Le
Quotidien d’Oran, jeudi 2 avril 2015
Akram
Belkaïd, Paris
La
semaine dernière, commentant le résultat du premier tour des élections
départementales françaises, je m’interrogeais sur la possible présence de
Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017. Sept jours plus
tard, et même si le Front national n’a remporté aucun département (son score
global avoisine tout de même les 24% des suffrages), nombreux sont ceux pour
qui la question ne se pose même plus. Pour eux, il n’y a aucun doute à avoir, la
fille de Jean-Marie y sera. Mieux (ou, plutôt, pire…), il y a même de fortes
chances pour qu’elle occupe la première place au soir du dimanche du premier
tour.
Cette
perspective, autrement dit la réédition de ce qui s’est passé le 21 avril 2002
(la fille remplaçant le père), va donc façonner la politique intérieure
française au cours des deux prochaines années. C’est par rapport à cette
hypothèse majeure que les prétendants au poste de président vont se
positionner. Pour eux, l’objectif sera clair et simple : se retrouver au
second tour face à la Marine signifiera une victoire quasi-certaine grâce aux
reports de voix. Comme en 2002, mais certainement de manière moins massive
(Jacques Chirac avait totalisé 80% des suffrages contre Jean-Marie Le Pen), de
nombreux électeurs devraient avoir un réflexe républicain pour faire barrage à
l’extrême-droite.
Pour
Nicolas Sarkozy, plus que jamais décidé à revenir à l’Elysée, l’objectif sera
de sonner le rappel des troupes. Il lui faudra non seulement remporter la
primaire contre ses petites camarades (dont Alain Juppé) mais il devra aussi
convaincre les centristes de ne pas présenter de candidat afin de lui éviter de
perdre des voix précieuses au moment du décompte du premier tour. Dans le même
temps, il est plus que probable que l’ancien président fasse une campagne de droite
dure afin de chasser sur les terres du Front national. Même si Patrick Buisson,
l’éminence grise de son quinquennat, n’est plus de la partie, Nicolas Sarkozy a
déjà annoncé la couleur (brune) en se disant notamment favorable à la
suppression des repas sans porc dans les cantines.
« Plus
je cogne sur la banlieue, plus je monte dans les sondages » avait-il
expliqué à quelques journalistes réunis par lui à moins d’un an de la
présidentielle de 2007. Cette fois-ci, c’est sur l’islam et les musulmans de
France que le mari de Carla Bruni va concentrer son tir. La tactique est aisée
et favorisée par l’air du temps mais rien ne dit qu’elle sera aussi bénéfique
qu’à l’époque de fameux et fumeux débat sur l’identité nationale. La dynamique
du Front national est telle que ses électeurs seront moins passibles de
succomber aux chants des sirènes sarkozyennes, préférant l’original à sa copie.
De même, il sera un peu compliqué pour le champion de la droite de rassembler à
la fois le centre et l’extrême-droite. Difficile mais pas impossible…
A
gauche, la problématique du rassemblement sera tout autant fondamentale sinon
plus. On se souvient qu’en 2002, c’est, entre autre, la multiplication des
candidatures qui a éliminé Lionel Jospin du premier tour. Cette fois-ci,
François Hollande – à supposer qu’il soit candidat à sa réélection – va devoir
convaincre plusieurs personnalités de ne pas y aller. Si on voit mal Christiane
Taubira, ministre actuelle de la Justice, retenter le coup comme en 2002,
d’autres vont âprement négocier leur non-candidature. On pense notamment aux
écologistes mais aussi à ce que l’on appelle aujourd’hui la gauche de la
gauche.
Et
là, se pose la question de ce que Hollande - ou peut-être Valls si
l’impopularité du premier reste aussi forte – va promettre à son camp. Pour
certains de ses conseillers, il suffira juste d’agiter le chiffon rouge d’un
nouveau 22 avril pour que le thème du rassemblement s’impose. En clair, les
mauvaises volontés, les renâcleurs, les frondeurs, les contestataires se feront
une raison au nom de la victoire… Libre à eux, ensuite, mais seulement ensuite,
de montrer leur colère et de bouder dans leur coin. Pour ces conseillers au
cynisme emblématique de l’air du temps, ce scénario s’est déjà réalisé par le
passé, il n’y a donc pas de raison pour qu’il se reproduise.
Reste
à savoir ce que les écologistes et la gauche de la gauche pensent de tout cela
après trois années de hollandisme socio-libéral. Vont-ils encore faire semblant
d’y croire ? Vont-ils encore jouer la ritournelle du « mieux vaut
être dedans qu’à l’extérieur ? ». A quel discours dilatoire vont-ils
faire semblant de se rallier ? Il sera tout de même difficile à François
Hollande d’expliquer aux militants progressistes qu’il a mis la finance au pas…
A moins de compter sur la mémoire courte des électeurs. Cela s’est déjà vu. Ou
alors, il suffirait que Sarkozy en fasse trop – c’est-à-dire qu’il soit
lui-même – pour que les uns et les autres se résignent à manger de nouvelles
couleuvres.
Mais
il y a une autre hypothèse qui mérite d’être sérieusement prise au sérieux. En
l’état actuel des choses, et sachant que le gouvernement Valls ne cesse de
claironner qu’il ne changera pas de politique (cela grâce à ses résultats
flamboyants…), de nombreux sympathisants de gauche sont bien décidés à
provoquer une rupture avec le Parti dit socialiste. En sortira-t-il un vrai
pôle de gauche, le PS étant appelé de toutes les façons à changer de nom et à
rejoindre son habitat naturel qu’est le centre ? La chose est possible.
Cela constituerait certes une grosse rupture susceptible d’offrir le pouvoir à
la droite pour de longues années (du fait du rétrécissement du camp de la
gauche). Mais ce serait peut-être le socle de départ pour une vraie reconquête et
une vraie rupture avec ces victoires électorales suivies immédiatement par des renoncements.
A suivre donc…
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