Le Quotidien d’Oran, jeudi 3 novembre 2016
Akram Belkaïd, Paris
Alors, Trump ou Clinton ? Hillary ou Donald ? On
aura la réponse à cette question dans la nuit du mardi 8 au mercredi 9 novembre
mais la réponse est connue : kif-kif ou presque (on serait tenté d’écrire kif-kif bourricot ou presque). Comme
tous les quatre ans, le monde entier aura donc les yeux tournés vers l’Empire
et son scrutin présidentiel. Cette fois, l’ambiance qui entoure cette élection
est lourde et inquiétante. Ce fut une campagne de coup bas, d’outrances et de dérapages
divers. Il est évident que la présence de Donald Trump en tant que candidat du
parti républicain est responsable de cette dérive scabreuse.
Mais le fait le plus intéressant dans cette compétition
électorale est le fait que Trump et Clinton sont d’ores et déjà très
impopulaires. Le premier n’est plus à présenter et on est en droit de se
demander si le monde sera sûr si un tel énergumène entre à la Maison Blanche et
qu’on lui confie les codes nucléaires. Ses partisans disent de lui que c’est un
homme d’affaires et qu’il saura gérer l’Amérique mieux que personne. Le
problème, c’est qu’il a surtout fait faillite à plusieurs reprises et que ses
activités – casinos et immobiliers – ne sont pas réputées pour être ouvertes à
des enfants de chœur.
On a d’ailleurs du mal à imaginer ce que sera ce pays sous
une présidence Trump. Le menu est néanmoins connu : lois antisociales,
retour en force des conservatismes, législations xénophobes et, disons-le,
islamophobes, mise au pas des syndicats (déjà très affaiblis), nomination d’un
juge ultraconservateur à la Cour suprême et imprévisibilité en matière de
politique étrangère exception faite du maintien de l’habituelle ligne
américaine de soutien docile à l’égard d’Israël. Bien malin qui peut dire ce
que Trump président dira demain de Poutine ou du conflit en Syrie. De même,
personne ne sait vraiment ce qu’il pense de la Chine. Bref, avec Trump, tout
est possible ou presque et c’est ce qui inquiète. En effet, et les deux mandats
d’Obama l’ont bien montré, le poste de président américain n’est pas celui de
l’omnipuissance. En temps habituel, le Congrès mais aussi l’administration
veillent au grain et définissent les cadres dont il ne faut pas sortir. Trump
lui, a d’ores et déjà prévenu qu’il n’en fera qu’à sa tête…
Concernant Hillary Clinton, il est étonnant que cette
politicienne se voie affublée de l’étiquette de gauche. Certes, il fut un temps
lointain – c’était au début du premier mandat de son mari en 1992 – où elle a
joué un rôle important dans la tentative de réformer le système de protection
sociale. Engagement vain mais qui donna pendant quelques années une certaine
aura à l’ex-First Lady. Depuis, son « bilan » est édifiant et on
peut rappeler, par exemple, qu’elle a voté en faveur de l’invasion de l’Irak et
que nombre de documents qui circulent aujourd’hui prouvent sa proximité avec la
finance américaine, les fabricants d’OGM, les groupes pétroliers et le secteur
de la défense. Autrement dit, de très gros pourvoyeurs de fonds pour les
campagnes électorales.
Clinton n’apporte aucune réponse aux dégâts sociaux
provoqués par la mondialisation aux Etats Unis. Durant la campagne électorale,
elle a tenté de faire croire qu’elle s’opposera à de nouveaux traités de
libre-échange mais seuls les naïfs pourront accorder du crédit à une telle
promesse. Quant à la politique
étrangère, il est fort probable que le tropisme néoconservateur de la candidate
démocrate l’emporte. Partisane d’un durcissement des relations avec la Russie
de Poutine, ce n’est pas elle qui va œuvrer à la détente. La perspective d’une
intervention militaire américaine plus appuyée en Irak et en Syrie n’est donc
pas à négliger.
Quoi qu’il en soit, et comme mentionné auparavant, Clinton
comme Trump devront, en cas d’élection, composer avec une importante
impopularité. Et rien ne permet d’affirmer qu’ils termineront leur mandat. La
pagaille que Trump ne manquera pas de créer dans les institutions est
susceptible de déboucher sur une procédure de destitution à laquelle des élus
républicains – qui n’ont jamais admis sa victoire aux primaires – ne seront pas
opposés. Quant à Clinton, même élue, elle aura du mal à se défaire du scandale
des courriels (elle a utilisé sa boite personnelle pour envoyer des messages
officiels). L’ironie de l’histoire est que l’on se souvient que son époux et
elle ont longtemps été impliqués dans une sombre histoire de spéculation
immobilière dans l’Arkansas (le scandale Whitewater) révélée pendant la
campagne électorale de 1992. Une affaire qui a constitué une épée de Damoclès
sur la présidence de Bill Clinton avant que ce dernier ne subisse l’offense
d’une tentative d’impeachment après le scandale Lewinsky.
Reste enfin une question majeure. Comment se fait-il que
l’électeur américain n’aie le choix qu’entre Clinton et Trump (il y a pléthore
d’autres candidats mais aucun ne dépasse les 3% d’intentions de vote) ? La
réponse à cette question est complexe mais elle réside certainement dans la crise
profonde des institutions. La démocratie étasunienne est malade de l’argent et
la non limitation des dépenses de campagne – au nom de la liberté d’expression
– la transforme en terrain de chasse pour ploutocrates et lobbies. Ce n’est donc
pas un hasard si seuls 45% des électeurs se rendront aux urnes. Comme pour
l’usage des armes à feu, l’Amérique a du mal à légiférer pour empêcher que
l’argent roi et les groupes d’intérêts verrouillent sa vie politique.
Finalement, cette « démocratie » a les candidats qu’elle mérite…
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