Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

lundi 30 avril 2012

La chronique économique : Repsol-YPF, le cas d'école argentin

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 25 avril 2012
Akram Belkaïd, Paris


La récente décision du gouvernement argentin de nationaliser la compagnie pétrolière YPF, détenue jusqu’alors à 57,4% par le groupe espagnol Repsol, est un véritable cas d’école et cela pour plusieurs raisons. La première c’est que cette expropriation subite prouve que les Etats et les pouvoirs politiques qui les dirigent peuvent, quand ils le souhaitent, rester maîtres du jeu et imposer leurs volontés à la mondialisation vue sous l’angle des seuls intérêts des multinationales. Certes, l’Espagne va appliquer des mesures de rétorsion en réduisant notamment ses importations en provenance d’Argentine. De même, Repsol exige déjà des dédommagements financiers mais, au final, comme l’a déclaré la présidente Cristina Kirchner, l’Argentine «récupère» YPF, dont l’Etat argentin et les provinces détiendront désormais 51%.

LA SECURITE ENERGETIQUE EN QUESTION


La deuxième raison de l’importance de cette nationalisation est liée aux questions de sécurité énergétique. Il y a vingt ans, quand le gouvernement argentin de l’époque avait décidé de privatiser YPF, de nombreuses voix s’étaient fait entendre pour critiquer une telle décision susceptible de mettre à mal la sécurité des approvisionnements pétroliers en Argentine. De leur côté, les défenseurs de la privatisation avaient alors mis en avant le même argument que l’on entend aujourd’hui dans la bouche de ceux qui critiquent la nationalisation décidée par Kirchner. Selon eux, les Etats ont besoin de compagnies énergétiques privées capables d’assurer les investissements nécessaires pour maintenir, voire pour augmenter la production d’hydrocarbures. Las, le principal reproche fait par le gouvernement argentin à Repsol est que cette compagnie a peu investi dans YPF alors que la facture des importations énergétiques argentines n’a cessé d’augmenter.

Plus important encore, il semble que Repsol se préparait à céder YPF au groupe pétrolier chinois Sinopec. Ainsi, non seulement Repsol n’aurait pas tenu ses engagements de développer la production de sa filiale argentine, mais elle envisageait de s’en séparer au profit d’un groupe chinois. Il va de soi que ce genre de cession aurait encore plus mis à mal la sécurité énergétique de l’Argentine et, dès lors, on comprend la colère de Buenos Aires. Au passage, on notera l’indignation sélective de ceux qui, notamment en Occident, critiquent avec virulence la décision du gouvernement argentin. En effet, ces derniers n’ont guère fait entendre leur voix quand le gouvernement des Etats-Unis s’est opposé à la vente d’une compagnie pétrolière étasunienne à un groupe chinois ou bien encore à la cession de plusieurs ports de la côte Est à un groupe émirati.

UN MAUVAIS SIGNAL ?


Il reste que la décision argentine peut lui valoir des difficultés pour attirer d’autres investisseurs étrangers. Pour ces derniers, la nationalisation de YPF constitue un fâcheux précédent susceptible de se répéter. Mais, dans le même temps, on peut aussi considérer que l’Argentine vient d’ouvrir un nouveau volet dans les relations entre Etats et multinationales. Le fait que ces dernières comprennent qu’elles n’ont pas tous les pouvoirs, n’est pas une mauvaise chose. En tout état de cause, cela devrait relancer les réflexions sur la manière dont les gouvernements doivent se prémunir contre des investisseurs étrangers qui ne tiennent pas leurs promesses en matière d’investissement et de développement des entreprises privatisées. Une problématique que l’Algérie commence à connaître.
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jeudi 26 avril 2012

La chronique du blédard : Le Pen en force, à qui la faute ?



Le Quotidien d'Oran, jeudi 26 avril 2012
Akram Belkaïd, Paris


Nous sommes nombreux, membres de ce que l’on appelle, à défaut et par la forces des choses, les minorités visibles, à méditer sur la signification et les conséquences du score de Marine Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle française. Bien entendu, nous sommes d’abord attentifs aux déclarations opportunistes des uns, aux pré-compromissions des autres, aux silences gênés, aux appels du pied insistants aux électeurs du Front national, aux masques qui tombent et aux mauvaises natures qui se désinhibent. Mais avant cela, il y a tout de même ce premier constat, incontournable : ce qui vient de se passer n’est pas un accident.

L’extrême-droite, en France comme dans le reste de l’Europe, est désormais enracinée dans le paysage politique. Comme c’était encore le cas il y a quelques jours au Pays-Bas, comme en Autriche dans douze mois ou dans cinq ans en France, elle peut même prétendre à faire partie des gouvernements voire à assurer seule le pouvoir. Cette mutation n’est pas née d’hier et se contenter de l’attribuer à l’existence d’un fort sentiment de xénophobie, et d’islamophobie, relèverait d’une analyse incomplète. Dans de précédentes chroniques, j’ai déjà évoqué cette France qui souffre et qui doute, qui se sent maltraitée ou ignorée par les élites et les bobos. Cette France que la mondialisation affole, que ronge la peur du déclassement et qui peine à joindre les deux bouts quand les télévisions, TF1 en tête, et les journaux people diffusent des images d’un monde doré dont les personnages suscitent envie et colère.

Bien entendu, il n’y a pas que cela. Le Front national reste le creuset d’idées xénophobes, racistes, ouvertement islamophobes et, plus discrètement, antisémites. Pour nombre d’électeurs de Marine Le Pen, le problème ce n’est pas l’Europe et son dogme de la concurrence à outrance, les promesses sociales non tenues de Nicolas Sarkozy, l’aggravation du chômage ou l’étalage insolent de la bonne santé financière des banques malgré leur lourde responsabilité dans la crise qui dure maintenant depuis quatre ans. Non, le problème pour ces électeurs, c’est l’étranger surtout s’il est bronzé. C’est lui qui focalise l’attention, la rancœur mais aussi la peur. Et c’est donc lui qui est déjà le premier thème de convergence entre une droite dite républicaine désormais prête à tout pour sauver ses circonscriptions et une droite brune que l’on sent euphorique. En clair, la première ne va plus se contenter d’essayer d’être, de temps à autre, la copie de la seconde. Elle va essayer de se fondre en elle. « Il y aura toujours une croix de Lorraine entre eux et nous » a pourtant dit un jour Alain Juppé à propos du Front national. La vérité est que cette croix est enterrée et avec elle ce qui restait encore du gaullisme.

On sent donc une mécanique du pire qui se met en place. Et ce n’est pas l’élection probable du candidat socialiste qui changera la donne (d’autant qu’il ne peut l’être que si Marine Le Pen décide de faire perdre Sarkozy…). Cette élection offrira un répit de cinq année car tout le monde sait que la présidentielle et les législatives de 2017 ont déjà commencé. Dans ce contexte, et pour en revenir aux réactions des uns et des autres, il est bon et rassurant de voir et d’entendre qu’il existe encore une France droite dans ses bottes. Une France qui refuse l’extrémisme, qui défend âprement les droits de ses citoyens d’origine étrangère ou ceux des immigrés qui vivent sur son sol. Accuser tous les Français de racisme, comme j’ai pu le lire dans certains titres de la presse algérienne et arabe, est stupide et insultant à l’égard de millions d’hommes et de femmes qui gardent leur porte ouverte à l’Autre et qui continuent de croire en l’humanisme et la fraternité.

La vraie question les concernant est de savoir s’ils seront encore aussi nombreux en 2017. Encore une fois, il ne s’agit nullement de douter de leurs convictions. Mais il suffit d’examiner les cartes de France qui détaillent l’évolution du vote pour le Front national pour comprendre. En vingt ans, des régions jadis connues pour leur hospitalité, leur ancrage à gauche et leur rejet des idées xénophobes, ont peu à peu changé. La Bretagne, le Nord, le Sud-ouest, terres d’accueil et de partage, sont autant de citadelles où Marine Le Pen réalise des percées historiques même si elle reste encore contenue par le vote républicain. Comment l’expliquer ? On peut, à raison, en revenir à ce qui a été dit au début de ce texte. La désespérance, la violence économique et sociale, le chômage, le comportement désinvolte des élites politiques, les promesses électorales non tenues, les fermetures d’usines qui, pourtant, gagnent de l’argent, le tout accentué par l’inclinaison bling-bling du président sortant. Oui, mais est-ce tout ?

Non. On ne peut se pencher sur la question de la montée en force du Front national sans aborder celle du comportement inadmissible d’un certain nombre de Français dont les parents ou grands-parents sont d’origine étrangère. En octobre 2001, et je l’avais déjà écrit à l’époque, les imbéciles et autres voyous qui avaient sifflé la Marseillaise et envahi le terrain pendant le match de football France-Algérie ont contribué à la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle d’avril-mai 2002. Ce n’est pas faire preuve d’indulgence pour l’extrême-droite que d’écouter les témoignages de celles et ceux qui n’en peuvent plus des incivilités, des insultes et autres actes de violence gratuite. Il faut écouter les témoignages de militants engagés dans la lutte contre les inégalités et le Front national mais qui avouent leur incompréhension, si ce n’est leur agacement, quand ils entendent des discours de haine à l’égard de la France et des Français de souche.

Quand on arrache les drapeaux français du fronton de la mairie de Toulouse pour les remplacer par ceux de l’Algérie, on fait monter le Front national et on désespère ceux qui le combattent. Même chose lorsque l’on déploie un drapeau algérien ou tunisien pendant un meeting de François Hollande ou de Jean-Luc Mélanchon. A quoi cela rime-t-il si ce n’est de conforter le discours de l’extrême-droite sur l’invasion maghrébine et de mettre dans la gêne celles et ceux qui la combattent ? 

Il faudra bien, et le plus vite sera le mieux, que cette question soit débattue au sein même de ces fameuses minorités visibles. Se réfugier derrière l’excuse, certes réelle et il n’est pas question de la minimiser, des discriminations et de la ségrégation spatiale et sociale, ne suffit plus en ces temps où le Front national est au seuil de l’Elysée. A défaut, 2017 risque fort d’être l’année de grandes désillusions, de graves déchirements et de punitions collectives où des Français d’origine étrangère n’ayant rien demandé à personne paieront pour les excès et outrances d’irresponsables incapables de voir la menace qui se profile.

lundi 23 avril 2012

3 dollars pour dîner chez George Clooney (avec Barack)

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Voilà ! Toujours la même histoire. Si vous avez trois dollars, il vous est possible de dîner avec Barack et George




Obama - Biden
Akram --

Want to meet George Clooney and Barack Obama -- at Clooney's house?

He's hosting supporters at his home next month to help build support for this campaign and elect President Obama in November. And he's saving seats for two grassroots supporters like you and their guests. It's just not a chance most people get -- well, ever.

For a chance to hang out with President Obama at George Clooney's house, donate $3 or whatever you can to be automatically entered to win.

George Clooney is doing his part to help re-elect the President, but he also knows that it's folks like you who will decide this election. That's why we're reserving a few spots for grassroots supporters.

If you donate $3 or whatever you can today, you'll be doing your part to support the campaign, and be automatically entered to join them in Los Angeles.

If you ask me, this is far too good to pass up:

https://donate.barackobama.com/Obama-Clooney-and-You

Thanks,

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dimanche 22 avril 2012

La chronique du blédard : Une campagne électorale bien décevante


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Le Quotidien d'Oran, jeudi 19 avril 2012
Akram Belkaïd, Paris

Ce dimanche 22 avril, on saura donc quels seront les deux candidats (ou candidates, même si la probabilité est moindre) qui s'affronteront au second tour de l'élection présidentielle française. Il va sans dire que les soupirs de soulagement seront nombreux et cela n'aura rien à voir avec la qualification de tel ou tel favori ni avec l'élimination de tel (ou telle) épouvantail… En réalité, le premier tour achevé, la moitié du chemin aura été accomplie et cette campagne électorale calamiteuse sera enfin proche de son dénouement. Bien sûr, il faudra encore subir l'entre-deux tours, une période qui n'est jamais sereine et où la surenchère électorale battra son plein. Mais, tels les chevaux qui sentent l'écurie, celles et ceux que les joutes politiciennes accablent sauront trouver la patience nécessaire pour tenir jusqu'au soir du 6 mai prochain, date du second tour.

Quelle campagne… Quelle pitoyable campagne. De l'ennui, des excès dans la démagogie, le populisme et le mensonge. Des promesses débitées en rafales et dont tout le monde sait bien qu'elles ne seront jamais tenues. Une course à la petite phrase assassine, à la formule lapidaire dont on espère qu'elle fera date. Des médias, notamment la télévision, qui ne savent plus quoi inventer pour transformer ce rendez-vous démocratique en spectacle permanent où les sondages quotidiens sont censés relancer le suspense et mobiliser l'attention des électeurs. Il ne manquait qu'un concours de chant (ou de claquettes) réunissant les dix candidats pour atteindre le comble du ridicule et du sensationnalisme. Cela viendra un jour, peut-être en 2017, quand les télévisions se sentiront suffisamment forte pour l'imposer.

Outre son caractère très convenu – ah, ces spots officiels qui auraient pu être diffusés en noir et blanc -, cette campagne frappe surtout par l'incapacité de ses acteurs à se projeter vers l'avenir en ayant le courage de dire que l'état du monde exige d'importantes transformations et remises en cause. Bien sûr, l'écologie a été présente dans les débats mais de façon mécanique. On en parle parce qu'il faut en parler, tout comme un dirigeant politique français se doit d'inclure les mots liberté, république, laïcité, dans ses discours. Pour autant, les programmes des principaux candidats sont basés sur le postulat d'un monde en bonne santé, sans inégalités et aux ressources naturelles infinies.

Aucune réponse ou ébauche de réflexion n'a été apportée à ceux qui disent et répètent que le statu quo est intenable, que le niveau de pauvreté est intolérable, que le développement fulgurant des pays émergents combiné au train de vie soutenu des pays développés est en train d'assécher les ressources du globe, que les prix des hydrocarbures ne vont pas diminuer de sitôt, que les réserves en eau potable sont en train de chuter et que la grande majorité des écosystèmes est menacée. On le sait, il ne faut pas faire fuir l'électeur en agitant le spectre d'une crise de la civilisation moderne, mais tout de même ! Ce n'est pas de l'avenir de l'ours blanc dont il s'agit mais bien celui de l'humanité.

Début janvier, l'association La Vie Nouvelle qui édite le trimestriel Citoyens 
organisait ses rencontres annuelles avec des thèmes de réflexion dont auraient pu s'emparer les candidats à la présidentielle française. Voici les questions posées qui attendent des réponses et des réflexions de la part de ceux qui prétendent diriger un pays dont l'évolution peut encore influer sur ses voisins européens et méditerranéens : «Quelles sont les conditions nécessaires pour réussir la transition écologique et énergétique ?», «Sur quelles bases construire une société ayant pour objectif un emploi de qualité pour tous ?», «Comment proposer une alternative à la politique migratoire actuelle, réaliste humainement et économiquement, promouvant la libre-circulation des personnes?», «Comment, par l'Europe, le politique peut-il regagner du pouvoir sur l'économie et la finance en conservant et développant nos valeurs sociales et démocratiques pour un développement éco-compatible partagé avec le Sud, et en s'ouvrant au monde ?» et «Quelle réforme fiscale faut-il adopter pour une équité sociale, en dégageant des marges de manœuvres pour l'Etat et les collectivités locales ?».

Il existe aussi une autre initiative majeure qui aurait pu servir de plate-forme de discussion pour les candidats à commencer par ceux qui se sont avérés incapables de formuler un programme cohérent, se contentant d'effets d'annonces suggérés par des experts en communication pour qui les électeurs ne sont rien d'autres que des clients à manipuler. Il s'agit du Pacte civique conçu par plusieurs acteurs de la société civile française et dont l'objectif est de «renouveler le vivre-ensemble et rénover la qualité démocratique» (*). «Etre créateurs de sens», «être sobres pour économiser les ressources, vivre de façon solidaire et distinguer l'essentiel du superflu», «être justes pour assurer le respect des droits fondamentaux pour tous et le partage des richesses», «être fraternels pour n'oublier personne et mobiliser les capacités de tous», voici certains des impératifs de ce Pacte qui entend soutenir l'adoption de réformes répondant à ces exigences. Autant de lignes de force pour des programmes que l'on attend encore.

En rêvant un peu, on peut se dire que le contenu de ce pacte et ses objectifs auraient pu contribuer à hausser le niveau des débats et des discours. Au lieu de ça, il y a eu des arguties sur la viande halal ou sur le coût du permis de conduire. A chaque époque ses politiciens, dira-t-on. C'est effectivement le cas et la campagne électorale aura montré que la classe politique française n'a peut-être pas les moyens (ni l'envie ?) de prendre la mesure du défi de changement de société et de modèle de développement qu'impose un ordre du monde finissant.

(*) http://www.pacte-civique.org 

vendredi 20 avril 2012

Il faut lire L'Impossible

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Michel Butel et L'Autre Journal reviennent. Vingt ans après. Le titre s'appelle L'Impossible. C'est un mensuel. C'est déjà un Ovni dans le paysage, convenu et ennuyeux, du monde éditorial français.
Extrait : "N'interrogez plus les savants de ce monde, palabrez avec de plus sages personnes. Ne négociez plus avec les influents de ce monde, traitez avec de plus considérables personnes. Ne charmez plus les séduisants de ce monde, affolez de plus étonnantes personnes. Faites de la politique ! Racontez de drôles d'histoires et des histoires drôles/ Jouez ! Nous avons inventé ce petit objet pour les nuits blanches et pour les jours sans fête. Lisez-le, dispersez-le, donnez-le : Faites de la politique."

Dans le numéro 1 de L'Impossible, qui est encore disponible dans les librairies, on trouvera, entre autre,

- Un texte de John Berger sur les nouveaux tyrans de notre monde, ces "profiteurs (...) impeccablement habillés" aux "costumes rassurants comme la silhouette des camionnettes de livraison hautement sécurisée Armor Mobile Security".
- Un texte de l'écrivain Sélim Nassib sur la Syrie (à l'époque où son armée occupait le Liban) et "les assassins ordinaires".
- Un excellent portrait, par Sélim Nassib, d'Asmaa el-Ghoul, activiste et féministe palestinienne de Gaza.
- Une chronique alter-éco contre la "bêtise, obstinée, insodable, des néolibéraux" de Yann Moulier Boutang.
- Un entretien "geek et anonymous" avec Fabrice Elpeboin, figure de l'activisme sur le net et de la définition de nouveaux modes de pensée et d'engagements
- Un texte d'une grande puissance, et d'une grande humanité, de Nadia Mokaddem sur l'expérience de la précarité et du chômage.
Et plein d'autres textes, articles, photos dont une belle chronique de Béatrice Leca (L'ombre d'une injustice).

Consacrez 5 euros à L'Impossible. Vous ne le regretterez pas.
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samedi 14 avril 2012

Blog sur SlateAfrique : La chronique foot (5) : Así, así, así gana el Madrid !

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 samedi 14 avril 2012

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Malgré tous mes espoirs de Culé (fan du Barça), le Real de Madrid a encore mis la pâtée à l’Athlético de Madrid (4-1, mercredi 11 avril). Cela fait maintenant des années que les Colchoneros n’ont pas battu l’équipe qui fut chère à Franco… Pour le plaisir, je vous fait découvrir cette chronique écrite en 2009, après une autre victoire du Real contre l’Athletico.

La chronique du blédard : Así, así, así gana el Madrid !
Le Quotidien d’Oran, jeudi 12 novembre 2009
Akram Belkaïd, à Madrid

Samedi 7 novembre. Il est vingt et une heures trente à Madrid. De gros paquets humains, parés de rouge et de blanc, sortent du ventre de la station Pirámides. Le pas tranquille, le torse bombé et le verbe haut, ils convergent vers le stade Vicente Calderón, l’ancien « Manzanares » du nom de ce fleuve qui passe sous leurs pieds. L’atmosphère est joyeuse. On s’interpelle, on plaisante et on rit fort. Il y a quelque chose dans l’air qui permet l’espérance. La victoire est promise et on célèbre déjà la gloire prochaine de l’Atlético de Madrid.
Car ce soir, c’est le bon soir, amigo. Dans quelques minutes, va débuter le match contre le voisin honni. Le Real de Madrid, ce club que l’Atlético, son aîné d’un an (il a été créé en 1902), ne bat pas souvent. Ce club de riches qui peut débourser des centaines de millions d’euros pour acheter les meilleurs joueurs du monde ; ce club, sacré champion européen du XXe siècle, qui a traumatisé tant de générations de supporters de l’Atlético à force d’infliger des fessées déculottées à leur équipe favorite…
Mais ce soir… Ce soir, hombre, c’est sûr, l’Atlético va gagner et ce n’est pas uniquement parce que le Real ne va pas très fort – la preuve, il a été humilié en match de coupe par un club de deuxième division – et que Ronaldo, sa star portugaise, ne jouera pas. Non, ce soir,caballero, on remet les compteurs à zéro. Ce sera la renaissance de l’Atlético et il finira champion à la fin de l’année. Si, si, comme lors de l’historique triplé de 1996. Ah… 1996. Quelle saison ! Pas grand-chose depuis, c’est vrai. Mais trêve de nostalgie, pensons au sacre futur.
Un boccadillo avalé au comptoir, le reste de son verre de bière ou de whisky-soda versé dans une copa et voilà les supporters des rojiblancos qui entrent dans le Calderón après avoir croisé en chemin quelques rangées immobiles de robocops au fusil lance-grenades lacrymogènes collé à la hanche. Un euro et quelques centimes déboursés pour louer unealmohada – un coussin – rouge destinée à caler dos et bas des reins, et ils se retrouvent dans l’antre survoltée. Drapeaux vermeils et blancs, banderoles gothiques, feux de Bengale et poings levés, les ultras y assurent depuis un bon moment leur rôle de meneurs d’ambiance.
Les haut-parleurs du stade crachent à tue-tête l’hymne de l’équipe. « Atlèèti – Atlèèti – Atlèètico de Madrid ! ». C’est un chant un peu désuet, qui parle de joie et de souffrance et qui fleure bon les années soixante tout comme le maillot du club d’ailleurs. Des rayures rouges et blanches, semblables aux vieux matelas d’antan, les « colchones » ce qui vaut aux joueurs un autre surnom, celui de « colchoneros » ou matelassiers. On est loin du glamour pipole du Real, de ses « galactiques » ou « merengues » (meringues) ou encore « blancos » à la tenue maculée et de ses supporters fortunés qui fument le cigare dans les travées.
C’est aussi cela, un match entre l’Atlético et le Real. Bien sûr, ce n’est pas la lutte des classes mais tout de même. Attachants supporters des colchoneros… Quand un club domine le football national et européen, il faut être marginal, un peu iconoclaste ou avide de justice sociale ou encore avoir l’esprit de contradiction, ou de transgression, pour préférer soutenir son modeste voisin. Ce prolétaire, qui a moins gagné de titres et qui n’a presque jamais brillé à l’extérieur du pays. Cet adversaire irréductible mais loyal puisqu’il est aussi le cauchemar du FC Barcelone, l’éternel rival catalan du Real.
C’est parti. Septième minute de jeu. But de Kaka. Real 1 – Atlético 0. Le stress et la peur, sûrement. Mais qu’importe, dans les tribunes on continue à s’époumoner et à traiter les joueurs d’en face de hijos de femme de petite vertu. Un but, ce n’est rien, ça se remonte. D’ailleurs les merengues sont loin d’être fringants. Benzema n’en finit pas de rater des occasions inratables servies par un Kaka, étincelant et qui est l’un des seuls à surnager. Mais voilà un autre but. 2-0. Pas grave, le match n’est pas encore perdu même si, de temps à autre, quelques insultes fusent par dépit à l’adresse des rojiblancos.
Mi-temps. Une odeur de cannabis flotte en haut de la tribune centrale, là où la voûte de béton tangente le cheveu mais permet de se protéger du vent glacial. Des Colombiens, une dizaine, sortent casse-croûtes et jus d’orange. Distribution d’« arepas » pour tous, y compris pour leurs voisins inconnus. L’un des sud-américains a l’insulte facile. A l’égard de l’arbitre, des joueurs du Real mais aussi de l’Atlético dont il arbore pourtant l’écharpe sang et neige. Sa femme le tance. En vain.
C’est la reprise. Troisième but pour le Real. Flottement. Une nouvelle raclée se profilerait-elle ? Les ultras de l’Atlético s’essoufflent un peu. Les rares supporters du Real, une centaine de « madridistas » parqués de l’autre côté du stade en profitent pour entonner leur chant de victoire : « Así, así, así gana el Madrid » : c’est ainsi que gagne le Real Madrid… La réaction est immédiate. Sifflets et insultent fusent. « Madridistas hijos de p… ».  « Ouled kda ou kda » dirait-on du côté de Bologhine, puisque l’Atlético et le Real, c’est un peu comme l’USMA et le Mouloudia…
L’espoir revient. Un but pour les matelassiers. Il reste onze minutes, une éternité où tout peut arriver, y compris le miracle d’autant que les merengues jouent désormais à dix. Mais l’arbitre fait des siennes, les tribunes se déchaînent et l’entraîneur du Real reçoit même une pierre sur le crâne. Les ultras de l’Atlético entonnent à leur tour le fameux « Así, así, así gana el Madrid ». N’est-il pas bizarre de reprendre le slogan de l’adversaire ? Au contraire. Car c’est bien ainsi, jadis, que le Real gagnait ses matches : avec l’aide de l’arbitre soumis à la volonté du tout puissant Franco (et de ses troupes qui entraient parfois dans les vestiaires pour menacer l’équipe adverse…). Passent le temps et les générations, il se trouvera toujours quelqu’un pour rappeler à quel point le Real fut un outil de propagande castillane du régime franquiste…
Le derby est terminé. Il y a bien eu un deuxième but de l’Atlético mais pas de troisième. Le Real l’emporte, les rojiblancos, éternels malchanceux, ont raté le nul qui aurait sonné comme une victoire. Leurs supporters sont déjà à l’extérieur du stade, le pas lourd, têtes baissées et épaules voûtées. C’est une foule muette, étrangement calme. Elle connaît bien ce goût de la défaite à domicile face à los blancos. Et à voir les grappes humaines monter une côte au rythme d’éléphants indolents, on devine qu’elle s’y est résignée depuis longtemps. Mais qu’importe, amigo, ce fut un beau match même si la soirée s’achève dans la tristesse. La prochaine fois, peut-être…

P.S : Gracias a mi hermano Yacine, el aficionado práctico, qui a rendu cette chronique possible.

Bazar Organisé sur France Inter (Samedi 14 avril 2012 de 05h à 07h

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http://www.franceinter.fr/emission-le-57-du-week-end-bazar-organise-1


De la Syrie à la Tunisie, de la Maison Blanche à l’Elysée, c’est la course à la recherche de la troisième voie et du premier homme, au nord comme au sud.
Et pourtant elle tourne !
Oui, mais dans quel sens ?
Et c’est par où la sortie ?
Et si on appuyait sur pause, et si on faisait un pas de côté, juste pour prendre le temps du temps du recul.
Le monde du pire et du tout est possible, on en cause, ce matin, dans notre bazar organisé avec les journalistes Akram Belkaïd, auteur de « Etre arabe aujourd’hui », John-Paul Lepers de la Télé Libre.fr, média citoyen, libre et participatif ainsi que David Page, un regard critique sur la France-Amérique.
Trois esprits libres en vrai, en direct, dès 5 heures du mat’, on vous gâte.

jeudi 12 avril 2012

La chronique du blédard : Putain d'indépendance, un roman rock'n'roll de Kaddour Riad

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 12 avril 2012
Akram Belkaïd, Paris


Il est des romans que l’on se prend à lire comme on écoute un disque. Certains sont une petite musique douce, d’autres une composition harmonique savamment concoctée. Et puis, il y a les romans rock’n’roll. Ceux dont les chapitres s’apparentent à une suite de riffs rageurs tout autant destiné à cogner qu’à faire exploser tympans et poitrines. Putain d’indépendance, est l’un d’eux (*). Quoi de plus normal ? Son auteur, Kaddour Riad, a été coproducteur de l’émission de radio culte Sans Pitié (Chaîne III). A le lire, on l’imagine écrire au rythme d’un Deep Purple, d’un Led Zeppelin voire d’un AC/DC des débuts ou, pourquoi pas, d’un T34, l’un des rares groupes algériens de heavy metal. Il est vrai que parler de l’indépendance – et surtout de ce qui a suivi - oblige souvent à crier, à marteler ses mots comme on cogne un mur, de rage ou de désarroi. Qui peut parler de l’Algérie sans avoir envie de hurler et de se lamenter ?

1962, l’Algérie, l’indépendance… A l’époque, l’auteur a dix ans et vit à Cherchell, à l’ouest d’Alger. Dès les premières pages, il se souvient de « ces temps impitoyables furieusement transfigurés par le miracle de l’indépendance déferlante ». Et d’évoquer « cette apocalypse de chants patriotiques, de youyous épiques, d’actes héroïques, d’agissements diaboliques, de déguisements fanatiques et de préparatifs burlesques ». L’indépendance… Le temps de toutes les espérances, surtout si l’on est un enfant de dix ans, conscient de sa piètre condition d’indigène, habitant « une vielle maison au bord de la ruine, murs lézardés et toit incertain ». Enfant pauvre, fils de pauvre, errant sans but précis dans les rues de la ville antique, travaillé, peut-être de manière inconsciente, par le désir de revanche à l’encontre du colon, de celui qui fixe les règles injustes d’un jeu où l’Arabe, le Kabyle, le non-Français, est toujours condamné à perdre. 

Alors, se souvient Kaddour Riad, quand se rapproche l’indépendance, c’est l’écoulement du sablier qui s’interrompt, c’est le moment de tous les possibles. Ecoutons-le. Long solo. Allegro. « L’indépendance ! Incroyable rêve de liberté. Fierté. Audace. Jamais au grand jamais nous n’avions exhibé autant de joie, courage, tolérance, solidarité et ferveur en toutes circonstances. Etre digne de nos moudjahidine, ces êtres extraordinaires, droits, imperméables, inoxydables, invincibles, inhumains, plus forts et plus généreux que tous les pères Noël de la Terre. Moudjahidine qui allaient bientôt nous délivrer et nous ramener une belle maison avec un jardin, des balançoires, des cheminées, des robinets, des fauteuils et des armoires pleines de bonbons géants, de sucettes glacées pistache et vanille, de ballons, de bicyclettes, de trottinettes, de tout plein de chocolat et de cadeaux incroyables! Les moudjahidine étaient mes Indiens, mes champions, mes cow-boy, mes Tarzan, mes John Wayne… »

Oui, mais voilà. 1962, c’est peut-être l’indépendance, la folie et l’euphorie. Mais, c’est déjà la déception et, très vite, le temps de la reprise en main, de la confiscation du rêve, des combines et de l’unanimisme. « Voici les ruines romaines ruinées ! Voici les ruines françaises pillées ! Voici les nouvelles ruines algériennes ! ». On peut n’avoir que dix ans et vite comprendre ce qui se prépare. « Le gouvernement algérien, qui était provisoire, est devenu définitif, après quelques vérifications, liquidations, intimidations, tortures, emprisonnements, séquestrations et autres jugements sommaires ». C’est l’heure des mobilisations « contre les complots ourdis des milieux connus pour leur hostilité à l’égard de l’Algérie ». Le temps du désenchantement. Celui des privilèges pour ces anciens moudjahidine « qui se font de plus en plus jeunes et en bonne santé chaque jour que Dieu fait ! »

Kaddour Riad évoque la confiscation de la révolution algérienne. Dans son récit, il n’épargne personne. Ni les Algériens, ni son frère, ni ses pairs, ni même sa mère. Quant à son père, homme lettré mais peu apte à la débrouille, il est le portrait de cette Algérie empêchée qui aurait pu tant donner. Qui aurait pu bien mieux faire… En quelques pages ravageuses, l’auteur restitue aussi la lente régression de son pays et sa plongée aux enfers, comme point culminant dans l’horreur et la bêtise, les années 1990 avec leurs tueries, leurs massacres. Extrait. LamentoVocero algerino : «Marasme. Groupuscule. Menaces. Faux barrages. Fin d’un monde (…) On se suspecta : celui-là n’est pas conforme. Tel autre a des origines juives. Celui-ci ne vient pas à la mosquée. Il parle français (…) On se donna en spectacle. On défraya les chroniques. On fit la une de tous les quotidiens du monde. On se regarda de travers à travers toutes les télés de la planète (…) On se diasporisa. On s’afghanisa. On hurla des versets de Coran et psalmodia des injures de salon (…) On se hissa à la première place des nations infâmes qui détiennent les records du nombre de disparus.»

Dans cette tragédie nationale, certains, comme Kaddour Riad, ont pu s’engager sur le chemin réparateur de l’exil. Réparateur ? Oui, car comme l’indique l’auteur, il permet tôt ou tard de se «débarbariser au plus vite», de «se réparer spirituellement» et de «recoller tous les morceaux des différents peuples qui» ont taillé l’Algérien «dans la souffrance, la misère, la trahison, la guerre et le sang». Vient alors le temps du citoyen du monde. Peut-être l’occasion d’un autre récit littéraire. Qui, à coup sûr, sera moins coléreux et martelant.

(*) Editions La Contre Allée, 17,5 euros.
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Blog Slate Afrique (Afro-Maghreb) : Algérie : Ahmed Ben Bella est mort

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Mercredi 11 avril 2012

Le premier président de l’Algérie indépendante (1962-1965), Ahmed Ben Bella, est décédé mercredi 11 avril à Alger à l’âge de 96 ans. La nouvelle a été rapportée par l’Agence Presse Service (APS) qui cite l’entourage du défunt. Cela fait plusieurs semaines que des informations contradictoires et non confirmées courraient sur l’état de santé de celui qui fut l’une des figures majeures de la Guerre d’indépendance. Début mars,  Ahmed Ben Bella avait été admis à deux reprises à l’hôpital militaire d’Ain Naadja, dans la banlieue d’Alger, après un malaise. De nombreux médias avaient annoncé alors son décès avant de revenir sur ces informations.

«Allah Yarahmou», Que Dieu lui accorde Son Pardon (ou Sa Miséricorde). Telle a été la réaction de la majorité des internautes à l’annonce de cette nouvelle par les principaux sites d’information algériens. Les réseaux sociaux ont vite relayé la nouvelle et, fidèle à une tradition musulmane, rares ont été les commentaires de nature politique ou de mise en cause du rôle politique du défunt. Nombreux toutefois ont été ceux qui ont relevé le fait qu’Ahmed Ben Bella disparaît l’année du Cinquantième anniversaire de l’indépendance. L’homme avait d’ailleurs été désigné pour présider le Comité chargé d’organiser les festivités liées à cet anniversaire. Une mission qu’il ne pourra donc pas mener jusqu’au bout ce que ne manquerons pas de relever les médias algériens qui s’inquiètent du manque de ferveur autour de ce rendez-vous.

En Algérie, pour les uns, Ahmed Ben Bella restera le premier président de la République, celui dont le nom a permis de fédérer toutes les forces populaires qui souhaitaient l’indépendance. Il fut ainsi désigné comme étant l’ennemi à abattre par le pouvoir colonial français et c’est pour pouvoir l’arrêter et porter un coup fatal à l’action du Front de Libération Nationale, que la France commet, le 22 octobre 1956, le premier détournement d’avion de l’histoire de l’aviation civile en détournant de sa route un appareil qui devait conduire les chefs du FLN (parmi lesquels Ben Bella mais aussi Aït Ahmed et Boudiaf) du Maroc à Tunis.

Pour d’autres Algériens, il est celui qui est à l’origine de la grave scission au sein de la famille indépendantiste puisque c’est grâce à son appui politique qu’une faction réunie autour de l’Etat-major de l’armée des frontières (dirigée par Houari Boumediene) a pu prendre l’ascendant et écarter le Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA). De fait, Ben Bella n’a dirigé l’Algérie que de juillet 1962 jusqu’au 19 juin 1965 date à laquelle un coup d’Etat militaire mené par Houari Boumediene, son ministre de la défense, va l’écarter du pouvoir. Longtemps détenu au secret puis placé en résidence surveillé, il ne sera libéré qu’en 1980 par le président Chadli Bendjedid, successeur de Boumediene. Suivront alors neuf années d’exil, où Ahmed Ben Bella tentera de réunifier l’opposition algérienne à l’étranger en se rapprochant notamment de Hocine Aït Ahmed, un «historique» qu’il n’avait pas hésité à écarter en 1963.

Ahmed Ben Bella ne rentre en Algérie qu’en septembre 1989, son parti, le Mouvement pour la démocratie en Algérie (MDA) ayant été autorisé depuis l’instauration du multipartisme. Sa formation n’a pourtant qu’une influence marginale même si la voix de l’ancien président reste très écoutée. Opposé à l’annulation des élections législatives de décembre 1991, il deviendra un interlocuteur régulièrement consulté par le président Abdelaziz Bouteflika élu en 1999.
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SlateAfrique : The Economist et le complexe «anglo-saxon» des élites françaises

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11avril 2012

Peu sûres d’elles-mêmes, les élites françaises n’en finissent pas d’alimenter un complexe d’infériorité qui les empêche d’accueillir avec un simple haussement d’épaules, les délires obsessionnels du magazine britannique The Economist.

Un golfeur français le 18 décembre 2012. REUTERS/Sukree Sukplang
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A défaut de faire vendre, l’une des récentes unes de The Economist a beaucoup fait jaser en France. Reprenant le fameux tableau du «déjeuner sur l’herbe» de Manet, l’hebdomadaire britannique a mis en scène François Hollande et Nicolas Sarkozy se disputant, avec courtoisie, les faveurs d’une femme dénudée (comprendre la France). Et pour bien enfoncer le clou, la couverture a pour titre «France in denial», c'est-à-dire la France dans le déni, et pour sous-titre «l’élection la plus frivole du monde occidental».
La teneur du message est à la fois évidente et habituelle. Pour The Economist, la France va mal mais sa classe politique, inconsciente du danger, ne veut pas s’attaquer de front aux problèmes structurels qui minent son économie.
Fidèle au dogme libéral, l’hebdomadaire de la City reproche à la France des impôts trop élevés, des dépenses sociales trop élevées, une présence trop importante de l’Etat dans l’économie, un modèle social trop coûteux, une rigidité trop importante du marché de l’emploi (comprendre, de trop grosses difficultés pour licencier…),… Bref, il ne s’agissait ni plus ni moins que du discours récurrent de The Economistqui, de manière régulière aime bien cogner sur la France même si nombre de ses journalistes aiment à y passer leurs vacances quand ils ne possèdent pas des maisons en Provence.

Emoi dans la classe politique française

Comme c’est souvent le cas, cette saillie journalistique a provoqué l’émoi dans la classe politique française. Chaque camp a essayé d’y trouver les arguments pour décrédibiliser l’adversaire. A droite, on a insisté sur le fait que le programme de Hollande, notamment en matière fiscale, était cloué au pilori par The Economist.
A gauche, on a insisté sur le fait que l’expérience internationale revendiquée par Nicolas Sarkozy ne semblait guère être prise au sérieux par cette référence incontournable que serait The Economist. Dans de nombreuses émissions de radio et de télévision, des experts (français) ont pris appui sur le «France in denial» pour déplorer «le retard dans les réformes structurelles, le poids étouffant des syndicats et l’archaïsme des lois sociales».
Exception faite de quelques confrères, nombreux ont été les journalistes qui ont repris à leur compte ce réquisitoire sans même chercher à le mettre en perspective ni à en démonter les mécanismes.

Pravda du Capital?

Il faut donc saluer l’éditorialiste Laurent Joffrin qui, dans Le Nouvel Observateur du 5 avril remet les pendules à l’heure. Extrait:
«‘The Economist’, contrairement à ce que beaucoup de Français pensent, n’a rien d’un journal impartial. Fondé au XIX° siècle pour soutenir par tout moyen le libre-échangisme et l’économie de marché, il défend les thèses les plus libérales avec une rigidité exemplaire. Quels que soient l’année, la saison ou le siècle, ‘The Economist’,perroquet journalistique soutiendra qu’il faut diminuer les impôts, alléger les règlements, réduire le rôle de l’Etat, faire reculer les funestes idées d’égalité ou de justice. Et surtout oublier Keynes et tous les socialisants de la terre ».
Et Laurent Joffrin de qualifier The Economist de «Pravda du Capital». Une Pravda qui a tout de même été incapable de voir venir la crise financière de 2008. C’est dire…

Fustigé les efforts de la Malaisie

Mais il n’y a pas que cela. Le journaliste du Nouvel Observateur aurait pu rappeler que The Economist a longtemps nié le réchauffement climatique et pourfendu à coup de dossiers et d’éditoriaux rageurs les défenseurs d’une économie plus verte et de la mise en place d’une transition énergétique.
Au milieu des années 1990, il a aussi fustigé les efforts de la Malaisie qui cherchait à sortir de la crise sans boire les potions amères du Fonds monétaire international (FMI) – ce qu’elle est arrivée à faire sans que The Economist ne fasse d’ailleurs son mea culpa. Pas de mea culpa non plus concernant l’Argentine dont l’économie est étincelante aujourd’hui alors que l’hebdomadaire prédisait le pire à ses dirigeants coupables, selon lui, de refuser les plans du FMI et, plus grave encore, d’avoir décidé de se passer de ses services (l’Argentine a remboursé tout ce qu’elle devait au FMI empêchant ainsi ce dernier d’avoir un droit de regard sur sa politique économique).
On ne s’étonnera pas non plus d’apprendre que ce journal penche plutôt vers une diminution de l’aide à destination de l’Afrique. Une diminution qu’il juge nécessaire pour que le Continent se prenne seul en main.

Aligné sans nuance sur les thèses néoconservatrices

Dans un autre ordre d’idée, The Economist s’est aligné sans nuance sur les thèses néoconservatrices à propos de l’Irak en soutenant l’intervention américaine de 2003 et en assurant à ses lecteurs que l’existence d’armes de destruction massive était certaine.
Enfin, on apprendra sans surprise que pour The Economist, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced) est un dangereux repère de gauchiste et de tiers-mondiste. Quant à l’Indice sur le développement humain publié par le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud), il ne faut surtout pas l’évoquer alors que, dans bien des cas, il peut servir à équilibrer les jugements dithyrambiques à propos de pays qui affichent des taux de croissance importants (à l’image de l’Egypte avant la révolution).
Pour résumer les choses, The Economist est le genre de publication que le sort tragique des passagers de troisième classe du Titanic ne scandalise guère car cela répond bien à sa vision du monde. Un monde où il serait normal que 10% de la population contrôle 90% des richesses de la planète.
Un monde d’inégalités et d’injustice sociale où seule la charité peut venir en aide aux plus faibles et certainement pas l’Etat et ses recettes fiscales. Un monde laminé par la crise économique et financière mais où les disciples et adeptes de Milton Friedman continuent de jouer aux fiers à bras.

Code nécessaire dans les milieux journalistiques français

Journaliste économique et financier, je me suis astreint durant de longues années à lire The Economist. Sans enthousiasme aucun (rien à voir avec le BusinessWeek de la grande époque). Mais j’ai très vite compris que sa lecture proclamée était un code nécessaire, un passage obligé dans les milieux journalistiques français autant que chez les élites économiques ou politiques.
Je n’hésiterai donc pas à parler de complexe d’infériorité (ce qui explique l’impact du numéro sur le «déni français»). D’où vient ce complexe des élites françaises qui, de façon générale, concerne le monde anglo-saxon? Je ne saurai apporter toutes les réponses à cette question mais il en est une qui est rarement évoquée. Elle me vient d’un ingénieur aéronautique français, aujourd’hui à la retraite, qui a beaucoup travaillé aux Etats-Unis.
Pour lui, l’explication à ce complexe remonte à la fin de la Seconde Guerre mondiale, période où a commencé sa carrière.
«A l’époque, les Français se considéraient comme faisant partie des vainqueurs du conflit mais, dans leur attitude, les alliés américains et anglais, ont su instiller le doute. Il y avait des remarques, des regards entendus. La mise en place du plan Marshall a renforcé cette ambivalence. Des milliers de cadres français sont allés aux Etats-Unis pour apprendre les nouvelles méthodes de gestion. Ils en sont revenus impressionnés et donc un peu complexés».
Depuis, les choses ont certes changé. La France s’est reconstruite, avec ses propres atouts et compétences. Mais l’aura du monde anglo-saxon demeure. Il suffit de voir combien d’hommes politiques français, le président Nicolas Sarkozy en tête, ont honte d’avouer qu’ils ne parlent pas l’anglais.

Délires obsessionnels de The Economist

Il suffit aussi de se rendre compte à quel point le monde anglo-saxon, Etats-Unis en tête, est omniprésent dans des secteurs tels que l’économie, la finance ou le management. Dans ce dernier cas, nombre d’ouvrages publiés en France par des éditions spécialisées ne sont rien d’autre que des traductions ou des adaptations de livres déjà diffusés outre-manche ou Outre-Atlantique.
Il fut un temps où une course de vitesse existait entre nombre de consultants et d’universitaires français pour être le premier à repérer la dernière théorie managériale en vogue aux Etats-Unis afin d’en être le chantre incontournable en France.
Ce type de comportement existe encore et concerne d’autres secteurs tels que la télévision. On ne comprend à la manière dont fonctionnent les chaînes françaises d’information en continu si l’on ne sait pas qu’elles sont des copies, certes parfois améliorées, de leurs homologues étatsuniennes.
En Afrique, il est de bon ton de critiquer l’influence persistante des anciennes puissances coloniales, y compris dans le secteur de la culture ou des idées. Il est donc étonnant, voire amusant, de réaliser que la France vit une situation comparable. Peu sûres d’elles-mêmes, ses élites n’en finissent pas d’alimenter un complexe d’infériorité qui les empêche d’accueillir avec un simple haussement d’épaules, les délires obsessionnels de The Economist.
Akram Belkaïd
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mardi 10 avril 2012

La chronique du blédard : Le Sénégal, le Mali et la démocratie en Afrique

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Faut-il désespérer de l'Afrique ? Ou bien, faut-il au contraire rester optimiste en se disant que le temps de la démocratie continuera de faire son œuvre ? Il faut dire que les événements récents sur le continent obligent à la prudence et rendent difficile tout jugement global. Prenons le cas du Sénégal. Il y a quelques mois, un confrère libanais de retour de Dakar me confiait ses craintes. Selon lui, le clan Wade était capable de tout pour garder le pouvoir y compris de mettre le pays à feu et à sang. Durant notre discussion, évoquant l'âge avancé du président sénégalais, je lui rappelais le constat inquiet formulé en 2009 par l'intellectuel camerounais Achille Mbembe à propos de la « sénilité croissante des pouvoirs en Afrique ». 

Seulement voilà. L'octogénaire Wade vient de recevoir une fessée électorale. Lui, sa femme aux ambitions dévorantes et son affairiste de fils sont désormais priés de se retirer de la scène politique en attendant, peut-être, que la justice sénégalaise mette son nez dans leurs multiples business. Cela fait donc deux fois que la République du Sénégal et les Sénégalais surprennent agréablement la communauté internationale et font un pied de nez aux afro-pessimistes. En 2000, déjà, la victoire d'Abdoulaye Wade contre le président sortant Abdou Diouf avait déjoué le pronostic des oiseaux de mauvais augure. Douze ans, et une réélection controversée de Wade (en 2007), plus tard, c'est Macky Sall qui vient de remporter le scrutin présidentiel alors que nombreux étaient ceux qui pensaient que la victoire de Wade était programmée. Une victoire qui aurait, là-aussi, conforté, un autre constat d'Achille Mbembe à propos de « l'enkystement que l'on voit à l'œuvre (en Afrique) y compris là où une certaine alternance a eu lieu ».

Il faut dire que Wade, comme l'Ivoirien Laurent Gbagbo, ont illustré à merveille le désenchantement lié aux alternances. Dans les années 1990, Wade comme Gbagbo, étaient les chouchous de la presse internationale et des grandes organisations de défense des droits de la personne humaine. Cela sans compter les chancelleries occidentales qui en faisaient les meilleurs espoirs pour des changements d'envergure dans leurs pays. Las, une fois arrivés au pouvoir, ils ont douché les attentes les plus mesurées et entrepris de renforcer ce cliché selon lequel l'opposant africain devient un tyran une fois arrivé au pouvoir. Peut-être que Macky Sall sera lui aussi tenté par le pouvoir absolu même s'il vient, et c'est une bonne nouvelle, de décider de réduire la durée du mandat présidentiel à cinq ans renouvelable une fois. De toutes les façons, et en cas de dérive autoritariste, on peut espérer que les Sénégalais sauront lui indiquer, le moment venu, la porte de sortie. Un peuple qui apprend à user de son droit de vote ne se laisse pas facilement priver de cette arme citoyenne.

Mais, alors que le Sénégal renforce son caractère démocratique, voici que le Mali s'illustre de la pire des façons. Ah le Mali… Combien de lignes dithyrambiques avons-nous écrit à propos de cette jeune et frêle démocratie. Souvenir d'Alpha Omar Konaré (AOK), l'un des rares présidents africains, voire de tout le tiers-monde et d'ailleurs, à ne pas se laisser tenter par le tripatouillage constitutionnel afin de supprimer la limitation à deux mandats présidentiels. Une disposition née du souffle de La Beaule, lorsque la France de François Mitterrand avait signifié à ses présidents-obligés qu'il leur fallait ravaler la façade et faire mine de démocratiser. Ce fut le temps des nouvelles constitutions, des promesses d'alternance et de fin des présidences à vie. Rares ont été ceux qui les ont tenues. Longue est la liste de ceux qui les ont foulées au pied : Cameroun, Togo, Tchad, Burkina Faso, Mauritanie, Tunisie, Ouganda, Cameroun...

On ne peut pas faire son temps et celui de ses petits-enfants» avait dit un jour Alpha Omar Konaré pour justifier sa décision de ne pas briguer un troisième mandat. Son successeur, Amadou Toumani Touré (ATT), était prévenu. Il lui faudrait porter haut, lui l'ancien putschiste du début des années 1990, l'étendard de la démocratie. « ATT » a certes déçu son peuple mais rien ne peut justifier ni permettre le coup d'Etat militaire qu'il vient de subir (et qui vient de l'obliger à quitter la place plus tôt que prévu). Voilà donc le Mali, pays que l'on mettait en tête des expériences démocratiques réussies en Afrique, qui régresse d'une façon spectaculaire. Voici donc le retour de la soldatesque, de la junte toujours prompte à promettre le retour aux urnes et à la légalité.

Pire que cela, le Mali semble prendre la route calamiteuse de la division ethnique, de la guerre civile et de la partition. On pensait, à raison, que les frontières africaines héritées de la colonisation étaient intangibles. D'ailleurs, comme l'a montré le politologue Pierre Conesa dans son dernier ouvrage, l'Afrique «est aujourd'hui le continent ayant le plus d'affaires contentieuses réglées par moyen juridique devant la Cour internationale de justice (...) Malgré les nombreuses guerres civiles, le continent n'a pas subi la ‘balkanisation' longtemps annoncée et ses frontières ont beaucoup moins changé que celles de l'Europe et de l'Asie pendant la même période» (*). Mais que se passera-t-il si, imitant le sud-Soudan, le nord du Mali fait sécession ?

On imagine l'onde de choc qui s'étendra jusqu'au Maghreb et aux confins du Congo. On devine alors le nouveau grand jeu qui se dessinera sur le Continent sous fond de lutte impitoyable entre les grandes puissances pour l'accès aux terres rares, aux métaux précieux, au pétrole mais aussi aux terres arables. Il n'est donc plus question d'afro-pessimisme ou d'afro-optimisme mais bel et bien d'urgence. L'Union africaine ne peut rester indifférente. Qu'il s'agisse du coup d'Etat des militaires ou, bien plus encore, de l'insurrection des Touaregs, la gravité du cas malien ne peut-être négligée. A moins de souhaiter l'intervention de l'Occident et le retour de ses colonnes « pacificatrices » de fer et de feu. 

Le Quotidien d'Oran, jeudi 5 avril 2012
Akram Belkaïd, Paris

(*) La fabrication de l'ennemi ou comment tuer avec sa conscience pour soi, Robert Laffont, août 2011. 


Blog sur SlateAfrique : La chronique foot (4) : Mario Balotelli, la saga continue…

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A lire sur le blog Afro-Maghreb : Mario Balotelli, la saga continue


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Que serait le football européen sans Mario Balotelli? Ah, ce monde peuplé de joueurs policés, spécialisés en communication à deux sous, incapables de laisser transparaître la moindre opinion? Ah, ces propos insipides d'après-match ou ces tweets à l'eau tiède. Tout va bien, on va essayer de faire mieux, je crois qu'on a tout essayé, tout va bien avec le coach, On a eu des 'opportchunités'...

Avec Mario, c'est autre chose. Esclandres, excentricités, débordements (sur et hors du terrain...), buts immanquables ratés, buts impossibles marqués, jets de fléchettes contres les jeunes de son club, virée dans un club de strip-tease, : on ne s'ennuie jamais avec l'enfant de Brescia. Avec lui, le footballeur redevient homme et vivant, loin de l'uniformisation en place depuis le début des années 1990.

Certes, les choses se gâtent pour lui. Expulsé dimanche dernier pendant le match contre Arsenal (vainqueur 1 à 0), Mario Balotelli devrait ne plus jouer d'ici la fin de la saison. Son entraîneur, Roberto Mancini, qui en a vu de belles et des pas mûres depuis le début de la saison (on pense à Balotelli face aux buts vides, qui préfère se retourner et essayer de marquer du talon - ce qui lui a valu d'être remplacé immédiatement...), a décidé de se passer de lui. Plus grave encore, Balotelli pourrait ne pas participer à l'Euro 2012 alors que la planète foot se faisait une joie de le voir évoluer à haut niveau. La décision n'est pas encore prise mais les anti-Balotelli sont nombreux en Italie et mettent en garde le sélectionneur Cesare Prandelli (lui-même très sourcilleux sur les questions de discipline) sur ce que pourrait coûter un carton rouge à la Squadra.

A suivre donc. En attendant d'en savoir plus, on peut lire l'excellent portrait de Balotelli publié par le mensuel So Foot d'avril 2012. On y découvre l'histoire d'un enfant né dans une famille ghanéenne, confié à une famille italienne (qui ne l'a pas adopté, Mario ayant pris le nom de Balotelli à ses dix-huit ans), et effrayé à l'idée de devoir partir en Afrique. Un enfant mal dans sa peau, en quête de reconnaissance dès son plus jeune âge avec un "sens exacerbé de la compétition". Un surdoué qui n'a jamais cessé de mettre le souk dans le vestiaire et de s'empoigner avec ses partenaires ou entraîneurs dont son coéquipier Yaya Touré ou encore son compatriote-boucher Materazzi ou le très spécial Mourinho. Un joueur persuadé qu'il marquera un jour un but en finale de la Coupe du monde et qui risque de manquer aux supporters de Manchester City, toujours prompts à adopter "les personnalités rebelles et charismatiques".
Terminons par cette anecdote rapportée par So Foot

Extrait :
"A Noël dernier, plutôt que de se payer un réveillon de nouveau riche, Mario Balotelli s'est rendu dans la petite église de Saint John, à Chorlton, un quartier de Manchester. Assis dans sa nef, deux mois plus tard, le father Mac Mahon confirme la rencontre. "Il était au fond, sage, avec sa copine et un autre couple.  Je crois qu'avec lui, ce n'est pas ce que tu reçois mais ce que tu donnes", dit le prêtre. Balotelli a-t-il profité de l'occasion pour se confesser ? "Non, non." Une pause. "Il faut qu'il garde le diable en lui."

No comment...

Akram Belkaïd




Akram Belkaïd
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jeudi 5 avril 2012

Entretien vidéo avec Al-Qarra

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http://www.youtube.com/watch?v=YhJy1u0vgk0

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La chronique économique : LA GRECE DE CHARYBDE EN SCYLLA

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 4 avril 2012
Akram Belkaïd, Paris


Plus les semaines passent et plus la situation de la Grèce semble empirer comme si, tel Ulysse obligé de faire face aux deux monstres marins Charybde et Scylla, elle devait passer d’un péril à l’autre. En témoignent les prévisions que vient de publier la Fondation pour la recherche économique et industrielle (IOBE), l’un des plus importants instituts d’études économiques du pays. Selon cet organisme, l’économie grecque va se contracter de 5% en 2012, c’est-à-dire que le Produit intérieur brut (PIB), ou la richesse créée, va diminuer de 5% par rapport à 2011. De même, le chômage devrait pénaliser un actif sur cinq soit un taux record de 20% (contre 17,5% en 2011). Des chiffres qui ne peuvent qu’inquiéter et que l’on pourrait croire digne d’un pays parmi les moins avancés.

LA PISTE DES PRIVATISATIONS
Du coup, se pose la question de la capacité de la Grèce à renouer avec la croissance dans un contexte économique déprimé et une situation sociale des plus difficiles. Pour l’IOBE, qui continue à défendre vaille que vaille les dogmes de l’ouverture économique et du libre-échange, la Grèce doit absolument accélérer son programme de privatisations pour attirer les investissements étrangers. Pour cet institut, l’austérité à elle seule ne suffira pas à améliorer la compétitivité grecque pas plus qu’elle ne contribuera à elle seule à la réduction du déficit extérieur.
Si le jugement concernant l’austérité est pertinent, on peut se demander à quoi rimeraient des privatisations dans une telle situation de faiblesse pour la Grèce. Attirer des investisseurs étrangers ? Echaudés par les difficultés que rencontre Athènes pour rembourser sa dette et méfiants à l’égard de l’évolution politique de ce pays, on voit mal les pourvoyeurs de capitaux se précipiter pour racheter les entreprises publiques grecques. A moins, de bénéficier d’une remise importante ou, dit autrement, d’un bradage…
On sait à quel point les investissements étrangers peuvent être toxiques dans le cas d’un pays insuffisamment préparé à les recevoir ou qui en serait trop dépendant. La question est donc de savoir si, dans la conjoncture actuelle, la Grèce a besoin d’investissements directs étrangers (IDE) ou d’une remise en marche de son économie via d’autres mécanismes. Parmi ces derniers, la sortie de la zone euro, la dévaluation de la nouvelle drachme, la mise en place d’une économie de l’urgence, à la fois protectionniste et administrée, sont balayées d’un revers de main par les économistes des grandes institutions internationales. On peut se demander si, pour eux, il s’agit juste de faire en sorte que la Grèce reste vivante tout en ayant besoin d’une assistance extérieure permanente.

L’OBSTACLE DEMOCRATIQUE

C’est dans cette ambiance un peu délétère où les employés du secteur public grec voient leurs salaires diminuer d’un tiers voire plus (parfois de manière rétroactive !), que doivent normalement se tenir des élections législatives anticipées. Une perspective qui ne plaît guère à certaines capitales européennes qui craignent que le scrutin ne débouche sur l’arrivée au pouvoir de forces politiques décidées à remettre en cause les accords signés avec l’Union européenne (UE), le Fonds monétaire internationale (FMI) et la Banque centrale européenne (BCE). Ainsi, la démocratie, qui n’est rien d’autre que le choix du peuple, apparaît comme un obstacle pour les partisans d’une mise sous tutelle, fut-elle officieuse, de la Grèce.
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mercredi 4 avril 2012

SlateAfrique : Tunisie: Ennahda seul maître à bord

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04 avril 2012

Cent jours après l’installation d’un gouvernement contrôlé par le parti islamiste Ennahda, la Tunisie s’interroge avec angoisse sur son avenir.

Un député tunisien à l'Assemblée constituante le 30 mars 2012. AFP/FETHI BELAID
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Plus d’un an après la chute du régime de Ben Ali et quelque cent jours après l’installation d’un gouvernement largement contrôlé par le parti Ennahda, lui-même majoritaire à l’Assemblée constituante élue en octobre 2011, la Tunisies’interroge avec angoisse sur son avenir. Dans un contexte, il faut le préciser, des plus tendus et marqué par l’activisme grandissant des mouvements salafistes.
Qu’ils soient membres du parti non-autorisé Hizb et-Tahrir (Libération) ou d’autres groupuscules et associations pas toujours clairement identifiés, ces radicaux islamistes tiennent le haut du pavé et ne cessent de faire la une de l’actualité.
Les exemples sont légion: occupation de la faculté des Lettres de La Manouba pour revendiquer l’autorisation du port du niqab en classe, manifestations violentes contre l’organisation d’événements artistiques et culturels jugés impies, menaces de mort à l’encontre d’hommes de lettres ou de membres de la société civile partisans d’un Etat civil, saccage et incendie d’un commissariat, les salafistes semblent être partout.
«Leur nombre n’est pas important mais la fin du régime policier leur a donné des ailes. Il fut un temps où ils rasaient les murs et urinaient dans leur pantalon à la vision du moindre képi. Aujourd’hui, ils relèvent la tête et considèrent que la Tunisie leur appartient. On n’a pas fait la révolution pour ça», confie avec amertume un journaliste du quotidien La Presse.

Les salafistes font parler d'eux

Comme nombre de ses compatriotes, ce dernier a été choqué par trois événements récents qui lui font craindre le pire. Il y a d’abord «l’affaire du drapeau» où un militant salafiste a arraché le drapeau tunisien pour le remplacer par un étendard noir (emblème du salafisme) afin de protester, là-encore, contre l’interdiction du niqab dans les cours de l’université de La Manouba.
Un geste destiné aussi à rappeler que les salafistes réfutent l’idée d’Etat-nation et qu’ils considèrent l’actuel drapeau tunisien comme une bid’â, une innovation blâmable.
Ensuite, il y a cet accrochage qui a opposé, en février dernier et dans la région de Sfax, un groupe armé aux forces de l’ordre tunisiennes. Constitué par de jeunes salafistes, ce groupe avait acheté des armes en Libye et se serait préparé à passer à l’action contre des objectifs civils mais aussi militaires en Tunisie.
Enfin, il y a cet appel au meurtre lancé par un prédicateur contre Béji Caïd Essebsi (BCE), l’ancien Premier ministre du gouvernement de transition. Autant d’événements qui témoignent d’un pourrissement du climat politique mais aussi sécuritaire.
«C’est la face cachée de l’iceberg. Le plus important, c’est le quotidien. Ce sont des hommes qui importunent des femmes parce qu’elles ne sont pas voilées. Ce sont des libraires qui hésitent à deux fois avant de placer en vitrine un livre qui pourrait déplaire aux islamistes. C’est l’autocensure pratiquée par les télévisions qu’elles soient publiques ou privées. C’est le retour au pays d’individus louches qui sont passés par les madrassas au Pakistan ou qui ont été endoctrinés par le wahhabisme saoudien et qui se lancent dans la prédication prosélyte sans que personne ne leur demande des comptes. Les salafistes ont installé une ambiance générale d’autant plus exécrable qu’ils peuvent compter sur la mansuétude d’Ennahda», s’indigne une militante du parti Ettajdid (extrême-gauche).

Ennahda souffle le chaud et le froid

Du côté d’Ennahda, on affecte de prendre ses responsabilités de gouvernant. Consciente que leur base électorale est aussi constituée de salafistes, la direction du parti souffle toutefois le chaud et le froid à leur encontre.
Ainsi, le ministre de l’Intérieur Ali Larayedh, n’écarte pas le risque d’affrontement avec des groupes qui refuseraient de se plier à la loi. Mais, dans le même temps, Rached Ghannouchi, l’autorité morale d’Ennahda, affirme régulièrement que les salafistes lui rappellent sa jeunesse lorsqu’il s’opposait aux régimes de Bourguiba puis de Ben Ali.
De fait, et malgré les promesses de Larayedh de faire respecter la loi, rares ont été les arrestations de salafistes auteurs d’incidents, de prêches incendiaires ou même de menaces à l’encontre de personnalités laïques. Et c’est cette complaisance qui inquiète une partie de la société tunisienne qui se sent prise en tenaille entre et l’activisme brutal des salafistes et le travail de sape d’Ennahda.

Obsédé par les agissements des salafistes

Certes, et c’est un point important à signaler, le parti de Ghannouchi a accepté que le préambule de la nouvelle Constitution tunisienne ne fasse pas mention de la Charia ce qui reporte sine die la création d’une République islamique. Une concession majeure qui a divisé l’Etat-major du parti religieux et fait se déchaîner les salafistes les plus radicaux.
Il sera d’ailleurs intéressant de voir comment la cohésion interne d’Ennahda va résister à ce qui, pour une grande partie de sa base, est un honteux renoncement. Mais, dans le même temps, le parti religieux continue de prendre ses aises de propriétaire.
Alors que l’opinion publique tunisienne reste obsédée par les agissements des salafistes, —obsession qui confine parfois à l’hystérie— Ennahda prend petit à petit possession des rouages de l’Etat et de son administration. Nombre de dirigeants d’institutions étatiques, dont les organismes chargés des statistiques mais aussi des gouverneurs (l’équivalent des préfets de région) ont ainsi été limogés pour être remplacés par des cadres «nahdaouis». Une dérive qui a poussé de nombreux élus de l’opposition à protester et à exiger le respect du principe de neutralité de l’administration.
«On peut s’indigner et s’inquiéter des actions salafistes mais la mise en cause de la neutralité de l’administration, notamment le corps des hauts-fonctionnaires, me semble plus dangereuse pour la Tunisie. Cette administration a su garder le cap des intérêts du pays y compris face aux appétits du clan Ben Ali-Trabelsi. Il ne faudrait pas que cet acquis bâti sur plusieurs décennies de dévouement à la Tunisie soit cassé par la volonté hégémonique d’Ennahda», avertit un homme d’affaires tunisois.
Akram Belkaïd
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