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Un vieux texte qui remonte à janvier 1991.
Pas vu Paris depuis longtemps. A peine arrivé du soleil, déjà le froid, le stress et le métro. Toujours les mêmes odeurs, les petites boutiques, les musiciens, les mendiants. Chômeurs, handicapés, aveugles, cas sociaux. Assis par terre. « Un peu d’argent s’il vous plaît, j’ai faim. Un franc pour manger. » Du nouveau tout de même. Un autre style. Dans les rames. « Bonjour, je m’excuse de vous déranger. J’ai cinquante – trente ou vingt ans – Je suis gitan, fils de Gitan et de Française. Donnez-moi un sourire, un regard et modeste chèque-restaurant. » Un chèque-restaurant ! Ahuri, je regarde autour de moi. Personne ne bouge, ne lève la tête. Habitués, déjà blasés. La Motte-Piquet. Une tsigane. Un enfant dans ses bras. Biberon et guenilles. « Mèèè-ssieurs, dames ! Je ne vous demande pas beaucoup et si je fais la manche c’est pour lui. » Automatique, le gosse tend la main. Tragique ? Comique ? C’était donc vrai ? Le quart-monde à Paris. Calcutta, Le Caire, tout m’a précédé. Et si je me levais aussi, parlant fort comme on aime le faire chez nous. « Essalam Allaïkoum. Arabe, je suis entré en France sans visa et sans argent. Je vous demande un emploi, un piston, une carte de séjour ou une femme pour un mariage blanc. » Un autre se lèverait alors : « Je viens de Beyrouth ou bien de Bagdad, N’Djamena, Colombo… Plus rien à faire là-bas. S’il vous plaît, un peu d’argent pour les obus, une grenade, un pain de plastic ou une prise d’otages. » Tous les clandos, les fous, les chômeurs, mendiants et autres se lèveraient pour parler. Mais calmons-nous. Dieu merci, je repars pour là où la misère, qu’elle soit vraie ou factice, est normale, habituelle. Familière.
Propos volés par Akram Belkaïd
L'Autre Journal, janvier 1991
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1 commentaire:
aviez vous oublié que chaque Etat sa propre misère, mais qu'elle se renforce avec mondialisation capitaliste est en effet un dilemme de trop !
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