Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

lundi 27 avril 2020

La chronique du blédard : Les bruits de la nuit

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 23 avril 2020
Akram Belkaïd, Paris

Dix-neuf heures trente. Le jour décline. Les oiseaux chantent déjà. On pense alors à la folie des étourneaux de l’avenue Bourguiba à Tunis, ayant rarement vécu pareil vacarme en milieu urbain. Dix-neuf heures cinquante-cinq. Les applaudissements en soutien et en hommage aux personnels soignants commencent avec un peu d’avance. Les claps vont ainsi crescendo, rejoints au fur et à mesure par des claquements de paumes plus ou moins énergiques, les vibrations métalliques des rambardes, le puissant ding-dong d’une cloche d’alpage ou la vibration cristalline d’un triangle auxquels se joignent parfois quelques notes de musique. Soudain les balcons sont vivants. C’est un concert de bravos et de mercis émus auxquels se joignent de (trop) rares « Macron démission » ou « du fric pour l’hôpital public ». La communion dure rarement plus de dix minutes. On se salue de la main entre voisins qui ne se connaissent pas. On se dit bonsoir et à demain. Puis vient le silence, troublé de temps à autre par le passage d’un bus.

Le calme ne dure guère car c’est l’heure habituelle de l’imprécateur. Une voix grave, un état toujours alcoolisé, des insultes, de la colère, contre tout le monde, le gouvernement, les gens, les pauvres, les riches, les malades, les confinés, les jeunes qui n’ont peur de rien, les vieux qui craignent tout. C’est une figure du quartier. Un trentenaire filiforme, toujours élégant, courtois quand il est sobre mais avec une fêlure profonde qui attise l’hostilité et les ragots. Ses diatribes saccadées s’éloignent, ce n’est bientôt plus qu’un simple écho. L’apaisement est troublé par une ambulance qui passe à toute vitesse, sirène hurlante.

Vingt-et-une heure trente. La nuit s’est installée. Par les fenêtres ouvertes s’échappent encore le tintement des couverts et des assiettes. Avec le confinement, le décalage des horaires est patent. Beaucoup se lèvent, déjeunent et dînent plus tard qu’avant. Au balcon, certains parlent au téléphone comme s’ils étaient seuls. Complaintes du confinement, histoires de télétravail, inquiétude pour des parents isolés, attente impatiente de la date du 11 mai, récits intimes d’amours contrariées en ces temps de déplacements interdits et de verbalisations frénétiques. Un chien aboie. Un autre lui répond. Le bassiste du cinquième joue la ligne de Black Magic Woman de Santana. Deux étages plus bas, un guitariste lui répond par un solo aérien.

Une heure du matin. Il y a encore quelques secondes, le silence régnait en maître. Mais voilà, la folledingue du quatrième qui entre en scène. Tous les jours ou presque, en talons, elle va et vient sur le parquet, claque les portes, rudoie les placards, range ou dérange, allez savoir, passe l’aspirateur (!), donne quelques coups de marteau à des clous qui ont dû pousser durant la journée. Le cirque dure plus ou moins longtemps au grand dam des sommeils légers. La bonne nouvelle, c’est que ses compères du deuxième ne sont plus là. Deux pauvres prolétaires, venus d’Europe centrale, obligés par leur patron de travailler de nuit dans un appartement en rénovation. Les voisins ont protesté, menaçant d’appeler la police. Le chantier s’est aussitôt arrêté. Mauvaise idée que le travail au noir de nuit en période de confinement…

Trois heures. On croit d’abord à une hallucination auditive mais l’affaire dure un bon moment et confirme qu’on est bien dans le réel. Des cris de mouettes dans la nuit ! Un beau prélude à un film d’horreur. Elles sont de plus en plus nombreuses, colonisant les barges de la Seine et s’installant au cœur de la ville. Quelqu’un, quelque part, regarde à volume haut une série dont on reconnaît le générique. C’est moins bruyant que le Oh Marie passé en boucle une nuit de la semaine dernière par un nostalgique du grand Johnny.

Quatre heures du matin. L’aube est encore loin. Voici le premier bruit du jour. Toujours le même, weekend compris. L’antivol d’un scooter qui tombe à terre avant de racler le sol. Le bruit sec d’un coffre qui se ferme et le toussotement d’un moteur qui démarre. J’aimerais savoir, il faudrait que je sache. Quel métier fait donc cette conductrice entraperçue à travers les stores ? Quelle vie a-t-on quand on commence sa journée de travail aussi tôt ?

C’est l’aube. Soulagement du non-dormeur qui a attendu en vain que les fils de soie se déposent sur yeux. Surgissent ces vers d’Abraham (Bram) Stoker (l’auteur de Dracula) découverts très récemment : « Nul homme ne sait, tant qu’il n’a pas souffert de la nuit, à quel point l’aube peut être douce au cœur ». C’est de nouveau l’heure des oiseaux. Le premier lance le concert dès cinq heures. Comme tous les jours, un camion livre la clinique du coin. Bip continu de stationnement, moteur qui tourne trop longtemps avant d’être coupé, plainte du monte-charge, fracas des palettes et des chariots grillagés, grincement des diables. En un mot, l’activité. Aujourd’hui, c’est un chargement de draps et de linges blanchis. Demain, ce sera la collecte des déchets médicaux. Le plus souvent, le livreur est seul. Parfois, ils sont à deux, parlant à voix haute. Très haute, histoire de dire peut-être aux dormants qu’eux travaillent déjà. L’un porte un masque, l’autre pas. N’en déplaise à l’incompétent et ravi en chef, ils sont bien les premiers de cordée sans lesquels la machine économique s’effondrerait.


Le service des bus reprend. Celui qui dévale la rue est obligé de s’arrêter car, scénario habituel, le camion est mal garé. Ce matin, le chauffeur est patient. Contrairement à ses collègues, tenus par les horaires, qui n’ont aucun égard pour les dormeurs, il ne klaxonne pas et fais juste sonner une cloche plus discrète. « Excuse-moi mon frère », lui lance le livreur. On entend sa manœuvre laborieuse. Petit à petit, de partout, viennent les bruits de la ville qui s’éveille. On cherche alors ses bouchons d’oreille. Il est enfin l’heure de s’assoupir.
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dimanche 19 avril 2020

La chronique du blédard : Les fautes d’Emmanuel Macron

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 16 avril 2020
Akram Belkaïd, Paris

« Gouverner, c’est prévoir ». Cette célèbre formule, dont l’auteur est le journaliste et homme politique français Émile de Girardin (1802-1881), prend une dimension particulière en ces temps de pandémie de Covid-19. Dans le cas français, on ne peut reprocher au gouvernement l’irruption de la maladie tout comme on ne pourrait pas lui reprocher le fait qu’une catastrophe naturelle survienne soudainement. C’est ainsi, il est des événements dont on ne peut connaître la date puisqu’ils sont imprédictibles par nature. Par contre, on sait qu’ils sont plus ou moins inéluctables, ce qui exige de s’y préparer. Ainsi, depuis 2003, on ne pouvait ignorer que le monde était menacé par une pandémie dévastatrice. Cette année-là, le Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), maladie partie de Chine (déjà…), causa 800 morts et constitua, selon l’Institut Pasteur, « la première maladie grave et transmissible à émerger en ce vingt-et-unième siècle. » En clair, avec cette alerte, nous étions prévenus que cela pouvait recommencer, de manière bien plus grave, et qu’il convenait de s’y préparer sérieusement.

Or, ce qui frappe aujourd’hui en France c’est l’état d’impréparation absolue du pays face à l’épidémie de Covid-19. Dès les premiers cas, le personnel soignant a été obligé de faire face sans beaucoup de moyens de protection. Les masques manquaient et manquent toujours. Les blouses et les surblouses manquaient et manquent toujours. Les tests pour détecter le virus – pourtant très vite identifié et séquencé par les chercheurs chinois, manquaient et manquent toujours. A cela s’ajoute un fait dont on a très peu parlé mais qui a ses conséquences. Dans de nombreux hôpitaux mais aussi dans la médecine de ville – véritable premier front face au Covid-19, il manquait un protocole, une procédure clairement détaillée pour agir. Exemple concret. Des médecins généralistes de la région parisienne n’ont reçu leur premier courriel – plutôt vague dans ses mises en garde et instructions – qu’à la fin du mois de février alors que la situation sanitaire dégénérait depuis longtemps en Italie.

Dans cette affaire, Emmanuel Macron et son gouvernement ont une double responsabilité. La première est d’ordre structurelle. En menant une politique de réduction des coûts et de marchandisation de la santé, avec notamment une baisse du nombre de lits et la fermeture programmée de plusieurs établissements de santé, l’équipe d’Emmanuel Macron a affaibli l’hôpital et sa capacité à encaisser le choc épidémiologique. On rappellera néanmoins que cette responsabilité est partagée avec les prédécesseurs de l’actuel président. Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande ont leur part de responsabilité dans ce qui se passe aujourd’hui. Tous ont mené des politiques de santé restrictives. Autrement dit, sur ce plan, Emmanuel Macron n’est pas le seul coupable, étant le continuateur, le complice, d’une entreprise de démolition entamée il y a près de trois décennies et dont on voit bien le résultat aujourd’hui. Face au Covid-19, dans la sixième puissance économique mondiale, des hôpitaux ne fonctionnent aujourd’hui que grâce aux dons et au bricolage.

A l’inverse, on doit considérer qu’Emmanuel Macron est l’unique responsable de certains faits précis. Elu en 2017, le président français, tout à ses réformes détricotant le pacte social et à ses discours fumeux sur la « start-up nation », n’a pas fait preuve de prévoyance. Pourtant, pendant la campagne de 2017, l’actuel directeur général de la santé Jérôme Salomon (à l’époque chef de pôle adjoint à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches) alertait le candidat Macron sur l’absence totale de préparation de la France face aux risques majeurs d’une épidémie mais aussi d’une catastrophe ou d’actes terroristes avec tuerie de masse. Révélée par les « Macron Leaks », ensemble de courriels et d’autres documents électoraux rendus publics par un piratage de la boîte courriel de plusieurs membres de l’entourage du candidat, cette mise en garde prônait une « révision en profondeur de la réponse nationale » face à de tels événements.

Gouverner, c’est prévoir… Or, rien n’a été prévu et donc, rien n’a été fait. Une réflexion telle que souhaitée par Salomon aurait permis de prendre conscience que la France n’avait pas de stocks de masques et qu’elle était incapable d’en fabriquer. Idem pour les respirateurs. De même, l’évidence de l’absence de capacités industrielles pour fabriquer en urgence des médicaments et des composants nécessaires aux produits anesthésiants aurait sauté aux yeux. Au passage, et puisqu’il en est encore temps, on peut se poser la question concernant d’autres catastrophes possibles. Quid de la capacité de réaction face à un incident nucléaire grave ? Après le manque de masques et de respirateurs, faut-il craindre l’absence de pastilles d’iode ? Au vu de l’impréparation du gouvernement à une épidémie virale, ce type d’interrogation est totalement fondé.

Au défaut de prévoyance, donc à l’acte de mauvaise gouvernance, on reprochera aussi à Emmanuel Macron des faits plus précis. La désinvolture de son équipe alors que l’épidémie montait en puissance : une ministre de la santé qui quitte le pont pour briguer la mairie de Paris, une conseillère du président en matière de santé qui démissionne alors que la tempête est là, des masques qui sont commandés trop tardivement sans oublier, au-delà des scandaleux mensonges gouvernementaux sur la non-efficacité des masques, deux fautes graves : l’appel présidentiel à continuer à sortir et à fréquenter les spectacles (c’était une semaine avant la décision du confinement général…) et, surtout, le maintien du premier tour des élections municipales, décision irresponsable, pour ne pas dire criminelle, qui fera certainement l’objet de nombreuses poursuites judiciaires.

A ces deux fautes on ajoutera une troisième qui se profile et dont on ne pourra pas dire qu’elle n’a pas été identifiée. Le déconfinement, même progressif, est désormais annoncé pour le 11 mai prochain mais le gouvernement français sait pourtant que tout le monde ne pourra pas être testé et que les masques, les vrais, pas les morceaux de tissu découpés à la hâte, ne seront pas disponibles en quantité suffisantes. Le coronavirus est hautement contagieux. Décider de mettre fin au confinement sans être capable d’appliquer une vraie stratégie sanitaire de dépistage et de mise en quarantaine sera pire encore que d’avoir exposé les électeurs au virus ou d’avoir abandonné à leur sort durant plusieurs semaines les pensionnaires des établissements pour personnes âgées. La liste des imprévoyances et des fautes d’Emmanuel Macron risque fort de s’allonger.
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lundi 13 avril 2020

Covid-19 : Récupérer le goût et l’odorat

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L’une des manifestations de l’infection par Covid-19 est la perte de goût (agueusie) et d’odorat (anosmie) alors que le nez n’est pas bouché. En comparaison des complications, parfois mortelles, de cette maladie, c’est marginal mais, à la longue, cela peut peser sur le moral et provoquer une perte d’appétit dommageable pour la santé.

Ce qui suit n’est certainement pas une recommandation scientifique ou médicale, c’est juste la synthèse de ce qui m’a été donné de suivre (et qui, jusqu’à présent, marche assez bien même si tout n’est pas encore réglé). En clair, rien ne remplace la consultation d’un ORL.

La perte de goût et d’odorat due au Covid-19 est souvent temporaire. De quelques jours à deux ou trois semaines. Pour s’aider, il faut avoir en tête l’analogie suivante. C’est comme si les fils électriques d’un boîtier électrique avaient été arrachés. Il faut donc traiter fil par fil pour tout reconnecter. Pour cela, voici un exercice simple : Prendre un aliment ou un condiment dont on a l’odeur (agréable) en mémoire. Le sentir en mobilisant sa mémoire.
Si l’odeur est là, passer à un autre « fil ». Au besoin, répéter l’exercice plusieurs fois. Pour ce qui me concerne, j’ai commencé par de la menthe séchée puis de la cannelle et ainsi de suite.

Autre exercice : il arrive que l’odeur soit là mais pas le goût. Exemple, la moutarde. Dans ce cas, il faut (ce n’est pas très esthétique) en manger tout en respirant le pot. Ainsi on associe l’odeur à ce que l’on mange.


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