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mardi 29 décembre 2020

La chronique économique : Les GAFAM dans le collimateur de la Commission européenne

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 16 décembre 2020

Akram Belkaïd, Paris

 

C’est un bras de fer fondamental qui commence, la Commission européenne entendant imposer ses règles aux grands acteurs du numérique. Le couple obligations/sanctions est désormais brandi comme principe de base devant imprégner les législations en cours d’élaboration. Dans la ligne de mire figurent, bien entendu, les GAFAM : Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft, mais aussi tous les autres opérateurs, qu’il s’agisse de plateformes numériques, de commerce en ligne ou de réseaux sociaux alternatifs.

 

Contre les discours de haine

 

A la base, se trouvera un Règlement sur les services numériques dont la vocation est de responsabiliser les acteurs du numérique. Cela concernera tout le monde, particuliers compris. Les plateformes seront, elles aussi, concernées avec des dispositions de taille : la double obligation de modérer les contenus qu’elles accueillent mais aussi la nécessité de coopérer, au besoin, avec les autorités. On voit déjà ce qui pose problème. S’il est vrai que certains contenus posent de sérieux problèmes : discours de haine, fausses informations (« fake news »), manipulations politiques, les risques de censure seront accrus. Dans un contexte de montée en puissance de l’autoritarisme, y compris dans un pays comme la France, qui garantit que ces réglementations seront totalement au service des libertés individuelles ? Qui dit qu’un blog critiquant les violences policières ne sera pas tout bonnement fermé grâce à cette future législation ? Dans les semaines qui suivent, il sera intéressant de voir comment les parlementaires européens se positionneront par rapport aux propositions de texte concoctées par la Commission européenne.

 

Un second volet sera constitué par le Règlement sur les marchés numériques. Et là, seuls les acteurs dits « systémiques » seront concernés. Il s’agit notamment des GAFAM dont l’emprise sur le secteur est sans cesse croissant. La Commission européenne veut leur imposer une obligation de transparence sur les algorithmes utilisés (ces petits programmes qui, par exemple, inondent l’internaute de publicité en se basant sur ses habitudes de navigation). De même, les GAFAM devront être moins opaques sur leur traitement des données privées, lesquelles constituent une matière première hautement rémunératrice.

 

Le temps des lobbys

 

Bruxelles semble aussi se réveiller sur la question de la concurrence. Les acquisitions opérées par ces géants devront lui être déclarées. Les sanctions prévues en matière de non-respect des règles de concurrences pourront atteindre 10% du chiffres d’affaires (6% pour les contenus en ligne illégaux). Surtout, la possibilité d’un démantèlement en cas de manquement grave n’est plus exclue. En Europe, et à un degré moindre aux États-Unis, l’étau se resserre un peu plus sur les géants du numériques mais rien n’est encore joué.

 

D’abord, ces législations contraignantes ne sont pas encore adoptées et il faudra encore du temps pour les finaliser d’autant que les États membres de l’Union européenne auront leur mot à dire. Ensuite, parce que des centaines de lobbyistes sont à pied d’œuvre pour vider les textes de leur substance. A Bruxelles, comme à Washington, il ne s’agit pas pour eux d’empêcher ces lois mais de faire en sorte qu’elles soient les moins contraignantes possibles. Et, en la matière, le savoir-faire des défenseurs des GAFAM fait ses preuves depuis deux décennies.

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