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Le Quotidien d'Oran, mercredi 6 mai 2015
Akram Belkaïd, Paris
Quel est le prix d’équilibre du marché pétrolier ? En 2014, comme en 2013, de nombreux experts estimaient qu’un baril à 80 dollars avait pour avantage de mettre d’accord pays producteurs et pays consommateurs. Aujourd’hui, alors que les cours ont nettement reflué et que leur moyenne récente se situe autour de 55 dollars, il est clair que les pays producteurs font désormais figure de grands perdants de cette évolution. Et l’on peut se demander s’ils ont aujourd’hui la capacité à inverser la tendance.
Riyad en maître du jeu
Pendant longtemps, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a joué le rôle d’ajusteur du marché. Que ce dernier soit orienté à la hausse ou à la baisse, c’est le Cartel qui avait la capacité à influer sur les prix via une modification de sa production et cela sous l’impulsion de l’Arabie saoudite. Au milieu des années 1990, l’organisation a tout de même vécu une première alerte avec sa décision d’augmenter ses pompages alors même que l’Asie, l’un de ses principaux clients, s’enfonçait dans la crise. On se souvient du résultat avec un baril frisant les dix dollars et une presse spécialisée qui s’est dépêchée de décréter la fin de l’Opep. Quelques années plus tard, notamment avec l’invasion de l’Irak par une coalition menée par les Etats-Unis, l’Organisation a regagné en influence. Mais qu’en est-il aujourd’hui alors que l’époque, pas si lointaine, d’un baril à plus de 100 dollars semble presque oubliée ?
Comme toujours, la réponse réside dans la stratégie décidée par l’Arabie Saoudite. Ce pays, véritable pompe à essence de la planète, fait face à une situation à la fois compliquée et nouvelle. Dans le passé, les préoccupations stratégiques du royaume semblaient simples avec la nécessité de garder intacte une cohésion interne, notamment au sein de la famille royale, et la nécessité de contenir le rival iranien. Concernant le premier point, la récente modification de l’ordre de succession montre l’existence de tensions dont l’impact potentiel exige des dirigeants qu’ils disposent de ressources pour acheter la paix sociale et prévenir toute contestation d’ordre politique. Quant au second point, les choses n’ont certes pas changé mais elles ont tout de même gagné en complexité. La guerre froide que se livrent Téhéran et Riyad touche désormais le Yémen et n’a pas baissé en intensité en Syrie. Surtout, l’Arabie Saoudite est directement engagée chez son voisin yéménite avec son entrée en lice dans le conflit contre la rébellion houtiste. Ce qui signifie que ses dépenses militaires mais aussi civiles – comme par exemple les dons humanitaires à destination de la population yéménite - vont devoir augmenter.
Une marge de manœuvre qui n’est pas éternelle
On sait que le Royaume wahhabite a les moyens de faire face aux conséquences d’une baisse des cours du pétrole. Ses réserves financières importantes ainsi que sa part de marché lui donnent de quoi compenser ses pertes. Mais la question est de savoir combien de temps peut durer cette marge de manœuvre ? Six mois, un an ? Que se passera-t-il si le conflit au Yémen s’enlise ? Et si d’autres foyers d’affrontements apparaissent obligeant Riyad à multiplier les interventions militaires dans la région ? Ces questions sont encore rarement prises en compte par le marché pétrolier parce qu’elles sont nouvelles. Mais rien ne dit que cela ne sera plus le cas dans les prochains mois. De fait, on ne peut pas affirmer que l’Arabie saoudite n’aura pas besoin, à plus ou moins court terme, d’un baril à nouveau orienté à la hausse. Et cela même si l’Iran et la Russie, actuels adversaires de Riyad sur le plan géopolitique, y trouvent eux aussi leur compte.
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