Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

jeudi 28 janvier 2021

La chronique du blédard : Objectif, juillet 2022 ou « Algérie-60 »

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 28 janvier 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

En mars 2012, mon ami et confrère K. Selim déplorait l’absence de projets culturels concrets pour commémorer le cinquantième anniversaire de l’indépendance (1). Dans son éditorial, il relevait que ce vide nous imposait de systématiquement réagir à ce que des Français – ou des Algériens vivant en France - pouvaient produire comme reportages, documentaires, films de fiction ou même ouvrages littéraires traitant de la période coloniale et plus particulièrement de la Guerre d’indépendance. Dix ans plus tard, rien n’a changé. Comme vient de le montrer la publication, en France, du rapport de l’historien Benjamin Stora (2), nous sommes toujours dans la réaction défensive et dans l’incapacité à imposer notre agenda, ce dernier étant tout simplement inexistant. Il se dit qu’un rapport algérien serait en préparation. On l’attend… On l’espère…

 

On dira que nous avons d’autres priorités et c’est exact. La situation du pays est, à bien des égards, très préoccupante. Qu’il s’agisse de la santé ou des finances, les craintes et les interrogations sont multiples. A cela s’ajoute la manière inique dont sont traités nombre de détenus d’opinion dont on ne dira jamais assez qu’ils ont besoin de soutien et de solidarité active, le silence à leur égard, fut-il « tactique », n’étant rien d’autre qu’une compromission non assumée.

 

Mais la question du passé demeure incontournable surtout quand son interprétation nous vient de France. Concernant les excuses que l’Algérie est en droit d’exiger de la France, non pas simplement pour ce qui s’est passé durant la Guerre d’indépendance mais d’abord et avant tout pour le simple fait colonial, les opinions sont nombreuses. Pour celles et ceux qui réfléchissent sérieusement à cette question – je ne parle pas ici des incontournables excités et donneurs de leçons qui ne sont bons qu’à délivrer des certificats de patriotisme ou à jeter l’anathème sur celles et ceux qu’ils ne peuvent souffrir -, les excuses sont parfois jugées nécessaires ou, à l’inverse, inutiles, l’Algérie étant indépendante et n’ayant pas à s’embarrasser avec ces histoires du passé.

 

Pour ma part, comme indiqué dès 2005 dans mon ouvrage Un regard calme sur l’Algérie, je suis favorable à ces excuses ou, si l’on préfère, à une « reconnaissance » de ce qu’exprimait Abdelaziz Bouteflika en juin 2000 lors de sa visite officielle à Paris : la reconnaissance, donc, de la « lourde dette morale, ineffaçable et imprescriptible » de la France à l’égard de l’Algérie. » Une reconnaissance, écrivais-je alors, « au nom de la morale et de la vérité historique. De la morale, parce qu’il n’était pas juste d’envahir par la force et de coloniser une terre déjà peuplée, avec ses propres traditions et religions. Il n’était pas juste de déstructurer sa population en se justifiant d’une prétendue supériorité civilisationnelle (…) De la vérité historique, parce que la colonisation a été tout, sauf une œuvre civilisatrice. La violence de la conquête coloniale, les milliers de têtes coupées lors de la ‘‘pacification’’, les tribus – hommes, femmes et enfants – enfumées dans des grottes jusqu’à la mort, les terres confisquées, les insurrections et les révoltes matées dans le sang – la dernière en date étant celle du printemps 1945 – démontrent que les Lumières n’ont rien à voir avec cette période tragique (…) »

 

Nous connaissons tous le bénéfice politique et propagandique que tirerait le pouvoir algérien d’excuses officielles françaises. Cela peut inciter à différer ces excuses, à attendre que le Hirak et la démocratie triomphent enfin. Mais ce n’est pas la question. Personne n’est vraiment en droit de dire s’il faut ou non les exiger. L’idéal serait que cela entre dans une réflexion plus globale concernant notre passé, que l’on sache ce que nous voulons vraiment, ce qui nous paraît le plus important : les archives ? des reconnaissances précises concernant tel ou tel événement ? La cartographie exacte des essais nucléaires ou des mines aux frontières ? Et c’est là où pointe le rendez-vous de 2022. Qu’allons-nous faire pour commémorer le soixantième anniversaire de l’indépendance ? Attendre les documentaires d’Arte ou les « reportages » de M6 pour se lancer à plumes et posts perdus dans l’une de ces chaqlalas dont nous avons le secret ? Ou produire du « made in Algeria », aussi modeste soit-il ?

 

Il ne faut pas trop compter sur l’Etat même s’il pourrait, lui aussi, commander un rapport à un ou plusieurs historiens algériens, ce qui serait une façon de faire entendre un autre discours. Certes, les conditions sanitaires sont très contraignantes mais pourquoi ne pas imaginer une mobilisation nationale des éditeurs, des créateurs, des artistes, des chercheurs et des historiens sous un label commun, « Algérie-60 » ou autre chose ? Je suis, par exemple, frappé par le nombre de personnes s’exprimant sur les réseaux sociaux au sujet de leur propre histoire familiale et de la manière dont l’engagement de l’un des leurs – souvent mort au maquis – a été nié après 1962. Comment faire pour relayer ces voix ? Pour leur donner plus d’échos ?

 

Et puis, il y a les questions qui fâchent. Nous portons en nous des silences assourdissants quant au passé. Des choses qui, certes, peuvent (enfin) s’écrire dans les journaux ou les livres mais qui ne seront jamais abordées à la télévision voire à la radio. Quatre exemples simples qui mériteraient débats, colloques, série d’articles : Qui était Messali Hadj ? Que représentait Ferhat Abbas ? Qui a tué Abbane Ramdane et pourquoi ? Quel fut le « vrai » rôle des Oulémas ?

 

Notre histoire est tragique mais elle est aussi passionnante. C’est à nous de l’explorer mais aussi d’en être les passeurs à destination de la jeunesse. Ayons en tête ceci pour bien comprendre l’enjeu : pour un jeune qui aura vingt ans en 2022, l’indépendance sera aussi éloignée de son quotidien que l’an 1900 ne l’était pour un jeune du même âge en 1962… Réfléchir et produire en prévision de juillet 2022, voilà une autre mobilisation urgente.

 

 

(1) « Benjamin Stora 2 ENTV 0 », Le Quotidien d’Oran, jeudi 15 mars 2012.

(2) « Rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation, et la guerre d’Algérie ». Document rédigé à l’attention du président Emmanuel Macron.

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La chronique économique : Les riches vont (très) bien, merci pour eux

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 27 janvier 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

 

Les débuts d’année se suivent mais ne se ressemblent pas toujours. Il y a un an, le Forum économique mondial de Davos (Suisse) se distinguait par une présence massive d’hommes d’affaires et de responsables politiques (1 500 jets privés avaient permis aux happy few de rejoindre la célèbre station des Grisons) tous préoccupés par les tensions géopolitiques, les bisbilles commerciales entre la Chine et les Etats-Unis ainsi que par les tours de vis en cours dans certains pays autoritaristes. De la mystérieuse épidémie qui sévissait en Chine, il n’en fut point question ou presque.

 

 

Une bonne année pour les milliardaires

 

Un an plus tard, pandémie de Covid-19 oblige, le Forum se tient de manière virtuelle jusqu’à la fin de la semaine. Il y est beaucoup question de l’état de l’économie mondiale, des conséquences des confinements à répétition et aussi, accessoirement, de politiques de santé. Gageons qu’aucun regret majeur ne sera exprimé à propos de celles qui ont été menées depuis trente ans et dont on admire aujourd’hui le résultat. Partout, les hôpitaux sont débordés, le personnel soignant, les matériaux et les médicaments manquent mais vive le libéralisme…

 

Comme chaque année, les e-participants au Forum seront amenés à prendre connaissance des conclusions de l’étude d’Oxfam sur les inégalités dans le monde. Selon l’organisation non-gouvernementale, la pandémie n’aura guère eu d’impact sur les plus riches de ce monde. Mieux, ces derniers se sont même enrichis puisque les 1 000 premiers milliardaires de la planète ont vu leurs avoirs augmenter d’un total de 3 900 milliards de dollars. Oxfam, rappelle qu’il avait fallu cinq ans pour que les plus riches digèrent la crise financière de 2008. Cette fois, ils ont engrangé les revenus. A l’inverse, pour les plus démunis, il faudra au moins dix ans, affirme Oxfam, pour qu’ils retrouvent leur niveau financier d’avant pandémie. Etats-Unis, Chine et France sont les pays où les milliardaires sont le plus à la fête. Pour la France, la richesse supplémentaire des milliardaires atteint 175 milliards d’euros soit deux fois le budget de la santé. 

 

Les plus riches se portent donc très bien, merci pour eux. Les raisons ? Aux baisses d’impôts pratiquées par plusieurs gouvernements, dont ceux des Etats-Unis et de la France, s’ajoute l’euphorie boursière de ces derniers mois. En rachetant à tout va des actifs sur le marché et en pratiquant des taux très bas, les banques centrales inondent les places financières de liquidité ce qui, en retour, engendre des hausses des cours boursiers. Pour se consoler, on pourra donc dire que la hausse de la fortune des plus riches est théoriquement virtuelle puisqu’elle repose sur l’évolution des cours de Bourse et la valorisation de leur capital. Il n’en demeure pas moins que les niveaux actuels de fortunes sont indécents en comparaison de ce que vit la majorité.

 

La fiscalité en question

 

Il sera donc intéressant au cours des prochains mois de suivre les débats à propos de la hausse de la fiscalité des plus riches. Pour l’heure, la tendance est à l’inverse au nom de le fumeuse théorie du ruissellement (plus il gagne, plus le riche en fait « profiter » le reste de la société). L’exemple de la France est ainsi éloquent : en 2018, le président Emmanuel Macron a supprimé l’impôt sur la fortune arguant que cela aiderait à relancer l’économie et à lutter contre le chômage. Il n’en a rien été. Dans un contexte où les États s’endettent lourdement pour faire face à la pandémie, on se demande bien où ils comptent trouver l’argent pour faire face à l’explosion des dépenses.

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La chronique du blédard : De l’épidémie et de la jeunesse

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 21 janvier 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

Il y a un an, rares étaient ceux qui prévoyaient ce qui attendait alors l’humanité. On savait bien que quelque chose de plutôt grave se passait en Chine, loin là-bas. On avait appris qu’un médecin-ophtalmologue, le Dr Li Wenliang, avait alerté sur la multiplication de cas d’une pneumonie inconnue à l’hôpital de Wuhan avant de tomber lui-même malade. On savait que des mesures drastiques avaient été prises par les autorités chinoises, à l’image du confinement de plusieurs dizaines de millions de personnes dans et autour de la ville de Wuhan (23 janvier 2020). Une quarantaine inédite, autoritaire, liberticide, mais bon, « c’est la Chine » se disait-on, pas trop inquiets, ayant un vague souvenir que l’épisode du Sras au début des années 2000 s’était vite dissipé. 

 

D’ailleurs, les médecins stars du petit-écran n’affirmaient-ils pas qu’il n’y avait pas lieu d’avoir peur d’une « grippette » ? Même l’annulation par Pékin des célébrations du nouvel an lunaire (25 janvier) ne provoquèrent pas de craintes d’autant que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait que la pandémie à laquelle les autorités chinoises faisaient face ne constituait pas une urgence publique de portée internationale « en l’absence de preuve de propagation du virus en dehors de la Chine ». Et puis… Et puis la longue litanie des mauvaises nouvelles a commencé avec notamment l’annonce de la mort du Dr Wenliang, lanceur d’alerte maltraité par les autorités chinoises et la diffusion spectaculaire du virus de la Covid-19 ainsi nommée. 

 

Lorsqu’il s’agira de raconter l’histoire de cette pandémie, il est évident que l’un de ses premiers chapitres concernera la dégradation rapide de la situation en Italie en février 2020, notamment après un match de football (Ligue des champions) entre l’Atalanta de Bergame et Valence suivi par 40 000 supporters au stade San Siro de Milan (19 février). Le cas italien aurait dû obliger les responsables européens mais aussi maghrébins à vite réagir. Ce ne fut pas le cas. En France, comme aux États-Unis ou en Algérie, il ne fut guère question de confinement ou de mesures drastiques. Le retard à l’allumage sera d’un mois. Un mois de trop. Un mois derrière lequel la planète court encore.

 

Il est encore tôt pour tirer un bilan définitif de cette pandémie d’autant qu’elle est loin d’être vaincue. On retiendra que les atermoiements politiques (Macron qui, en France, incita ses compatriotes à continuer à aller au théâtre et à sortir le soir avant d’instaurer un confinement total une semaine plus tard…) et les conséquences des gestions libérales des systèmes de santé (notamment en Occident ; pour les pays du Maghreb, c’est l’absence de politique tout-court) sont responsables du décès de centaines de milliers de personnes.

 

La découverte de vaccins, la généralisation des mesures barrières (qui, au passage, ont fait chuter de manière spectaculaire la transmission de la grippe « classique »), les campagnes de prévention auprès des plus faibles sont des points positifs qu’il ne faut pas négliger même si les irréductibles anti-masque, anti-vaccins, anti-tout en fait, continuent de sévir. Mais il est temps de tirer aussi la sonnette d’alarme concernant les conséquences sociales de cette épidémie.

 

On parle beaucoup des entreprises, des petits commerces, du monde de la culture et des arts, tous négativement impactés par les mesures sanitaires. Il n’y a pas lieu de relativiser cela ou même de contester les différentes aides qui ont été débloquées pour compenser les pertes de chiffres d’affaires. C’est à l’aune de ce qui est proposé aux uns et autres que l’on peut juger de la solidité des systèmes sociaux d’un pays. Il est plus facile d’être un éditeur ou un artisan en Italie ou en France qu’en Algérie ou en Turquie. Cela n’étonnera personne mais c’est ainsi. Par contre, il est une constante que l’on retrouve partout et qui mérite d’être signalée.

 

Dans ce grand fracas provoqué par l’épidémie, les jeunes sont eux-aussi des victimes. Certes, on insiste beaucoup sur le fait qu’ils sont peu menacés par le virus (même si le « variant » anglais semble plus nocif pour eux). Cette immunité par l’âge est le prétexte à des discours stigmatisant « l’inconscience des jeunes », leur égoïsme, leur refus de faire attention aux gestes barrière, autant d’inconséquences qui mettraient les plus âgés en danger. Il est évident que les organisateurs de fêtes clandestines ont une part de responsabilité dans la diffusion du virus mais ce qui frappe, c’est que la catégorie « jeunes » dans son ensemble est désignée comme l’ennemi, le grand-responsable de la persistance de l’épidémie.

 

Pendant ce temps-là, des étudiants abandonnés à eux-mêmes sont en profonde dépression. Des jeunes bacheliers, pour qui la première année d’université aurait dû être celle des moments initiatiques de l’âge adulte, sont en profond désarroi. Et que dire de celles et ceux qui ont abandonné leurs études faute de moyens. Un exemple emblématique : En France, des associations distribuent des colis alimentaires à des jeunes incapables de subvenir à leurs besoins les plus importants. Être jeune aujourd’hui n’est pas une sinécure, loin s’en faut.

 

Les grandes épidémies sont toujours des moments de rupture. Dans l’urgence du moment, mais aussi pour l’avenir, il est temps de mettre en place un revenu universel pour les plus jeunes, les 18-25 ans. Une sorte de présalaire pour permettre un démarrage convenable dans la vie. Certains prétendent que cela serait dangereux, que cela inciterait à la paresse et à l’oisiveté. Je ne le crois pas. Je note surtout que ce sont souvent les plus aisés, ceux qui ont accompli leurs études dans de bonnes conditions – notamment grâce à un environnement familial qui les a soutenu sur le plan matériel – qui refusent ce revenu universel. Cette posture idéologique est contreproductive. Elle crée de la douleur et du malheur. Elle gâche une entrée dans la vie d’adulte qui mériterait d’être bien moins ardue.

 

 

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La chronique économique : Sanofi, le dividende ou le vaccin

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 20 janvier

Akram Belkaïd, Paris

 

La santé ou le pognon ? Sanofi, « leader de la santé en France et dans le monde » comme l’affirme son site, est désormais l’exemple emblématique de la contradiction majeure qui caractérise les entreprises pharmaceutiques cotées en Bourse. D’une part, la firme prétend travailler « passionnément pour prévenir, traiter et guérir des maladies tout au long de la vie » mais, d’autre part, tout dans son fonctionnement et son organisation tend à ne privilégier qu’une seule chose : la (bonne) rémunération de ses actionnaires.

 

Chercheurs licenciés

 

Très critiqué pour son retard à mettre au point un vaccin qui aurait permis à la France de ne pas dépendre de laboratoires étrangers, dont l’américain Pfizer, Sanofi vient d’annoncer un plan de suppression d’emplois qui concerne 1 700 postes dont 400 chercheurs. Au total, si l’on se base sur une tendance longue, en moins de vingt ans, le groupe français a divisé par deux le nombre de ses chercheurs sans oublier une demi-douzaine de sites fermés ou fusionnés ainsi que les activités comprenant de la recherche qui ont été cédées à d’autres sociétés.

 

Le slogan « pas de recherche, pas de vaccin » que brandissent les syndicats écœurés par les projets de restructuration fait sens. En matière de santé, n’importe quel biologiste le confirmera, il faut du temps et des moyens. Des femmes et des hommes qui cherchent, qui multiplient les essais, qui doivent nécessairement se tromper pour finir par trouver. Or, le temps, c’est de l’argent. Et cet argent, Sanofi préfère l’utiliser pour gaver ses actionnaires via des dividendes qui ne cessent d’augmenter. 

 

Entendons-nous, la règle admise concernant une entreprise est qu’elle rémunère ses propriétaires, ce que sont les actionnaires. Et l’argument des entreprises pharmaceutiques est bien connu : pour justifier leurs politiques des dividendes, elles affirment que c’est la seule manière de « fidéliser » l’actionnaire – en gros, l’empêcher de vendre ses titres en Bourse et donc, de déstabiliser l’entreprise. Garder un actionnaire dans son capital serait ainsi la garantie de pouvoir continuer à financer les investissements indispensables à la recherche. On peut aussi entendre ce discours mais sans être naïf et sans accorder plus d’attention qu’il n’en faut à des expressions comme dividende « responsable », « éthique », « durable » ou « soutenable » qui ne sont rien d’autre qu’un moyen de faire passer la pilule.

 

Le dividende contre l’entreprise

 

Car, le problème, c’est lorsque cette rémunération se fait au détriment des travailleurs qui sont la base essentielle de la création de richesses par l’entreprise. Plus préoccupant encore, cette politique de dividende peut, à terme, causer du tort à la société et précipiter son déclin. Son incapacité à livrer un vaccin contre la Covid-19 avant, au mieux, la fin 2021 est une défaite majeure pour Sanofi. Cela va aussi à l’encontre des discours convenus pour étudiants de première année de commerce selon lesquels le cœur même d’une entreprise pharmaceutique est son activité de recherche et de développement. Or, on ne fait pas de la vraie « R&D » en virant sans cesse les chercheurs pour doper le cours en Bourse et faire plaisir aux actionnaires.

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La chronique du blédard : Trump et le réel

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 14 janvier 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

Des États-Unis nous vient une question d’ordre philosophique : qu’est-ce que la réalité ? C’est cette interrogation qui m’est venue très vite à l’esprit alors que je regardais jusqu’au petit matin les images en direct de l’invasion du Capitole par des sympathisants du président Donald Trump. Passée la première surprise, j’ai essayé de me concentrer sur les visages, les gestes et surtout les paroles des uns et des autres. 

 

Il est édifiant de noter que la majorité des personnes interviewées, qu’elles soient véhémentes ou calmes, en première ligne ou simplement suiveuses, étaient persuadées d’œuvrer pour la démocratie. Ces gens venus d’Alabama, du Kentucky ou d’improbables coins perdus du cœur de l’Amérique disaient presque tous la même chose. Le Capitole, c’est la maison du peuple, elle nous appartient. Nous voulons protéger la Constitution des États-Unis d’Amérique, les démocrates nous ont volé l’élection. Il y a eu des fraudes généralisées et les médias mentent. Il ne s’agissait pas de factieux décidés à changer de système ou à établir tel ou tel type de dictature. Non, ces gens croyaient sincèrement œuvrer pour le bien (je ne parle pas ici des extrémistes d’extrême-droite qui étaient à la manœuvre).

 

Devant le petit écran, un œil rivé sur les échanges via les réseaux sociaux, je me suis rendu compte que ces gens étaient dans leur propre réalité. Tout dialogue, à ce moment-là, était impossible avec ceux qui, comme moi, n’ont vu dans cette pitoyable affaire qu’une tentative plus ou moins planifiée de faire dérailler la certification des résultats de l’élection de novembre dernier et donc l’officialisation de la victoire de Joe Biden. Question simple, comment fait-on quand deux perceptions aussi antagonistes de la réalité existent ? 

 

Dans la horde, essentiellement masculine et blanche, qui a pris d’assaut le pseudo « cœur de la démocratie américaine » (je n’oublie pas que c’est ici qu’a été votée à la quasi-unanimité la guerre contre l’Irak), il y avait, bien sûr, des gens déterminés. Des hommes habillés en combinaisons tactiques, cagoulés, prêts à en découdre et sachant visiblement ce qu’ils faisaient. Ceux-là se réclament ouvertement d’une idéologie raciste et suprématiste. Ils sont d’extrême-droite et constituent un danger réel. Ils rêvent de feu, d’acier, de potences et de sang. Mais il y a les autres, ces cohortes de ravis, tous contents d’être au cœur de l’action, ouvrant des yeux ébahis, presqu’enfantins en découvrant les salles du capitole, prenant des photographies, appelant sûrement leur cousine d’Arkansas pour lui montrer les images de la « révolution ». 

 

Les premiers et les seconds ont en commun qu’ils croient fermement en des choses qu’une grande majorité de personne balaie d’un haussement d’épaules. Quand un manifestant, sans masque, hurle que les communistes chinois ont trafiqué à distance les machines à voter et que Cuba et le Venezuela sont aussi derrière la fraude électorale favorable à Biden et que les médias « mainstream », comprendre les principales chaînes de télévision ainsi que le Washington Post et le New York Times, obéissent à un ordre obscur, satanique et pédophile, on a le droit de hausser les épaules et de se dire « mais quelle bande de tarés ! ». Oui, c’est vrai, mais le problème, c’est qu’il s’agit de convictions et qu’elles semblent bien profondes. Des millions de personnes pensent ainsi. Elles n’envahiront pas pour autant le Capitole et il se peut même qu’elles réprouvent ce qui s’est passé la semaine dernière à Washington. Mais rien ne dit qu’elles ne suivront pas un mouvement factieux initié par plus déterminés qu’eux.

 

La réalité, disent certains philosophes est affaire d’imagination mais aussi de construction collective. Ce qui pourrait se résumer à de banales divagations pour quelques zélotes trumpistes isolés devient tout autre chose quand leur nombre est supérieur à la population du Portugal et de la Tunisie réunis. La réalité étant souvent l’argument d’autorité – ce que je vous dis est vrai car c’est ce qui s’est passé « réellement » – on réalise que l’on a affaire à des constructions inconciliables. La question est donc toujours la même : comment faire face à cette situation ? Observant deux camps s’étripant pour des questions religieuses, un esprit cartésien peut les renvoyer dos-à-dos. Mais, dans le cas présent, il ne s’agit pas de foi ou d’imaginaires mais du réel, d’événements tangibles que chacun voit à sa façon. 

 

Ces derniers jours, je n’ai pas été étonné d’apprendre que, déjà, des thèses contredisent avec force ce que mes yeux ont vu. Nombre d’Américains, suivis en cela par d’autres dénégateurs y compris en Algérie où la fascination pour l’homme fort pousse au culte de Trump, sont persuadés que le Capitole a été pris d’assaut par des anti-fa, des gens d’extrême-gauche téléguidés par la Chine (encore elle, on devine qu’elle sera « le » sujet de ces prochaines années chez les républicains). La boucle est bouclée. Un événement, des récits antagonistes qui surgissent instantanément et la grande victime est cet autre thème philosophique : la vérité.

 

On pourra gloser longtemps sur Donald Trump et ses incompétences, son narcissisme, peut-être même sa folie et ses excès en tous genre. Mais ce raciste qui qualifia un jour certains pays africains de « trous à merde » et dont l’une des premières mesures une fois élu fut d’interdire l’accès aux États-Unis à des musulmans (« muslim ban »), a réussi le tour de force d’entraîner avec lui des dizaines de millions de personnes. Et s’il y est arrivé, ce n’est pas juste parce que la faillite des démocrates séduits par le libéralisme lui a préparé le terrain. Ce n’est pas uniquement parce qu’il a multiplié les discours flattant les pires travers de son électorat. Sa réussite, impressionnante, est que par son charisme, il a réussi faire partager à ses troupes sa propre vision de la réalité. Qu’importent les événements, le président sortant arrivera toujours à convaincre ses ouailles que c’est lui qui détient la vérité. C’est tout simplement fascinant.

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La chronique économique : L’année de la Chine

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 13 janvier 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

 

Jusqu’où ira la Chine ? Alors que la planète vit encore au rythme de la pandémie de Covid-19 et même au rythme de « l’épidémie dans l’épidémie », comprendre la diffusion fulgurante du variant, ou virus mutant, anglais ; Alors que les yeux sont braqués sur les États-Unis où l’on se demande ce que Donald Trump va bien pouvoir inventer comme nouvelle provocation avant son départ de la Maison-Blanche, les économistes et la presse dans sa grande majorité s’intéressent de nouveau à la Chine, lieu de départ de l’épidémie, faut-il le rappeler.

 

Une croissance vigoureuse

 

Un an après l’annonce du premier mort du Covid-19 et du confinement massif et historique des dix millions d’habitants de la ville de Wuhan, la Chine semble être revenue à un niveau de normalité que lui envient nombre de pays. Après une croissance économique de 2% en 2020 - signe que le pays aura tout de même échappé à la récession, le produit intérieur brut (PIB) devrait croître de 8% en 2021. Dans une série consacrée cette semaine à la Chine, le quotidien français Le Monde estime même que la pandémie a accéléré l’essor économique de ce pays.

 

Il ne s’agit pas simplement du niveau de croissance auquel Pékin a habitué la planète depuis une vingtaine d’années. C’est surtout que le rattrapage vis-à-vis des autres puissances est en phase d’accélération dans un contexte marqué par les conséquences dramatiques de la pandémie. Jusqu’à présent, il était habituel d’affirmer que la Chine ne serait pas au niveau de ses rivaux, dont les États-Unis, avant 2040 voire 2050. Aujourd’hui, si les prévisions économiques restent en l’état, le PIB chinois pourrait atteindre le premier rang mondial d’ici 2030 voire 2028. On imagine les conséquences, ne serait-ce que géostratégiques, d’un tel changement dans la hiérarchie mondiale.

 

Aux États-Unis, le camp républicain, soucieux de se refaire une virginité après la fin chaotique du mandat Trump va y trouver un matériau en or pour attaquer Joe Biden d’ores et déjà accusé de faiblesse à l’égard de Pékin. Les démocrates agitaient le hochet russe pour disqualifier Trump. Les républicains feront la même chose à l’égard du nouveau président américain en l’accusant de ne pas défendre la suprématie américaine vis-à-vis de l’essor croissant de la Chine. Tout cela bien sûr étant relatif car le budget de défense américain continuera encore de surclasser celui de son rival mais, pour le reste, on sent bien que le monde atteint un point de basculement, celui où la grande puissance américaine ne sera plus aussi hégémonique qu’avant. Question : cela augure-t-il d’affrontements armés ?

 

Quelle que soit l’issue, il faut d’abord s’attendre à un durcissement des batailles commerciales entre les deux pays mais la Chine a bien compris qu’il lui fallait profiter des divisions pour continuer à s’imposer. Le brexit mais aussi la brutalité de l’administration Trump à l’égard des Européens ont favorisé les desseins de Pékin. La signature d’accords économiques récents avec Bruxelles et le manque de réaction vigoureuse de l’Union européenne face à la répression à Hong Kong montrent que la situation évolue en faveur du camp chinois.

 

Pays développé ?

 

Rançon du succès, il sera de plus en plus difficile à la Chine de continuer à prétendre qu’elle n’est « qu’un » pays en développement. Dans quelques années, le revenu annuel par habitant sera l’équivalent de celui de pays industrialisés et les diverses dispenses et avantages dont bénéficie Pékin en matière de commerce international, de normes ou de facilités d’accès à certains marchés vont certainement être révoqués. Cela obligera, d’une certaine manière, la Chine à assumer sa position de géant planétaire. L’équilibre géostratégique de la planète en sera alors totalement modifié et une ère d’incertitudes s’ouvrira, largement dépendante de l’acceptation ou non par les Etats-Unis de leur relégation au second rang.

 

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mardi 12 janvier 2021

La chronique du blédard : Cette Algérie qui se ferme aux Algériens

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 6 janvier 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

Parmi les nombreuses difficultés auxquelles l’Algérien est confronté, la restriction de mouvement n’est pas la moindre ni la plus récente. On pourrait même dire qu’elle est structurelle et qu’elle façonne depuis longtemps son rapport au monde. A la fin des années 1960 et durant toute la décennie 1970, il n’était pas possible de quitter le pays sans une autorisation de sortie délivrée par l’administration. Les plus jeunes n’ont pas connu cette période d’aliénation où l’envie de voyager était contrecarrée par une bureaucratie tatillonne, exigeant mille et une pièces et finissant, de toutes les façons, par opposer un refus aux motivations obscures. Il ne fallait pas être fiché par les services de sécurité et il fallait compter sur le bon-vouloir de responsables trop heureux d’exercer un pouvoir discrétionnaire sur leurs concitoyens. Passe-droits, piston, trafic d’influence : tout cela existait déjà à l’époque. 

 

Ce n’est qu’à l’arrivée au pouvoir de feu le colonel Chadli Bendjedid en 1979 que ladite autorisation fut supprimée. Un bol d’oxygène qui contribua, pour un temps, à la popularité du successeur de Houari Boumediene. Mais, très vite, les visas imposés au milieu des années 1980 par les pays occidentaux ont pris le relais. Les rebuffades, les refus, les longues files d’attente, les pièces manquantes à fournir, tout cela persistait mais les scènes de l’humiliation avaient changé de lieu : les consulats étrangers remplaçaient la wilaya et les rares pays accueillant les Algériens sans obligation de visa continuent encore de constituer un motif d’étonnement.

 

L’affaire s’est compliquée depuis le début de la pandémie de Covid-19. Le 17 janvier prochain, cela fera dix mois que les frontières de l’Algérie sont fermées. Il est donc impossible – ou presque - d’entrer en Algérie. Cela concerne les étrangers mais aussi, et surtout, les Algériens qu’ils soient résidents hors du pays ou qu’ils aient été bloqués à l’extérieur au moment du verrouillage des frontières, le 17 mars 2020. Les médias nationaux et, plus encore, les réseaux sociaux, abondent en témoignages sur ce que cette mesure a provoqué comme drames humains et frustrations. 

 

Des personnes ont été bloquées durant des semaines voire des mois à l’étranger sans pouvoir rentrer chez elles. En France, en Turquie, en Tunisie ou ailleurs, des nationaux n’ont pu s’en sortir que grâce à la solidarité, pour ne pas dire la charité, des gens. Certains qui ne disposent pas de l’entregent nécessaire pour se faire inscrire sur les listes de (trop rares) vols de rapatriement, demeurent bloqués à ce jour. Ainsi, cet algéro-ténésien qui ronge son frein à Tunis en attendant de pouvoir rentrer chez lui et à qui de bonnes âmes ont proposé de franchir clandestinement la frontière du côté du Kef… Faire le harraga pour revenir chez soi, voilà où nous en sommes ! Dans d’autres cas, bien plus dramatiques, il a été impossible à des Algériens de rentrer faire leurs adieux à un parent malade ou tout simplement d’assister à ses obsèques.

 

On dira que nombre de pays ont pris des mesures drastiques pour contenir l’épidémie. On dira aussi que la situation sanitaire impose des décisions difficiles. Tout cela peut être entendu. Aux grands maux, les grands moyens. La grande différence, c’est que l’Algérie est l’un des rares pays au monde à empêcher ses propres citoyens, ses enfants (!), à rentrer chez eux. C’est du jamais-vu dans notre histoire et ce qui rend la chose encore plus inacceptable, c’est la désinvolture avec laquelle cette affaire est traitée. Qui est en charge de cette question ? Qui rend des comptes ? Qui peut dire avec exactitude comment sont gérés et organisés les vols de rapatriements ? Personne. Il faut se démener, faire le tri entre les vraies informations, les inévitables rumeurs sur les montants de la tchippa à verser pour monter dans un avion, le catastrophisme des uns et le je-m’en-foutisme des autres. Il faut aussi garder son calme quand on apprend, de la bouche même des concernés, que certains ont pu rentrer tranquillement au pays pour y passer le réveillon de fin d’année dans le sud avant de s’en retourner tranquillement à Paris… Algérie nouvelle ou bien bled el-piston ?

 

En 2009, l’Algérie avait impressionné le monde en organisant un gigantesque pont aérien pour acheminer puis rapatrier des dizaines de milliers de supporters désireux d’assister au match de barrage entre les Verts et l’Égypte à Khartoum. N’est-il donc pas possible de rapatrier aujourd’hui toutes celles et tous ceux qui le désirent ? N’est-il pas possible de faire connaître de manière claire et transparente les modalités d’un tel rapatriement ? Et, de toutes les façons, de quel droit prive-t-on les Algériens résidant à l’étranger d’aller dans leur pays ? 

 

La réponse à cette dernière question est liée à l’état du système de santé. Organiser un système de tests à l’arrivée, de traçage et de suivi des mises en quarantaine semble hors de portée pour nos autorités même si elles se refuseront toujours à le reconnaître. Une faillite sanitaire et prophylactique. C’est cela que révèle la fermeture des frontières aux Algériens. Une fermeture, disons-le, qui ne semble déranger que celles et ceux que cela concerne. Pour nombre de leurs concitoyens, il semble normal que les résidents à l’étranger « paient » le prix de leur éloignement. Qu’ils subissent eux aussi les affres d’un système détraqué.

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La chronique économique : Quand Peugeot épouse Fiat

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 7 janvier 2021

Akram Belkaïd, Paris

 

Les fiançailles auront donc duré un an avant la noce. Le 16 janvier prochain, les constructeurs automobiles Peugeot et Fiat-Chrysler seront réunis en une seule entité nommée Stellantis (« parsemé d’étoiles » en latin). Le nouvel ensemble de 400 000 employés sera le quatrième groupe mondial en termes de véhicules vendus (8 millions par an) et le troisième en ce qui concerne le chiffre d’affaires (170 milliards d’euros). Au total, Stellantis comprendra 14 marques dont Peugeot, Fiat, Chrysler, Opel, Citroën, Alfa Romeo, Maserati, Dodge et Jeep.

 

Enjeux stratégiques et emplois

 

Les autorités de concurrence européenne et américaine ont donné leur feu vert et Stellantis sera coté sur les Bourses de Paris, Milan et New York. La fusion a aussi été plébiscité par les actionnaires des deux entreprises (plus de 99% des votes lors des deux assemblées générales extraordinaires respectives) et la presse spécialisée est plutôt positive. Cette opération était attendue et elle est vue comme la condition nécessaire pour garantir la survie de marques comme Fiat, Peugeot ou Chrysler. En effet, au-delà du défi immédiat posé par la pandémie de Covid-19, le secteur automobile est confronté en ce début de siècle à de nécessaires choix stratégiques que seuls des groupes ayant une taille critique sont capables d’assumer.

 

Comme ses concurrents, Stellantis devra trancher : faut-il favoriser le développement des véhicules électriques – en prévision du renforcement des législations favorables à l’environnement et à la lutte contre le réchauffement climatique ? Faut-il croire au développement de la voiture autonome sur laquelle de grands noms de l’informatique fondent beaucoup d’espoirs pour se diversifier et concurrencer les constructeurs traditionnels ?

 

Le discours accompagnant cette fusion comporte les habituels éléments de langage. Elle est censée « créer plus de valeur », c’est-à-dire offrir plus de revenus aux actionnaires. Elle doit aussi « réduire les coûts » (5 milliards de dollars par an) grâce aux inévitables « synergies ». Or, comme toujours, la vraie question concernant ce type d’opération concerne la préservation des emplois. Les dirigeants des deux groupes ont promis qu’aucune usine ne sera fermée mais, on le sait, les promesses n’engagent que celles et ceux qui y croient.

 

Car un bref regard sur la situation du nouveau groupe oblige à la prudence. Nombre de ses usines tournent au ralenti depuis des années, situation que la pandémie n’a fait qu’aggraver. On considère ainsi qu’une usine est rentable si elle tourne à 80% de ses capacités or le taux moyen est de 45% pour Stellantis. Il ne faudra pas être surpris à court terme si des marques sont cédées ou si des sites sont fermés au nom de la sacro-sainte rentabilité (laquelle conditionne le taux de rémunération des actionnaires).

 

 

Mode de consommation

Enfin, on ne peut évaluer cette fusion sans penser aux évolutions en cours. Selon un sondage de YouGov réalisé en 2020, les jeunes sont partagés à l’égard de la voiture avec une part non négligeable d’entre-eux qui n’envisagent pas d’en acquérir soit faute d’intérêt soit en raison du coût. D’autres voient dans la voiture un usage occasionnel auquel sauront répondre des plateformes de location plus accessibles que celles qui existent aujourd’hui. Autrement dit, la voiture risque fort de devenir, notamment en milieu urbain, un produit dont on ne paie que l’utilisation sans avoir à l’acquérir. De quoi faire revoir à la baisse les projections des constructeurs même si pour ces derniers l’eldorado chinois (20 millions de véhicules par an) constitue une sécurité pour l’avenir.

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