Le Quotidien d’Oran, dimanche 14 décembre 2014
Akram
Belkaïd, Paris
On dit souvent qu’un journal est la rencontre entre
ses rédacteurs et leurs lecteurs. Mais c’est aussi, du moins en ce qui me
concerne, celle qui lie le journaliste et le journal lui-même. Ma collaboration
avec Le Quotidien d’Oran a débuté, si
je ne me trompe pas, en 2002 (bien avant que je ne commence à publier ma
« chronique du blédard » et celle consacrée à l’économie). Depuis,
j’ai changé à plusieurs reprises de positions professionnelles mais le lien
avec Le Quotidien ne s’est jamais
distendu, bien au contraire. A mes interlocuteurs et autres lecteurs,
j’explique souvent que j’y ai bénéficié d’un immense espace de liberté et que
jamais je n’ai eu à déplorer la moindre censure ni le moindre interventionnisme.
J’ai pu y trouver de quoi donner libre-cours à mes idées d’écriture y compris
les plus fantaisistes ou les plus provocatrices (à ce sujet, près de dix ans
plus tard, des lecteurs se souviennent encore de mes chroniques à propos du
consulat d’Algérie en France et, l’actualité étant ce qu’elle est – en clair,
rien n’a changé ou presque – je me dis qu’il serait peut-être temps de remettre
le couvert…). Merci donc au Quotidien
d’Oran, à sa direction, à ses équipes.
Comme nombre de zmigris
- je suis tenté d’utiliser le terme d’« éloignés » - je lis Le Quotidien sur internet en commençant,
c’est un rituel, par l’éditorial de M. Saadoune ou de K. Selim. A ce sujet, je
ne cesserai jamais de répéter que peu de journaux, y compris en France ou
ailleurs dans l’espace francophone, peuvent s’enorgueillir d’avoir des écrits
quotidiens d’une telle qualité et d’une telle pertinence au point que le
lecteur que je suis (c’est bien connu, les journalistes sont payés pour lire ce
que les autres ont écrit…) se rend souvent compte que Le Quotidien d’Oran inspire beaucoup de publications sans pour
autant être toujours cité comme source principale…
Bien sûr, je n’oublie pas non plus les chroniques de
Kamel Daoud qui ne me laissent jamais indifférent, les papiers incisifs d’Abed
Charef (que j’imagine tapant comme un sourd sur son clavier comme au temps de La Nation…) ainsi que les multiples
contributions, parfois inattendues et originales, de l’Actualité vue autrement. C’est une offre riche, toujours pleine d’enseignements
et ouverte sur la marche de l’Algérie et du monde. Dans Le Quotidien d’Oran, on trouve de l’info, y compris régionale ce
qui est fondamental en ces temps où le terme « glocalisation »,
contraction entre globalisation et local est omniprésent dans les études de
prospective.
En somme, je parle donc d’un journal qui répond à de
nombreuses attentes de ses lecteurs mais il est peut-être temps pour lui d’aller
plus loin. Le temps de se renouveler afin d’entrer de plain-pied dans ce qu’est
déjà une nouvelle ère. C’est presque une certitude, pour la presse écrite, le
XXIème siècle sera celui du support électronique : téléphone mobile,
tablette, liseuse, feuille électronique (des projets de papier
« intelligent » sont en cours), etc… Le lecteur de demain (et déjà
d’aujourd’hui) veut de l’interactif, du 2.0, de la couleur, de la vidéo
(beaucoup de vidéo !) et du data, comprendre de l’infographie dynamique.
Certes, l’Algérien entretient encore un rapport quasi-charnel avec le papier.
Mais qu’en sera-t-il dans vingt ans, quand les gamins aujourd’hui accrochés à
leurs ipads seront en âge de « consommer » de l’information ?
Actuellement de nombreuses activités économiques
connaissent d’importants bouleversements et les métiers de la presse n’y
échappent pas. A ce jour, personne n’a encore trouvé le graal du modèle le plus
rentable, celui qui pourrait concilier la nécessité de produire de
l’information de qualité sans dépendre d’un actionnaire charitable appelé à
boucler les fins de mois, situation dans laquelle se trouvent de nombreux
quotidiens à travers le monde. Cela oblige donc à des expérimentations qui ne
sont pas toujours heureuses. La presse écrite se cherche et, avec elle, ce sont
les journalistes qui sont déboussolés. Mais dans cette affaire, le mouvement
est toujours préférable à l’immobilité. Des solutions vont émerger car c’est le
propre de l’activité humaine que de toujours résoudre les problèmes qui se
posent à elle.
En clair, il faut souhaiter au Quotidien d’Oran d’entamer sa mue vers de nouveaux supports. Bien
sûr, le papier ne va pas disparaître mais la présence sur le net, via un site
web relooké et des applications pour les appareils mobiles est d’ores et déjà
nécessaire. Peut-être faudra-t-il apprendre à écrire autrement. Peut-être que
le temps du « deux feuillets de 1500 signes » est terminé et qu’il
faut envisager des formations au multimédia. Qui sait, le journaliste de demain
sera une sorte de compositeur maîtrisant les outils numériques comme il a
appris à maîtriser le traitement de texte après avoir abandonné sa machine à
écrire. C’est une mue qui me semble incontournable. Cela va changer nos
journaux y compris Le Quotidien
d’Oran. Cela, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs et de ses
journalistes et autres contributeurs. En attendant, je souhaite un sincère et
amical « joyeux anniversaire » à ce journal. Bravo encore et très
bonne continuation.
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