Le Quotidien d’Oran, jeudi 11 août 2016
Akram Belkaïd, Paris
Les Etats Unis d’Amérique
seront-ils bientôt présidés par un sociopathe narcissique ? Un homme dangereux
qui passe son temps à insulter ses contradicteurs, qui ne s’excuse jamais, qui invente
les plus gros bobards possibles sans reconnaître qu’il a menti et qui prétend
incarner le renouveau d’un pays à la croisée des chemins. Suivre une semaine de
campagne électorale chez l’oncle Sam, c’est manger du T-rump matin, midi et
soir. C’est aussi se rendre compte que face à l’outrance, le bon sens et la
raison n’ont pas toujours la partie facile.
De fait, Donald Trump peut
raconter n’importe quoi sans en subir les conséquences. Ainsi, a-t-il affirmé
que les musulmans habitant le New Jersey ont fait la fête après l’effondrement
des tours jumelles en septembre 2001. Il a aussi juré que la télévision a
montré les images d’un avion transportant une rançon payée par Washington pour
libérer des prisonniers américains détenus en Iran.
Ni les multiples indignations ni
le travail de fourmi des journalistes ni les démentis des autorités n’ont eu
d’effet. Trump balance ce qu’il a envie de déverser comme idioties et ne prête
aucune attention aux scandales qu’il provoque. Bien au contraire. Les réactions
outragées lui donnent l’occasion d’aviver de nouvelles polémiques ce qui ravit ses
supporters. C’est d’ailleurs un vrai problème qui incite à la réflexion. Quelles
que soient les démonstrations destinées à prouver que les propos du magnat
immobilier ne sont que du délire – on pense notamment au « fact checking »
des journalistes (vérifications des faits), son camp continue à le croire et à
estimer que tous ceux qui s’opposent à lui mentent.
Certes, de nombreuses
personnalités du parti républicain ont pris leurs distances avec l’encombrant impétrant.
Une pétition circule pour qu’il se soumette à une expertise psychiatrique et
l’on voit apparaître ici et là des candidatures indépendantes susceptible
d’affaiblir son score en novembre prochain. Mais la base électorale de Trump ne
rétrécit pas (on pourra se consoler en relevant qu’elle ne s’élargit pas non
plus). De même, ses récoltes de fond restent importantes (80 millions de
dollars en juillet dernier contre 90 millions pour sa rivale démocrate Hillary
Clinton). En un mot, malgré les doutes au sein du parti républicain, Trump
reste dans le jeu même si les sondages le donnent (pour le moment) perdant.
Revenons maintenant sur deux
sorties récentes du candidat républicain. La première concerne ses propos à la
suite de sa mise en cause, durant la convention démocrate à Philadelphie, par
le couple Khan. Il s’agit d’Américains d’origine pakistanaise dont le fils, un
militaire, est mort en 2004 en Irak. M. Khan, un avocat, a accusé Trump de
n’avoir jamais lu la Constitution des Etats Unis (et donc d’ignorer qu’il ne
peut pas mettre les musulmans à l’index) et de ne pas savoir ce que signifie le
fait de faire un sacrifice.
La réponse de Trump s’est faite
en deux temps. Il s’est d’abord découvert des convictions féministes (on y reviendra)
en affirmant que si l’épouse de M. Khan est restée muette lors du discours de
son mari pendant la convention c’est, islam oblige, parce qu’elle n’avait pas
le droit de parler. La concernée a expliqué par la suite que c’est la douleur
qui l’a rendue muette et qu’évoquer son fils en public lui était impossible.
Cette mise au point n’a guère eu d’effets sur Trump qui a ensuite estimé que le
père du soldat défunt l’avait injustement attaqué alors que lui aussi aurait
fait des sacrifices. Lesquels ? « J’ai créé des emplois dans mes
entreprises » a précisé l’homme à la houppe.
Voilà une bien étrange conception
de ce qu’est un sacrifice. Pour Trump, créer un emploi équivaut donc à un don
de soi. On retrouve la mentalité de celui qui a mis sur le carreau de milliers
de sous-traitants et d’employés après l’échec de ses projets immobiliers dont
un casino géant à Atlantic City. On attend avec impatience que cet olibrius
fasse l’éloge de l’esclavage puisque le fait de payer des salariés lui semble
si douloureux…
La deuxième sortie de l’homme à
la « tupé » (postiche en espagnol) concerne le thème du harcèlement
sexuel auquel sont confrontées de nombreuses américaines sur leur lieu de
travail. Pour Trump, une femme dans ce genre de situation doit démissionner ou
changer de métier. Pas question qu’elle demande justice ou qu’elle fasse valoir
ses droits. Envolées donc les convictions féministes quand il s’agissait de
s’attaquer à une musulmane (contradiction qui n’est pas propre au candidat
républicain…). La réalité, est qu’avant d’être islamophobe, xénophobe ou mexicanophobe,
Trump, qui a fait l’objet de plusieurs plaintes pour viol, est avant tout un
misogyne. Un homme qui méprise les femmes et qui ne craint pas de le montrer au
nom de la lutte contre « le politiquement correct ». En cela, et
comme le montre un article de la journaliste Mona Chollet, il séduit une partie
de l’Amérique persuadée que c’est le féminisme qui est à l’origine de sa perte
de puissance (virile) (1).
Cela oblige à réfléchir sur ce que
pensent réellement les gens et non pas sur ce qu’ils affichent. Il y a quelques
années, tout autre que Trump aurait chèrement payé ces propos sulfureux.
Aujourd’hui, ce sinistre clown ravit une flopée de misogynes et de racistes qui
l’attendaient pour ne plus se sentir obligés de faire attention à leurs propos
en public. Cela fait écho à ce qui se passe en Europe, et plus particulièrement
en France. Cela montre que les idées de tolérance, de respect de l’autre et du
vivre ensemble sont bien plus fragiles qu’on ne le pense.
(1) « Moumoutes, flingues et talonnettes », Le Monde
diplomatique, août 2016.
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