_
Le Quotidien d'Oran, mercredi 23 octobre 2013
Akram Belkaïd, Paris
La monnaie nationale chinoise, le renminbi
(« monnaie du peuple »), que l’on désigne à l’étranger par son autre
appellation, le yuan, a souvent fait parler d’elle à propos de sa parité controversée
avec le dollar américain. On le sait, Washington a longtemps reproché à Pékin
de maintenir artificiellement sa devise à des niveaux bas (par rapport au
billet vert) afin de soutenir ses exportations (une monnaie faible permet de
vendre plus à l’étranger). Ce débat n’a pas totalement disparu mais ce n’est
plus lui qui fait l’actualité.
Une monnaie d’échange qui monte
Désormais, c’est la place du yuan dans les
échanges internationaux qui mobilise l’attention. Au début des années 2000,
cette monnaie n’existait pratiquement pas en tant que référence. Aujourd’hui,
elle représente 16% des paiements dans le commerce extérieur chinois, cette
proportion devant atteindre 30% d’ici à 2020. Cela signifie tout simplement que
les partenaires commerciaux de la Chine libelleront de moins en moins leurs
échanges en dollars ou en euros mais qu’ils achèteront et vendront en Chine
contre des yuans.
Cela signifie aussi que la monnaie chinoise
va de plus en plus être traitée par les marchés des changes et cela même si sa
convertibilité n’est pas encore totale (les autorités continuent à agir de
manière directe sur sa valeur contrairement à ce qui est le cas pour le dollar,
l’euro, le yen ou d’autres devises convertibles comme le won coréen ou le
dollar canadien). En 2004, le yuan pointait à la 35ème place en
terme de monnaies échangées. Aujourd’hui, il pointe à la 10ème et de
nombreux cambistes s’attendent à ce qu’il rentre dans le « top 5 »
d’ici 2020.
Preuve de cet essor, une trentaine de pays
a d’ores et déjà décidé de passer des accords avec la Chine pour libeller une
partie des importations ou exportations avec la Chine en yuan. Parmi eux, on
compte la Turquie, le Chili, le Nigéria et la Thaïlande. Il y a une semaine, la
Banque centrale européenne (BCE) et la Banque populaire de Chine (PBoC) ont mis
en place un échange de devises (« swap ») d’un montant de 45
milliards d’euros (350 milliards de yuans). Cet accord permettra donc aux
opérateurs européens de payer leurs opérations de commerce dans la devise chinoise.
Dans le même temps, les places de Paris et de Londres sont bien décidées à
devenir le premier centre européen pour les opérations de change sur le yuan.
Visas facilités pour les ressortissants chinois, relèvement des plafonds
autorisés en matière de transferts bancaires : les deux capitales
rivalisent en initiatives pour capter les flux monétaires en yuans et leur
bataille ne fait que commencer.
Mais toujours pas une monnaie de réserve
Mais si le yuan est désormais une monnaie
d’échange, il lui reste un long chemin à parcourir avant d’atteindre le statut
de devise de réserve à l’image du dollar, de l’euro ou du franc suisse. A ce
jour, le billet vert compte pour 63% des dépôts des Banques centrales contre à
peine 1% pour le yuan. Les récentes péripéties sur le plafond de la dette
américaine et la paralysie de l’appareil fédéral (« shutdown) n’ont guère
changé les choses. Quand il s’agit de mettre de côté son épargne, le monde
continue de miser sur le dollar, étant persuadé que l’Etat le plus sûr – c’est
à dire celui qui, entre autres, ne fera jamais faillite – demeure les Etats-Unis
et pas la Chine.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire