Le Quotidien d’Oran, mercredi 28
novembre 2018
Akram Belkaïd, Paris
Quarante-cinq ans de mariage,
souvent difficile, et un divorce retentissant. Dimanche 25 novembre, l’Union
européenne et le Royaume-Uni se sont entendus autour de l’accord fixant les
modalités de sortie du second de l’UE (Brexit). En mars prochain, le Royaume-Uni
ne fera plus partie de l’UE et sera donc considéré comme un pays tiers. Après
l’élargissement à dix pays en 2004 (auquel était très favorable Londres), le
Brexit est le dernier grand événement en date à marquer la vie de la (dé)construction
européenne. Quelle sera la suite de cette séparation ?
Ratification incertaine
Il faut signaler que l’accord de
quelques 600 pages conclu entre les deux parties doit d’abord être ratifié par
les parlements britannique et européen. Et, dans les deux cas, l’affaire n’est
pas encore gagnée. À Londres, de nombreux élus sont vent debout contre ce texte
et ne cachent pas leur intention de faire tomber la cheffe du gouvernement
Theresa May. Certains d’entre eux estiment qu’elle a fait de trop grandes
concessions aux Européens notamment le statut de l’Irlande du nord. D’autres,
au contraire, estiment que la Grande-Bretagne perd beaucoup trop au change
notamment en termes de relations économiques et de droits d’accès au marché
européen. Tout se jouera donc en décembre prochain.
En évoquant le Brexit, le
luxembourgeois Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, a
évoqué un « moment
triste » et une « tragédie »
sans préciser pour qui. Tragédie pour la construction européenne ? Pour
l’Union européenne qui perd un élément de poids ? Ou pour le Royaume-Uni
qui va devoir se débrouiller « seul » ? Les réponses à ces
questions sont fortement influencées par des éléments idéologiques. Le Brexit
est devenu l’emblème des souverainistes qui veulent la fin de l’UE et un retour
pur et dur aux souverainetés nationales totales. A l’opposé, c’est aussi
l’épouvantail des celles et ceux qui craignent que cette sortie du Royaume-Uni
ne soit le catalyseur d’une lente implosion de l’Union européenne. On relèvera
ainsi que la « dureté » des négociateurs européens constitue un
message clair aux autres membres tentés par une sortie (on pense notamment aux
pays d’Europe de l’Est).
Dans les mois qui viennent, le
feuilleton Brexit va donc continuer d’alimenter la chronique. On en saura plus
sur nombre de contentieux possibles : la pêche, le statut des travailleurs
résidants, les « frontières » de l’Irlande du nord avec l’Éire, le
statut de Gibraltar… Plus important encore, l’accord commercial et les règles
de concurrence entre entreprises que négocierons les deux parties seront
auscultés à la loupe de même que le montant définitif que Londres devra verser
à Bruxelles en guise de compensation, une sorte de pension alimentaire payée en
une fois.
12 ans de cour assidue, 45 ans de mariage et un divorce
Il n’est pas dit que la Grande-
Bretagne fasse une bonne affaire avec le Brexit. Certes, son retrait de l’UE
démontre que les peuples peuvent avoir le dernier mot (même si la campagne
électorale fut marquée par nombre de mensonges de la part des pro-retrait).
Mais on prendra la mesure du retournement de situation en se souvenant que le
Royaume-Uni a longtemps attendu aux portes de la Communauté économique
européenne (CEE), l’ancêtre de l’Union européenne. Candidat officiel en 1961,
il a attendu le 1er janvier 1973 pour y faire son entrée avec
l’Irlande et le Danemark. Douze ans de cour assidue et d’attente dus à
l’intransigeance de la France qui ne voulait pas d’un membre susceptible de
limiter le projet européen en simple zone de libre-échange. Quarante-cinq ans
plus tard, le soupirant finalement agréé a donc décidé de reprendre sa liberté…
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