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Slate Afrique, mercredi 30 mars 2011
S'il y a bien un combat à mener contre la stigmatisation des musulmans en France, il ne faut pas pousser la comparaison trop loin, au risque de desservir la cause.
C’est un fait: être musulman en France n’est pas toujours chose facile. Le débat actuel autour de l’islam et la volonté manifeste d’une partie de la droite, dite républicaine (ne parlons même pas de l’extrême droite), d’instrumentaliser cette religion pour concurrencer le Front national le montrent bien. Il est difficile de ne pas se sentir pointé du doigt même pour celles et ceux qui ne mettent jamais les pieds dans une mosquée et dont la pratique religieuse est des plus limitées.
Ces talk-shows venimeux à la télévision (y compris sur le service public!), ces déclarations récurrentes des Copé et cie qui donnent à penser que tous les musulmans de France, qu’ils soient citoyens ou ressortissants étrangers, conspirent à abattre la laïcité, sont insupportables.
En ce moment, être musulman en France, c’est encaisser de manière quotidienne les délires de politiciens hystériques dont on se demande s’ils n’ont pas mieux à faire pour relancer l’économie, sauver le modèle social français et réduire les inégalités qui minent la société. Etre musulman, c’est se dire: que vont-«ils» encore inventer aujourd’hui? Nous avons eu droit à l’exploitation effrénée de phénomènes minoritaires comme le voile intégral et les prières dans la rue, mais d’autres sujets vont certainement faire leur apparition dans les semaines qui viennent.
Parions que l’on va nous parler de la viande halal, des prénoms arabes, de la circoncision et même du ramadan en attendant d’embrayer sur des thèmes que l’on sent poindre telle la question de savoir si, en ces temps de guerre, les français musulmans (expression insupportable qui renvoie à la période coloniale) sont loyaux à l’égard de leur pays. Mais être musulman, c’est aussi se sentir pris en otage par des aventuriers et des manipulateurs qui parlent au nom d’une communauté qui, en réalité, n’existe pas tant elle est diverse et fragmentée. De fait, l’auteur de ces lignes ne se sent aucunement représenté par le Conseil français du culte musulman et encore moins par toutes ces associations qui occupent le terrain médiatique et qui contribuent, à leur façon, à rendre le climat actuel encore plus délétère.
En appelant les musulmans à «porter une étoile verte» pour protester contre le débat sur la laïcité, Abderahmane Dahmane, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, commet ainsi une grave erreur —tant sur le fond que sur la forme. Il y a des symboles historiques qu’il faut manier avec précaution et il faut surtout savoir de quoi on parle. Laisser entendre que la situation actuelle des musulmans de France est comparable à celle des juifs sous Vichy est une aberration. Au mieux, cela dénote une absence totale de culture historique. Au pire, cela s’inscrit dans une position victimaire outrancière, qui dessert le combat contre la stigmatisation des musulmans.
Cette proposition de porter l’étoile verte est honteuse. Elle est même une insulte aux victimes de la politique antisémite des autorités françaises entre 1940 et 1944. Parler d’étoile verte, en référence à l’étoile jaune, revient à faire croire que les musulmans de France sont menacés de génocide. C’est créer un précédent en introduisant dans le débat politique un nouveau symbole, qui va certainement être récupéré par tout ce que le champ politique compte comme extrémistes et provocateurs. C’est convaincre une partie de l’opinion publique de l’immaturité de celles et ceux qui tentent de s’organiser pour dénoncer la stigmatisation des musulmans par une partie de la classe politique et de l’intelligentsia françaises.
Soyons clairs: il y a bel et bien une bataille à mener contre ceux qui font des musulmans des boucs émissaires. Mais ce combat peut très bien se mener dans un cadre républicain et, surtout, il n’a nul besoin de surenchères de la sorte.
Akram Belkaïd
http://www.slateafrique.com/1105/porter-etoile-verte-et-puis-quoi-encore
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