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Le Quotidien d'Oran, mercredi 2 octobre 2013
Akram Belkaïd, Paris
Connaissez-vous les « abenomics » ? Ce
terme est aujourd’hui omniprésent dans la presse spécialisée dès lors qu’il s’agit
du Japon. Pour être plus précis, c’est un mot-valise qui désigne les
principales orientations de la politique économique appliquée par le Premier
ministre japonais Shinzo Abe depuis son retour au pouvoir en décembre 2012. De
quoi s’agit-il ? C’est un cocktail qui mêle plan de relance avec un
assouplissement monétaire (maintien à un niveau bas des taux d’intérêts) le
tout adossé à une nouvelle stratégie de croissance où un yen faible dope les
exportations. Dans le même temps, Shinzo Abe tente de relancer la consommation
par une hausse des salaires tandis que l’augmentation prévue de la taxe sur la
valeur ajoutée (tva) a été moins importante que prévu pour ne pas briser la timide reprise de l’activité.
De Reagan à Thaksin
A force d’être martelées, expliquées, décortiquées, les
grandes lignes de la politique économique d’Abe ont donc mérité le label « nomics ».
Il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas d’un jugement de valeur ou d’une
quelconque forme de validation mais juste d’un constat selon lequel la dite
politique est cohérente et, surtout, qu’elle est concrète. Le premier homme
politique à avoir bénéficié de cette catégorisation est bien entendu Ronald
Reagan, président des Etats-Unis de 1980 à 1988. Concoctés par l’économiste
Milton Friedman, les « reaganomics » ont façonné nombre de programmes
économiques dans les années 1980 et 1990 et continuent d’ailleurs d’influencer
les doctrines de la majorité des institutions financières. Réduction des
dépenses publiques, réduction des impôts, dérégulation et, enfin, recours à la
politique monétaire pour combattre l’inflation : voilà ce que furent les
quatre piliers des « reaganomics ». On sait que l’ancien acteur
devenu président s’est fortement inspiré de la ligne économique suivie par
Margaret Thatcher. Mais, pour cette dernière, il n’a (presque) jamais été question
de « thatchernomics ». En effet, on parlait plus de Thatcherisme, ce « isme »
tendant à prouver que l’influence de la dame de fer a été le socle majeur et
prépondérant de toutes les politiques néolibérales.
D’autres responsables ont eu droit eux aussi à leur « nomics ».
Certains sont plus ou moins oubliés à l’image de Roger Douglass, ministre
néo-zélandais des finances (1984-1990). Appartenant au Parti travailliste, il a
tout de même mis en place des mesures libérales – les « rogernomics »
- avec des privatisations, une baisse des subventions et un soutien au
libre-échange commercial. A l’opposé, les « thaksinomics » du Premier
ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra (2001-2006) étaient un mélange de
relance keynésienne destinée à définitivement effacer les effets de la crise
asiatique de 1997 (grands travaux, soutiens à la consommation, aides au monde
rural avec un moratoire sur certaines dettes) le tout mâtiné de quelques
privatisations pour ne pas trop fâcher le Fonds monétaire international (FMI).
Enfin, Bill Clinton est le dernier président américain dont la politique
économique a été jugé suffisamment consistante pour être appelée « clintonomics » :
discipline budgétaire pour réduire les déficits, taux d’intérêts bas, soutien
au libre-échangisme et développement des marchés financiers, notamment par la
dérégulation, en ont été les grandes orientations (inspirées, entre autre, par
Robert Rubin et Lawrence Summers). A l’inverse, l’expression « obamanomics »
est à prendre avec des pincettes, ayant été utilisées par les républicains pour
en moquer le manque de consistance et pour faire la rime avec « kremlinomics »,
une manière comme une autre de persuader l’électeur américain que Barack Obama n’est
qu’un dangereux communiste…
Les « zéronomics »
Et l’Algérie dans tout ça ? Rentier incapable de
diversifier son économie, il y a bien longtemps que ce pays n’a plus bénéficié
de politique économique cohérente. Le terme n’existait pas dans les années 1970
mais l’on aurait peut-être pu parler de « boumenomics » voire d’«
abdessnomics ». Une décennie plus tard, il aurait été possible, réformes
obligent, d’évoquer les « hamrounomics ». Mais, depuis, plus rien.
Car qui peut aujourd’hui trouver la moindre ligne directrice et la moindre
logique rationnelle dans les semblants de politiques économiques suivies en
Algérie depuis plus de vingt ans ? Peut-être, d’ailleurs, faudrait-il parler
à ce sujet de « zéronomics »…
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