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Le Quotidien d'Oran, samedi 9 janvier 2011
C’est un appel d’une puissance phénoménale que lance Stéphane Hessel dans son livre. Un appel au refus du fatalisme et du cynisme et cela quelle que soit la situation. L’ouvrage s’adresse d’abord aux Français notamment les plus jeunes. L’ancien diplomate, en son temps résistant puis co-rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme, fait référence aux principes et aux valeurs qui ont fondé le programme du Conseil National de la Résistance lequel fut adopté en mars 1944. Des valeurs foulées au pied par un gouvernement qui expulse des étrangers, qui ignore la misère dans les banlieues et qui remet en cause des acquis sociaux précieux tels la retraite ou la sécurité sociale. Presse indépendante, accès équitable pour les citoyens à l’énergie, éducation, remise en cause de la pression des « grandes féodalités économiques et financières », priorité de l’intérêt général face aux intérêts particuliers : « C’est tout le socle des conquêtes sociales de la Résistance qui est aujourd’hui mis en cause », juge l’auteur qui rappelle une vérité fondamentale : « Le motif de la Résistance, c’est l’indignation » tandis que pour lui l’indifférence est « la pire des attitudes. »
Mais ce texte ne se limite pas qu’aux seules questions françaises. Il aborde aussi la situation des Palestiniens. Stéphane Hessel rappelle que ce qui se passe dans les Territoires occupés ainsi qu’à Gaza est un scandale. Il s’engage sans aucune ambigüité, et rappelle que la Palestine est la source de sa principale indignation. A cet égard, il faut noter que nombre de médias français – hors sites électroniques – ont préféré passer sous silence cet aspect du livre. Cette lâcheté, cette censure qui ne dit pas son nom, ne sont pas étonnantes. Les prises de positions de Stéphane Hessel en faveur du droit des Palestiniens et du boycottage des produits fabriqués dans les colonies irritent et dérangent. C’est ainsi qu’une campagne virulente est menée contre lui, notamment par des universitaires de second rang, avec pour argument essentiel, l’inévitable accusation d’antisémitisme (rappelons que Stéphane Hessel est de père juif).
Pour autant, ce livre démontre que quelque chose est en train de changer au royaume de l’édition en France. Sorti dans l’anonymat le plus complet, il atteint près de 600.000 exemplaires vendus. Le bouche-à-oreille, internet avec ses blogs, ses forums et ses sites électroniques tels que Mediapart, ont assuré le succès de cette saine et vivifiante exhortation à l’indignation. L’habituel cortège des commentateurs copains-coquins qui ne fonctionne que sur le principe du renvoi d’ascenseur n’ont pas vu venir le phénomène. Ils sont bien obligés de prendre le train en marche mais avec ce que cela comporte comme aigreur et jalousie…
Enfin, le choix de ce livre pour illustrer cette première chronique n’est pas un hasard. Le texte de Hessel a valeur universelle. Il nous interpelle en tant qu’Algériens alors que le pays connaît de nouvelles épreuves et que notre société n’en peut plus d’attendre des changements qui ne viennent pas. Ne perdons pas notre capacité d’indignation et souvenons-nous que notre pire ennemi est le fatalisme. De même, il faut absolument lire ce livre parce qu’il fait aussi l’éloge de la non-violence, « chemin que nous devons apprendre à suivre ».
L’extrait :
« Aujourd’hui, ma principale indignation concerne la Palestine, la bande de Gaza, la Cisjordanie. Ce conflit est la source même d’une indignation. Il faut absolument lire le rapport Richard Goldstone de septembre 2009 sur Gaza, dans lequel ce juge sud-africain, juif, qui se dit même sioniste, accuse l’armée israélienne d’avoir commis des « actes assimilables à des crimes de guerre et peut-être, dans certaines circonstances, à des crimes contre l’humanité » pendant son opération ‘Plomb durci’ qui a duré trois semaines (…) Je partage les conclusions du juge sud-africain. Que des Juifs puissent perpétrer eux-mêmes des crimes de guerre, c’est insupportable. Hélas, l’histoire donne peu d’exemple de peuples qui tirent les leçons de leur propre histoire. »
La citation :
Le livre est édité dans la collection « Ceux qui marchent contre le vent », dont le nom est emprunté aux Omahas, un peuple indien des plaines d’Amérique du Nord, rattaché à la famille des Sioux et qu’on désigne par cette expression
Le livre :
« Indignez-vous ! », Stéphane Hessel, Indigène éditions, Paris, 29 pages, 3 euros.
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