner. Il m’arrive souvent de dire que cette équipe me fait rajeunir mais qu’elle me fait aussi vieillir. Rajeunir grâce à son jeu érigé en philosophie. Mais vieillir à cause de sa capacité à prendre tous les risques pendant un match. Au Barça, quand la situation est chaude dans la surface de réparation, on ne dégage pas «fort et en l’air». Bien au contraire, on construit, on sort le ballon proprement, en prenant tous les risques s’il le faut. On fait des passes horizontales alors que l’attaquant adverse est là et qu’il lui suffirait d’anticiper pour intercepter la balle. Le grand exemple de cela est le but madrilène. Au lieu de dégager loin devant, Valdes, le gardien barcelonais a offert un but en or aux Real (ce qui m’a fait penser que le Barça se permet aujourd’hui de donner un but d’avance à ses adversaires comme le faisaient nos aînés du quartier quand ils jouaient contre plus jeunes, et plus faibles, qu’eux). Croyez-vous que cette bévue de Valdes a constitué une leçon ? Pas du tout. De manière régulière, le Barça a continué de prendre tous les risques pour sortir la balle de son camp. Passes en triangle, diagonales, talonnades, et nous autres, supporters, en étions quitte pour des sueurs froides et des souffles coupés. Oui, à bien des égards, le Barça fait vieillir ses fans…

Cette obligation de bien sortir le ballon a été récemment évoquée par le mensuel So Foot de septembre dernier. Extraits de propos de Guardiola : «Je me souviens de ce que nous disait Johan Cruyff, que ce qui était le plus important dans le football c’est que les joueurs qui devaient jouer le mieux au ballon devaient être les défenseurs. Si tu sors bien le ballon, tu peux jouer, sinon tu peux rien faire. Johan pense que c’est le ballon qui équilibre une équipe. Perds la balle et ton équipe est déséquilibrée ; perds-la peu et ton équipe est équilibrée». Voilà qui explique, en partie, la manière de jouer du Barça. Voilà pourquoi cette équipe aime le ballon et en prive ses adversaires (60% de possession de balle contre le Real). Autre phrase du «Pep» : «Je ne place jamais mes joueurs avec l’idée d’attaquer en utilisant la contre-attaque. Pour moi, c’est avant tout la possession. Si on peut garder le ballon, pourquoi le rendre ?». Effectivement. Le Barça ne rend la balle à l’adversaire que lorsqu’il a marqué. Pour notre plus grand plaisir…

vendredi 9 décembre 2011

La chronique du blédard : Une nuit à l'hôtel

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Dès le début, les choses commencent mal. Il fut un temps où les chambres d'hôtel s'ouvraient avec une simple clé mais là, une carte magnétique à la main, on cherche désespérément à déclencher un mécanisme invisible dont on ignore tout. On passe le carré magique un peu partout, on le fait glisser, on l'insère, on le plaque contre le bois ou le métal, rien n'y fait. Alors, ivre de fatigue et de colère, assommé par le décalage horaire, on redescend à la réception où une effrontée venue d'Asie du sud-est vous explique, un brin méprisante et tout en re-magnétisant la dite carte, qu'il faut apprendre à éloigner son téléphone portable du précieux sésame. 

Cette affaire réglée, nous voilà dans la chambre, immense, comme il sied en ses latitudes arabo-persiques. Il est bientôt deux heures du matin et la violence de l'éclairage commande de localiser l'interrupteur pour protéger ses rétines. Mais il y a une autre urgence. La température extérieure est de vingt-huit degrés. A l'intérieur, c'est un froid polaire qui règne. Vite, trouver le bouton de commande du climatiseur. Et là, il faut dix bonnes minutes pour venir à bout de la soufflerie déchaînée. Dix minutes de trop auxquelles on repensera un peu plus tard en se réveillant le nez et les sinus en feu.

Au tour de l'éclairage, maintenant. Misère… On se retrouve face à un ordinateur, boutons, loupiottes et tout le bataclan. On appuie ici, et tout s'éteint. On appuie là, et tout se rallume. On essaie plus bas, et c'est le store du balcon qui commence à gémir. On effleure une autre touche, et c'est une radio qui, quelque part, s'allume. On la presse une nouvelle fois et c'est le plafonnier qui s'éteint. Là, on se dit qu'il faudrait peut-être faire appel à ce qui reste de ses connaissances en langage Fortran ou Pascal – ou peut-être est-ce le grafcet, je ne sais plus – pour être capable de dompter cette machinerie infernale. Mais tant pis. On dormira la lumière allumée et le store ouvert. De toutes les façons, le premier rendez-vous est à huit heures, c'est-à-dire dans trois cent minutes. Autant éviter de sombrer dans un sommeil profond.

Il faut maintenant s'habituer à ce lieu où l'on va vivre quelques jours. Y vivre sans s'attacher, en saluant avec respect les anges invisibles qui y demeurent, se dire qu'il faut en garder quelques souvenirs et, surtout, ne pas se comporter en viajero blasé qui finit par confondre ses haltes successives. Revenons à la grande pièce. Deux couleurs y dominent. Le noir et le blanc. Les meubles, qui rappellent le design des années soixante-dix, sont laqués et la lumière qu'ils reflètent provoque des sensations trompeuses. Croyant à un espace vide dans cette (fausse) penderie, on se cogne et l'on se mord la langue pour ne pas énumérer la longue liste de jurons qui tournoient dans la tête depuis l'épisode de la carte magnétique. C'est à ce moment-là que l'immense écran plat décide de s'allumer tout seul déversant un flot assourdissant de musique dance orientale.

Vite, la télécommande. Oui, mais laquelle des trois ? A quoi servent-elles ? Comment fonctionne cette télévision dont les menus déroulant proposent internet, des chaînes de télévision, le point sur sa facture, les horaires des compagnies aériennes et moult services dont on ignore l'utilité ? Et voilà qu'au lieu de se dépêcher de dormir, on se retrouve bien décidé à dompter cet autre manifestation du toujours plus de technologie. Il fut un temps, où la seule bagarre de ce genre dans une chambre d'hôtel consistait à comprendre la manière de programmer le radio-réveil – ce qui n'était pas une mince affaire, il faut bien le reconnaître. Et voilà que l'on se retrouve face à un système haute-fidélité qui vous convainc du bien fondé de rejoindre la secte des technophobes.

Mais ce n'est pas fini ! Car voici venu le grand moment de la douche. Effacer les suées du voyage, la sensation d'être poisseux et, surtout se débarrasser de cette odeur de carlingue pressurisée qui colle à tous les avions y compris les plus prestigieux. Nous voilà donc dans la salle de bains. Reprenons la formule qui sied à cette chronique : Il fut un temps. Il fut donc un temps où une douche se caractérisait par l'existence de deux robinets, l'un bleu, l'autre rouge, d'un mélangeur et d'une poire. Le lecteur admettra que l'on soit surpris par l'existence de quatre robinets et d'autant de manettes. Comment faire ? Par où commencer sans prendre le risque de s'ébouillanter ? Encore habillé, on manipule avec précaution, on teste avec prudence, on se dit que l'on a enfin compris quand, soudain, des litres d'eau glacée se déversent du ciel. Ainsi va l'innovation.

Avoir surveillé le débit de la poire était une erreur car l'une des manettes servait à commander une sorte d'arrosoir métallique incrusté au plafond. Inutile d'insister. Tant pis pour la douche, puisque, comme disaient les internes du lycée de Ben Aknoun, il n'y a que les gens sales qui se lavent !

On s'en retourne donc vers la chambre, décidé à ne plus gaspiller le peu de temps de sommeil qui reste offert. On se prépare à s'allonger quand l'œil accroche une quatrième télécommande. La raison ordonne de ne pas s'en préoccuper mais la curiosité est trop forte. Appuyons sur le bouton vert. Et voilà que le lit commence à se rétracter. Vite, stoppons-là cette étrange contorsion. Rien à faire, la literie est en train de s'affoler. Appuyons sur la touche rouge, celle à deux chevrons vers le haut, ou vers le bas. Ouf, tout rentre enfin dans l'ordre. Ouvrons ce tiroir, jetons-y les quatre télécommandes et refermons-le.

On s'allonge enfin. On lit d'un œil distrait la devise inscrite sur le papier à en-tête de l'hôtel (n'oubliez pas de vivre votre vie) et on commence à s'endormir quand, soudain, un grondement ébranle la pièce. Un avion, c'est bel et bien un avion. Un avion qui va s'écraser sur l'hôtel ! Sauter hors du lit, courir (mais où ?), aller vers le balcon, téléphone portable à la main, en se disant que l'on va tout filmer et que l'on sera peut-être célèbre à titre posthume. Sidéré, l'on voit un 767 passer au dessus de sa tête pour aller se poser à quelques centaines de mètres de là. Dans l'heure qui vient, il sera suivi par une dizaine de gros porteurs tout aussi bruyants et inquiétants les uns que les autres. 

Mais, la fatigue aidant, tête encore mouillée et rétine éblouie, on arrive tout de même à s'endormir, se promettant de faire subir aux architectes, designers et autres décorateurs d'intérieur le même sort que l'on a promis, un jour de grande lassitude, aux informaticiens d'entreprise : en prendre un au hasard et le pendre en place publique. Pour l'exemple et pour le confort des honnêtes voyageurs...
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De l'islamisme et du Printemps arabe

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Il est étonnant de voir des gens s'étonner (s'affoler ? s'indigner ?) de la victoire des islamistes aux élections (Egypte, Tunisie, Maroc, demain la Libye). Tout cela était prévisible. L'islamisme n'a pas disparu parce qu'il n'a pas été visible lors des premiers temps des révolutions arabes

Extrait d'Etre Arabe Aujourd'hui, page 147 :

« Tergiverser ou louvoyer avec l’islamisme en croyant qu’il finira pas disparaître de sa belle mort politique et idéologique au profit d’une démocratie apaisée et sécularisée risque d’apporter de cruelles désillusions. En réalité, comme me l’a dit un soufi irakien, ‘rien ne se fera en dehors de l’islam’. Que l’on me comprenne bien, il ne s’agit nullement d’un slogan islamiste mais, à l’inverse, l’expression de la conviction qu’il faudra tôt ou tard, pour qu’une démocratie juste s’installe et perdure, que les musulmans acceptent de s’investir dans une nouvelle exégèse des textes coraniques par le biais d’une renaissance de la pensée islamique ».

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jeudi 8 décembre 2011

La chronique économique : L’EUROPE, LA CROISSANCE ET LES AGENCES DE NOTATION

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 6 décembre 2011
Akram Belkaïd, Paris

Le projet d’accord entre la France et l’Allemagne n’a donc pas évité une nouvelle humiliation aux pays membres de la zone Euro. Alors que l’on en était encore à déchiffrer le contenu de l’accord Sarkozy-Merkel destiné (soi-disant) à relancer la construction européenne, l’agence américaine a fait savoir qu’elle mettait les 17 pays de la zone Euro sous surveillance négative. Pire encore, la France est même menacée d’une dégradation de deux crans, ce qui l’éloignerait pour une très longue durée de la possibilité de regagner son « triple A » (AAA). En effet, il est plus facile de perdre cette note suprême que de la gagner…

DEUX CONTRADICTIONS MAJEURES

Cet accord franco-allemand et la réaction de S&P appellent au moins deux commentaires majeurs. Le premier est d’ordre général et peut permettre de comprendre pourquoi l’agence de notation, dans sa logique, a émis sa menace de dégrader la majorité des pays européens. A bien lire les dispositions du texte, on se rend compte qu’il est une énumération de tout ce que ni la France ni d’autres pays du continent n’ont été capables de faire au cours de ces dernières années. Ainsi, le document prévoit-il des sanctions automatiques pour les pays qui ne respectent pas la « règle d’or budgétaire », disposition qui impose de financer sans emprunt toute dépense de l’Etat (ce qui vise à réduire l’endettement et donc les déficits). Or, on sait bien que la règle d’or ne peut être respectée par les pays qui ont des économies faibles et qui ont toujours besoin de s’endetter. En réalité, l’accord franco-allemand ressemble à une liste de bonnes résolutions dont on sait très bien qu’elles ne seront jamais concrétisées. L’Europe ressemble ainsi à ces cancres qui établissent un planning de révisions ambitieux, tout en sachant qu’ils ne se mettront pas au travail…

L’autre grande remarque est d’ordre structurel. Encore une fois, il semble bien que Paris et Berlin se trompent de diagnostic. Pour rassurer les marchés, les deux gouvernements insistent sur leur détermination à aller vers toujours plus d’austérité et de contrôle des dépenses publiques. Or, et sans faire de jeu de mots douteux, l’Europe ne gagnera pas du poids (sur la scène internationale) en se forçant à maigrir en permanence. En effet, le vrai enjeu pour la zone Euro n’est pas de se contraindre mais bien de gagner plus de croissance. Ce n’est que par une augmentation de l’activité qu’elle créera des emplois et qu’elle parviendra à réduire les déficits (une économie qui repart génère des revenus fiscaux et donc contribue à équilibrer son budget). En s’entêtant à ne privilégier que la voie de la baisse des dépenses publiques sans vraiment réfléchir à une stratégie de croissance, l’Europe prend là le risque d’un vrai déclin.

 UNE LEÇON POUR LE MAGHREB

Par ailleurs, ce qui se passe en Europe est une leçon pour les défenseurs d’un Maghreb intégré. Cela prouve que l’on ne peut bâtir d’union économique durable sans un minimum de convergence politique. La grande erreur des Européens a été de croire que le marché peut tout régler. Aujourd’hui, on sent bien que ce qui manque à l’Europe, c’est une direction politique unifiée qui aille au-delà des agendas nationaux. Des questions comme l’uniformisation fiscale (afin d’éviter que des pays n’encouragent les délocalisations en baissant leurs impôts) et la conception d’une stratégie économique méritent ainsi d’être débattues à l’échelle de l’Union et ne peuvent rester du domaine des compétences nationales. C’est le chemin que doit emprunter l’Europe. C’est celui aussi que le Maghreb unifié devra prendre un jour.
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A lire dans SlateAfrique : A propos de Fanon, de l'Algérie et de l'Afrique

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A lire sur SlateAfrique

Fanon, précurseur des révolutions arabes

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dimanche 4 décembre 2011

La chronique du blédard : Les enseignements du drame syrien

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Le drame du peuple syrien, confronté à la sauvagerie d'un régime bien décidé à ne rien lâcher (car ses dirigeants savent que c'est leur survie physique qui est en jeu) démontre une nouvelle fois l'impuissance de la communauté internationale à imposer la paix dans une telle situation. Bien entendu, chacun a aujourd'hui l'exemple libyen en tête. Pourquoi ne pas bombarder les tueurs d'Assad ? Pourquoi ne pas larguer des bombes sur son palais de Damas ou sur ses tanks qui sèment le chaos à Hama ou à Homs ? Telles sont les questions que l'on entend fréquemment. 

Commençons par aborder ce dernier point en relevant que ce sont les circonstances de la chute de Kadhafi qui permettent à Assad de se maintenir au pouvoir. En effet, aucune intervention étrangère ne semble possible, du moins pour l'heure et sous l'égide de l'Onu. Pour avoir forcé la main à la Chine et à la Russie dans le cas libyen et pour les avoir « entourloupés » en allant bien plus loin que ce que prévoyait la résolution 1973 – laquelle, rappelons-le, n'a jamais stipulé qu'il fallait faire tomber le régime de Kadhafi (ni tuer ce dernier) – les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne savent que ces deux pays opposeront leur veto à toute action militaire contre la Syrie. Dans un monde de plus en plus multipolaire, on ne joue pas impunément avec la légalité internationale sans en subir les conséquences quand bien même représenterait-on les principales forces de frappe de l'Otan.

Dès lors, et conscientes de leur faible marge de manœuvre, les capitales occidentales en appellent à la Ligue arabe pour qu'elle impose des sanctions à Damas. Cela vient d'être accompli et il faut signaler la célérité avec laquelle la Ligue a agit, elle qui, prend habituellement son temps pour ne rien décider au final. De cela, on peut d'ores et déjà tirer un enseignement. Au sein de la Ligue arabe, ce sont les pays du Golfe, Qatar et Arabie Saoudite en tête, qui mènent désormais la danse. Ni l'Egypte, confrontée à ses propres problèmes internes, ni les pays du Maghreb ne semblent aujourd'hui capables de contenir la volonté de Doha et de Riyadh ou d'imposer des solutions alternatives. La crise syrienne nous montre donc que les pays du Golfe ont pris le pouvoir et que leur influence ne se limite plus uniquement à leur capacité d'ouvrir leur carnet de chèques ou à faire passer des messages via Al-Jazira ou Al-Arabiya.

Revenons maintenant à cette question des sanctions. Dans le cas syrien, comme pour d'autres crises précédentes, elles ressemblent fort à un remède dont on sait qu'il n'aura aucun effet sur le mal. C'est un pis-aller que l'on prescrit parce qu'il faut bien faire quelque chose et que cela permet d'éviter d'être accusé d'immobilisme et d'indifférence à l'égard des souffrances des Syriens. Pour autant, tout le monde sait que les sanctions ne sont guère efficaces. Les exemples irakien, nord-coréen et iranien (on peut aussi citer le cas zimbabwéen), démontrent d'ailleurs que c'est d'abord le peuple qui en subit les conséquences. Certes, les dirigeants syriens vont avoir du mal à voyager et à profiter de l'argent qu'ils ont « honnêtement volé », pour reprendre l'expression d'un ami banquier. Pour autant, ils sauront profiter de la mansuétude et le soutien de nombreux régimes à commencer par le voisin iranien.

Et, là aussi, on peut tirer un autre enseignement de cette situation. Aujourd'hui, le système légal international est incapable de mettre en place des sanctions qui toucheraient uniquement les dirigeants d'un pays et pas leur peuple. Quoique prétende la Ligue arabe ou les chancelleries occidentales, il est quasiment impossible de toucher les dictateurs au portefeuille. Il y a trop de failles dans le système, trop de complicités, trop de paradis fiscaux et trop d'intermédiaires empressés qui sauront contourner les obstacles. Cela vaut aussi pour la question de l'armement. Décréter un embargo à l'encontre du régime de Bachar al-Assad n'aura guère d'influence sur le terrain. Et l'on peut être sûr que de nombreux vendeurs de canons sont d'ores et déjà à Damas pour vendre leur quincaillerie létale.

En réalité, dans ce genre de crise, il n'y a pas de solution idéale. Assad est allé trop loin dans l'horreur pour pouvoir reculer. Il joue donc la seule carte qui lui reste. Celle de la mise au pas sanglante de son peuple en espérant que la communauté internationale finira un jour par lui pardonner et normaliser ses relations avec lui. Bien entendu, c'est un mauvais calcul car nous ne sommes plus dans les années soixante-dix ou quatre-vingt quand son père pouvait faire détruire une ville par son aviation sans que le monde ne réagisse ou ne s'indigne vraiment. La chute d'Assad est inéluctable mais personne ne peut prédire ni sa date ni son coût humain.

Et l'on en revient donc à l'intervention militaire. Alors qu'ils y étaient opposés, de nombreux membres du Conseil national syrien (CNS) commencent à changer d'avis. Bien conscients que cela peut déboucher sur un chaos à la libyenne, ils estiment néanmoins que seule la force fera plier la dictature syrienne. Peut-on pour autant soutenir une telle option sans prendre le temps d'y réfléchir ? Si le cœur parle, alors oui, il faudrait une intervention immédiate et la destruction de ce régime qui fait honte au monde arabe. Un régime qui prétend défendre les Palestiniens en faisant mine de croire que le massacre de Tell Zaatar a été gommé des mémoires.

Mais si la raison s'exprime, alors on s'oblige à une douloureuse prudence. Il ne fait nul doute que les forces loyales au régime ainsi que ses milices seront balayées en cas d'intervention étrangère. On peut même penser qu'Assad et sa clientèle seront, au mieux, forcés de fuir en Iran. Mais ensuite ? C'est une lapalissade que d'affirmer que la région est une poudrière. Que se passera-t-il au Liban ? Que fera le Hezbollah ? Quel parti tirera Israël de la disparition de son « meilleur ennemi » ? Un ennemi très fort pour massacrer son propre peuple mais incapable de récupérer le Golan… Toutes ces questions, effrayantes, n'ont pas de réponse. Et ce qui se passe en Syrie fait plonger dans une démoralisante impuissance. 

Le Quotidien d'Oran, jeudi 1er décembre 2011
Akram Belkaïd, Paris
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jeudi 1 décembre 2011

Et maintenant, c'est Michelle qui veut m'avoir à dîner !

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Après le mari, quelques uns de ses sous-fifres, c'est l'épouse qui s'y met !

Pour 3 dollars versés à la campagne de Barack, j'aurai peut-être la chance de ripailler avec le couple présidentielle.

Assis à côté de Michelle, je lui raconterai ma vie, mes amis, mes amours et mes zenmerdes...

Trois dollars, à vo't bon coeur amis internautes.

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Akram --

I'm excited for the chance to meet you and whoever you decide to bring to dinner.

I really hope you give this a shot.

Give $3 or whatever you can to be automatically entered for you and a guest to have dinner with Barack and me:

https://donate.barackobama.com/Dinner-With-Us

Hope to see you soon,

Michelle