Le Quotidien d’Oran, mercredi 2 novembre 2016
Akram Belkaïd, Paris
Il y a bien longtemps que le thème de la Chine comme menace
pour l’économie occidentale n’avait pas été agité. Depuis la crise financière
de 2008, l’habituel débat sur la faiblesse artificielle du yuan (destinée à
favoriser les exportations) ou bien sur les mesures protectionnistes mises en
place par Pékin, était, en effet, peu à peu passé au second plan. Bien entendu,
il n’a jamais totalement disparu mais certaines questions, comme la possible
guerre des monnaies en raison de la hausse annoncée des taux américains (et
donc du dollar) ont plus mobilisé l’attention.
Acquisitions
technologiques…
Mais voici que deux pays européens, l’Allemagne et la France
semblent vouloir remettre au goût du jour la fameuse « menace
chinoise ». A Berlin, le ministre de l’économie Sigmar Gabriel, qui est
aussi le président du Parti social-démocrate et vice-chancelier, a dénoncé les
« pratiques déloyales » de la Chine. Cette dernière est accusée de
profiter des législations ouvertes de l’Europe pour acquérir des entreprises
technologiques tout en fermant son propre marché. En clair, Pékin serait engagé
dans une phase d’acquisition de technologies allemande tout en pratiquant un
protectionnisme hermétique. Il faut dire que les chiffres témoignent d’une
tendance réelle : Pour les dix premiers de 2016, les Chinois ont mené 47
acquisitions en Allemagne pour un montant de 10,3 milliards d’euros. C’est bien
plus qu’en 2015, année où l’activisme des groupes chinois avait pourtant déjà
attiré l’attention avec 29 opérations d’achat ou de prise de contrôle pour un
montant de 263 millions d’euros.
L’Allemagne, dont la Chine est le premier partenaire
commercial, estime que la prise de contrôle stratégique d’entreprises
allemandes doit favoriser la réciprocité. Et comme cette dernière n’existe pas,
Berlin a décidé de bloquer certaines opérations de rachat à l’image de
l’acquisition par des groupes chinois de la société d’éclairage Osram ou de
l’équipementier de semi-conducteurs Aixtron. Normalement, la législation ne
permet au gouvernement allemand de ne s’opposer qu’aux opérations présentant un
risque pour la sécurité, la défense ou la stabilité financière du pays. Mais
Sigmar Gabriel est formel, il n’est pas question de faciliter le dépeçage du
parc industriel allemand par des intérêts chinois. Et il exige même de l’Europe
qu’elle se réveille enfin en cessant d’adopter la position d’ouverture
conciliante quand d’autres régions du monde demeurent très protectionnistes.
… et agraires
De son côté, la France réalise quant à elle que c’est son
patrimoine agraire qui est dans le viseur chinois. Au printemps 2016, l’achat
de 1700 hectares dans le Berry (centre de la France) par des intérêts chinois a
créé l’émotion. L’idée que la production agricole française puisse être
totalement destinée au marché asiatique alimente les craintes. C’est d’autant
plus vrai, que la France est un pays où la terre agricole est un bien rare et
où des milliers d’agriculteurs, notamment les jeunes, ne possèdent pas le
moindre hectare à cultiver. Des économistes mettent en garde contre les
opérations spéculatives qui feraient que ces terres puissent passer de main en
main et, pour l’heure, le gouvernement semble vouloir mettre un frein à ces
opérations après avoir longtemps temporisé. La terre et la technologie comme
objectifs d’achat : On le voit, la Chine franchit un nouveau pallier et sa
stratégie de placement d’une partie de ses réserves de change conforte celles
et ceux qui mettent en garde contre la menace d’un nouvel impérialisme
économique dont l’Europe serait la nouvelle cible.
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