Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

vendredi 25 novembre 2016

La chronique du blédard : Des primaires de droite (et du centre) et de l’activisme électronique islamophobe

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 24 novembre 2016
Akram Belkaïd, Paris

Ce sera donc Fillon contre Juppé. D’un côté, l’ex-« collaborateur » de Nicolas Sarkozy – du moins, c’est ainsi que ce dernier qualifiait son Premier ministre. De l’autre, celui qui fut le meilleur d’entre eux, « eux » désignant, selon Jacques Chirac qui en fit son Chef du gouvernement, les multiples ténors de la droite dite gaulliste. Fillon-Juppé donc, avec un avantage certain pour le premier même si on sait désormais de quoi sont capables les sondeurs... En effet, au vu du score de dimanche dernier, la messe semble dite en ce qui concerne les primaires de la droite (et du centre) et il faudrait un miracle électoral pour que le maire de Bordeaux batte le député de la deuxième circonscription de Paris. Fillon qualifié... Halte aux cris et que l’on se garde de possibles désespérades. Quoi de plus normal qu’un homme de droite pour représenter des gens qui partagent la majorité de ses idées ?

Que le lecteur se rassure. Je ne vais pas lui infliger un nouveau texte sur l’air du « kif-kif bourricot » à propos de l’interchangeabilité idéologique entre Fillon et Juppé, notamment en ce qui concerne les questions économiques. J’avoue néanmoins que la tentation est grande. C’est d’autant plus vrai que nombre d’électeurs et de sympathisants de gauche se lamentent depuis plusieurs jours sur le fait que Fillon sera le champion de la droite (et du centre), lui l’ami de Poutine, d’Assad et de l’ultra-droitier collectif La Manif pour Tous. « J’aurais préféré Juppé, il est moins réac que Fillon » m’écrit ainsi un ami toulousain, plutôt gauche mollassonne. Ah, et depuis quand choisi-t-on son adversaire ?

Cela me rappelle un peu ces amateurs de football qui croient tellement peu en leur équipe qu’ils se prennent à espérer que le joueur vedette de celle d’en face se blesse ou soit suspendu (ou que pris d’un accès de folie subite, il ne marque volontairement un but contre son camp). C’est aussi comme ces commentateurs sportifs pour qui les Bleus sont de potentiels champions du monde mais qui souhaitent sans vergogne que le tirage au sort leur désigne des adversaires comme le Costa Rica, l’Islande ou l’Ouzbékistan…

Car, ce qui est finalement intériorisé dans l’affaire, c’est que la droite va l’emporter en avril prochain et qu’il convient de manœuvrer – ou de prier – pour que son représentant le plus acceptable (par les électeurs de gauche) aille s’installer pour cinq ans à l’Elysée. Imaginez les complaintes auxquelles nous allons avoir droit si, comme nous l’annoncent les incorrigibles sondeurs, on se retrouve avec un affrontement Fillon – Le Pen au second tour de la présidentielle… Qui sait, ce sera peut-être l’occasion de trouver soudain quelques qualités à celui qui entend rallumer le flambeau du thatchérisme… Mais le rendez-vous printanier est encore loin et il reste la primaire de la gauche pour nous distraire.

En attendant, il convient de s’arrêter sur l’un des éléments ayant caractérisé ce premier tour droitier (et centriste). De nombreux analystes expliquent qu’Alain Juppé a perdu beaucoup de voix en raison de la campagne de dénigrement dont il a fait l’objet sur internet. La fachosphère, ce marigot pestilentiel qui combine calomnies, menaces, désinformation et attaques outrancières, s’est effectivement acharné à diffuser l’image d’un Juppé sous influence de l’islam politique voir de l’islam tout court. Surnommé « Ali Juppé » - on appréciera la finesse intellectuelle de la e-racaille vert-de-gris -, le concerné a reconnu qu’il ne pouvait rien faire contre de telles attaques.

Il est difficile de connaître l’impact réel de cette campagne. Il est aussi difficile de prouver que des armées de trolls au service de la Russie y ont contribué même si de nombreux indices permettent de le penser. Mais une chose est certaine, c’est bien la première fois qu’une élection en France est influencée, ne serait-ce qu’en partie, par le rapport, imaginé ou fantasmé, de l’un des candidats à la religion musulmane. C’est un précédent majeur et il y a fort à parier que cela va encore jouer en avril prochain. Par le passé, des candidats ont été (bassement) attaqués sur leur vie privée mais qu’ils passent au crible d’une exigence d’hostilité à l’égard de l’islam est une première. Un homme politique qui accepte la construction d’une mosquée dans sa ville sait déjà le prix électoral qu’il risque de payer. Mais les choses vont désormais plus loin. Pour être élu, il va falloir prendre en compte l’existence d’un activisme électronique islamophobe.

Il est évident que des tweets, des posts sur Facebook ou des caricatures (on pense à celle de Juppé embrassant une babouche verte, autrement dit le sommet de la créativité artistique) ne font pas le vote. Mais cela crée un contexte. Un climat. Quel que soit le nom des candidats respectifs de la droite et de la gauche, on vient d’avoir une nouvelle preuve que l’élection présidentielle française est bien partie pour se dérouler dans une atmosphère viciée.


P.S : Impossible de terminer cette chronique sans évoquer le double-kif de dimanche dernier. D’abord, Sarkozy éliminé (ne boudons pas notre plaisir) et, ensuite et plus encore, les 0,3% de suffrages obtenus par Jean-François - pain au chocolat - Copé. Mais soyons magnanimes et oublions la référence aux viennoiseries. Comme jadis, pour les zigotos qui se présentaient à l’élection présidentielle contre Ben Ali (officiellement pour faire élire ce dernier…) voici donc comment il faudra appeler celui qui entend tout de même continuer à faire de la politique (quel autre métier faire sinon ?) : Jeff Zéro-virgule.
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dimanche 20 novembre 2016

La chronique du blédard : Monologue de l’électeur indécis

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 17 novembre 2016
Akram Belkaïd, Paris


Tu vois, je n’ai aucune idée, mais vraiment aucune idée de pour qui je vais voter au printemps prochain. C’est la première fois que ça m’arrive. J’ai toujours su quel était mon choix plusieurs mois avant l’élection. En 1988, j’ai voté Mitterrand parce qu’il n’était pas question que Chirac et la droite reviennent. Déjà, à l’époque, on se faisait avoir avec ces choix par défaut, ces votes contre… En 1995, mon candidat, c’était Jospin parce que je ne voulais pas de Chirac et encore moins de Balladur. Ensuite, les choses ont commencé à se brouiller…

En 2002, j’ai voté Taubira au premier tour. Je voulais envoyer un signal fort à la gauche « socialiste » et à Jospin. J’étais persuadé qu’il allait être élu et je me préparais à voter quand même pour lui au deuxième tour. Oui, j’étais très en colère contre sa politique économique. Les privatisations, les licenciements chez Michelin, sa phrase sur le fait que l’Etat ne pouvait rien contre le marché et que tout le monde avait accepté cette situation, son programme qui n’était pas « socialiste »… Ah, la belle trahison !

Le soir du 21 avril, c’est vrai, j’étais mal. Le Pen au deuxième tour… Un peu à cause de gens comme moi. Si on avait tous voté pour Jospin, l’affaire aurait été différente. Mais bon, impossible de revenir en arrière. Je me souviens d’une discussion qu’on a eue toi et moi. Tu m’as dit qu’il valait mieux ne pas aller voter au deuxième tour… J’ai beaucoup réfléchi et j’ai décidé que c’était la seule chose à faire. Chirac ? Jamais ! C’est une décision qui m’a valu beaucoup d’engueulades avec mon entourage. Ma femme m’a dit ‘’non seulement tu nous amènes Le Pen au deuxième tour mais ensuite tu fais comme si de rien n’était !’’ A l’époque, les copains de gauche me parlaient de l’honneur de la France qu’il fallait sauver. Je leur répondais que l’honneur était déjà souillé et que, finalement, Jospin n’avait qu’à s’en prendre qu’à lui-même.

Chirac n’a pas eu mon bulletin et les gens de gauche qui ont voté pour lui ont été les cocus de l’histoire. Ils auraient mieux fait de rester chez eux. Sa défaite était impossible. Mais le fait de ne pas avoir la gauche avec lui l’aurait privé de ce 80% des votes qui lui ont fait croire qu’il pouvait tout faire. Il ne faut jamais élire un homme politique avec un taux pareil ! D’abord, ça fait république bananière. Ensuite, ça lui donne la grosse tête. Je ne me suis pas laissé impressionné. Tous ces médias qui nous annonçaient la catastrophe, les gens qui jouaient à se faire peur… Le Pen, à l’époque, n’avait aucune chance. Aujourd’hui, ce serait une autre histoire…

Ma femme vote toujours socialiste mais elle a quand même donné sa voix à Chirac en 2002. Et elle m’en veut encore pour ça ! Elle dit qu’elle a fait le sale boulot pour moi. Moi, ça me fait rigoler alors ça l’énerve encore plus. La semaine dernière, après l’élection de Trump, elle m’a dit que c’était la faute de gens comme moi si ce gugusse a été élu. Je me suis rendu compte qu’elle avait raison. Si j’étais américain, je n’aurais jamais voté pour Hillary Clinton. Mais bon, j’ai gardé ça pour moi...

En 2007, je suis allé voter en traînant des pieds. Ségolène au premier tour, Ségolène au deuxième en sachant pertinemment qu’elle allait perdre parce que l’autre était gagnant d’avance. Quoi ? Bah oui, Ségolène, comment veux-tu que je l’appelle ? Ah, d’accord ! Oui, c’est vrai, on a pris l’habitude de ne l’appeler que par son prénom. Bon, si tu veux. J’ai voté Royal les deux fois. Pas question de donner ma voix à l’autre – et ne me demande pas de le nommer. C’est lui qui a pourri l’ambiance en France. C’est lui qui a ouvert la boite de Pandore sur les histoires d’identité. Il a électrisé tous les débats. Que des gens pensent encore à voter pour lui cette année, ça me sidère.

En 2012, champagne et détente. Avec le recul, je me dis que j’étais tellement content qu’on se débarrasse de l’autre qu’on n’a pas vu venir le souk qui nous attendait. Pétard, quelle déception, hein ? Cinq ans pour rien. Qu’est-ce qu’il va rester de ce quinquennat. Je n’arrive pas à comprendre comment on en est arrivés là. Et maintenant, on se retrouve dans une situation où l’autre risque de revenir au pouvoir. Non, il n’a pas encore perdu les primaires. Crois-moi, c’est loin d’être gagné. Juppé n’est pas encore président… Il faut d’abord qu’il batte l’autre aux primaires et ça va être une vraie bagarre. Un truc très moche parce que c’est l’air du temps qui veut ça.


Ma femme, la socialiste, va voter aux primaires de la droite. Pour avril prochain, elle veut un match Macron contre Juppé. Voilà où on en est… Macron… Elle a fait une croix sur Hollande et Valls ne la convainc pas. Moi, je ne sais pas encore. Je ne sais pas quoi faire. J’irai voter pour le candidat le plus à gauche au premier tour. Ensuite, il y a de fortes chances pour que je reste à la maison pour le second. On entend déjà la musique qui nous dit que Le Pen sera qualifiée et qu’il faudra voter contre elle. On ne m’aura pas. Si c’est l’autre qui est en face d’elle, je te le dis dès maintenant, je vais à la pêche. Arrive ce qui arrivera. Et pas question, non plus, de voter Juppé. S’il est au deuxième tour contre Marine, ma femme votera pour lui. Ça suffira à le faire élire…
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jeudi 10 novembre 2016

La chronique du blédard : Trump, un séisme salvateur (pour la gauche) ?

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 10 novembre 2016
Akram Belkaïd, Paris

Après-coup, il est toujours facile d’expliquer le résultat surprise d’une élection. Les analyses qui ont immédiatement suivi la confirmation de la victoire de Donald J. Trump n’ont pas échappé à la règle. Triomphe du « vote caché », autrement dit celui que l’on n’avoue pas devant les caméras ou les sondeurs, colère des classes populaires blanches bien plus importante qu’on ne le croyait, défiance d’une partie de l’électorat de gauche à l’égard d’une candidate jugée trop centriste et trop proche des milieux d’affaires et des lobbies de Washington : voilà autant d’éléments qui aident à comprendre comment un héritier à la morale, à l’intégrité et aux compétences douteuses l’a emporté.

Par ailleurs, dans ce genre de circonstances, certains observateurs ne se privent pas de fustiger le peuple américain qui aurait mal voté. « Défaite de la culture et victoire de l’ignorance » a-t-on pu entendre ou lire ici et là. « Un pays qui a changé sans que je ne m’en aperçoive et qui n’est peut-être plus le mien » s’est lamenté de son côté Paul Krugman, prix de la Banque de Suède en sciences économiques 2008. Désagrément et déception obligent, on peut effectivement se laisser aller à traiter les électeurs et électrices (blanches pour la plupart d’entre elles) d’abrutis ou de racistes désormais assumés. Mais ce serait faire fausse route car l’un des enseignements majeurs de ce scrutin c’est que des millions d’électeurs qui ont voté pour Barack Obama en 2008 et en 2012 – et que l’on ne peut pas qualifier de racistes - ont préféré Trump à Clinton. Cela s’est bien vu dans les fameux « swing states », dont l’Ohio et la Pennsylvanie où la candidate démocrate a été battue alors que les projections la donnaient gagnante. « Quelqu’un qui a été battu par un Obama, à l’époque jugé plus à gauche qu’elle pendant les primaires démocrates de 2008, ne pouvait pas l’emporter face à Trump » s’est d’ailleurs écrié un journaliste de CNN durant la soirée électorale. Un éclair de lucidité bien tardif…

Il ne s’agit pas d’atténuer le caractère outrancier, xénophobe et misogyne du discours de Donald Trump. Il est évident que nombre de ses électeurs se sont identifiés à son propos, certains de ses partisans étant motivés par leur refus farouche de voir une femme accéder à la Maison Blanche. Mais se contenter de cela c’est se préparer à d’autres déconvenues - on pense notamment aux élections en Europe dont la présidentielle française d’avril prochain. De fait, il est important de comprendre que la défaite de Clinton est celle du consensus politico-médiatique néolibéral forgé au cours de ces trois dernières décennies et auquel la mal nommée gauche, américaine ou européenne, a (trop vite) succombé. Qu’on le veuille ou non, certains propos de Trump en matière économique auraient dû être tenus par les représentants du parti démocrate non pas seulement durant la campagne électorale mais depuis au moins 2008.

La crise financière et ce qu’elle a engendré comme drames et catastrophes a constitué une occasion perdue pour les démocrates qui n’ont pas su mener leur aggiornamento en matière de politique économique. Rien de fondamental n’a été remis en cause depuis ce séisme. La dérégulation enclenchée par le duo Reagan-Thatcher et poursuivie par Bill Clinton, la financiarisation croissante de l’économie et la sacralisation du libre-échange demeurent des dogmes qu’Hillary Clinton a juste feint d’égratigner. Comment s’étonner ensuite que des Etats industriels comme l’Ohio ou le Michigan lui tournent le dos ? L’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) a détruit des millions d’emplois industriels aux Etats-Unis. Des emplois bien payés, pourvus d’une couverture sociale et bénéficiant de droits syndicaux. Contrairement à ce qu’affirment (aujourd’hui encore !) les chantres de la mondialisation heureuse, ils n’ont jamais été remplacés par des postes équivalents.

L’élection de Donald Trump n’est pas une bonne nouvelle. Elle ouvre la voie à de sérieuses turbulences géopolitiques. Mais elle pourrait offrir l’occasion à celles et ceux qui se disent progressistes de repenser le monde de demain et de bâtir enfin de vrais programmes de rupture et de changement. Cela passera par le refus des politiques d’austérité, par la mise en place de programmes de relance et par une vraie lutte contre les inégalités. Cela obligera à réfléchir sur les questions commerciales et à admettre que le protectionnisme n’est pas un mal absolu surtout quand il s’agit de défendre des emplois et de permettre l’industrialisation, ou la réindustrialisation, d’un pays ou d’une région. Pour les Européens, cela exigera de mettre (enfin) au pas une Commission européenne qui semble évoluer dans un monde hors-sol et qui continue à être obsédée par le libre-échange, la lutte contre les déficits et la dérégulation financière. Et pour des pays comme l’Algérie, cela exige de cesser de croire que le « marché » résoudra tout. A défaut, le monde ira de Brexit en victoires de Trump. Jusqu’à l’irréparable. Car, dans un contexte de désarroi social planétaire et d’ubérisation croissante de l’économie, c’est bien la guerre qui se profile à l’horizon.
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lundi 7 novembre 2016

La chronique économique : Menace chinoise, le retour

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 2 novembre 2016
Akram Belkaïd, Paris

Il y a bien longtemps que le thème de la Chine comme menace pour l’économie occidentale n’avait pas été agité. Depuis la crise financière de 2008, l’habituel débat sur la faiblesse artificielle du yuan (destinée à favoriser les exportations) ou bien sur les mesures protectionnistes mises en place par Pékin, était, en effet, peu à peu passé au second plan. Bien entendu, il n’a jamais totalement disparu mais certaines questions, comme la possible guerre des monnaies en raison de la hausse annoncée des taux américains (et donc du dollar) ont plus mobilisé l’attention.


Acquisitions technologiques…

Mais voici que deux pays européens, l’Allemagne et la France semblent vouloir remettre au goût du jour la fameuse « menace chinoise ». A Berlin, le ministre de l’économie Sigmar Gabriel, qui est aussi le président du Parti social-démocrate et vice-chancelier, a dénoncé les « pratiques déloyales » de la Chine. Cette dernière est accusée de profiter des législations ouvertes de l’Europe pour acquérir des entreprises technologiques tout en fermant son propre marché. En clair, Pékin serait engagé dans une phase d’acquisition de technologies allemande tout en pratiquant un protectionnisme hermétique. Il faut dire que les chiffres témoignent d’une tendance réelle : Pour les dix premiers de 2016, les Chinois ont mené 47 acquisitions en Allemagne pour un montant de 10,3 milliards d’euros. C’est bien plus qu’en 2015, année où l’activisme des groupes chinois avait pourtant déjà attiré l’attention avec 29 opérations d’achat ou de prise de contrôle pour un montant de 263 millions d’euros.

L’Allemagne, dont la Chine est le premier partenaire commercial, estime que la prise de contrôle stratégique d’entreprises allemandes doit favoriser la réciprocité. Et comme cette dernière n’existe pas, Berlin a décidé de bloquer certaines opérations de rachat à l’image de l’acquisition par des groupes chinois de la société d’éclairage Osram ou de l’équipementier de semi-conducteurs Aixtron. Normalement, la législation ne permet au gouvernement allemand de ne s’opposer qu’aux opérations présentant un risque pour la sécurité, la défense ou la stabilité financière du pays. Mais Sigmar Gabriel est formel, il n’est pas question de faciliter le dépeçage du parc industriel allemand par des intérêts chinois. Et il exige même de l’Europe qu’elle se réveille enfin en cessant d’adopter la position d’ouverture conciliante quand d’autres régions du monde demeurent très protectionnistes.

… et agraires


De son côté, la France réalise quant à elle que c’est son patrimoine agraire qui est dans le viseur chinois. Au printemps 2016, l’achat de 1700 hectares dans le Berry (centre de la France) par des intérêts chinois a créé l’émotion. L’idée que la production agricole française puisse être totalement destinée au marché asiatique alimente les craintes. C’est d’autant plus vrai, que la France est un pays où la terre agricole est un bien rare et où des milliers d’agriculteurs, notamment les jeunes, ne possèdent pas le moindre hectare à cultiver. Des économistes mettent en garde contre les opérations spéculatives qui feraient que ces terres puissent passer de main en main et, pour l’heure, le gouvernement semble vouloir mettre un frein à ces opérations après avoir longtemps temporisé. La terre et la technologie comme objectifs d’achat : On le voit, la Chine franchit un nouveau pallier et sa stratégie de placement d’une partie de ses réserves de change conforte celles et ceux qui mettent en garde contre la menace d’un nouvel impérialisme économique dont l’Europe serait la nouvelle cible.
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