Le
Quotidien d’Oran, jeudi 25 août 2016
Akram
Belkaïd, Paris
Les
Jeux olympiques sont terminés et, faut-il s’en étonner, l’Algérie pointe au
soixante-deuxième rang avec deux médailles d’argent (c’est aussi bien que
l’Irlande fanfaronnent les wanetoutristes…).
Cette moisson est à peine meilleure que celle de 1984, année où les JO de Los
Angeles avaient permis à la boxe algérienne de remporter deux médailles de
bronze grâce à Moussa et à Zaoui. Près de trente ans plus tard, et un cumul de
17 médailles (dont cinq en or), on pourrait parler de stagnation du sport
algérien mais c’est plutôt de régression qu’il s’agit. En effet, les années
1980 ont vu aboutir les fruits des efforts politiques et organisationnels
consentis durant la décennie précédente notamment en matière de détection des
jeunes talents. Même si elle masquait à peine la désorganisation rampante du
sport algérien, l’émergence de championnes, et médaillées d’or, comme Hassiba Boulmerka
(1992) et Nouria Benida Merrah (2000) sans oublier le grand (ténésien)
Noureddine Morcelli (champion olympique en 1996) est l’aboutissement d’une
vraie vision en matière de politique sportive.
La
déroute de Rio, on pourrait même dire la « tbahdilla » (la perte de face), nous dit ce qu’est l’Algérie
d’aujourd’hui. Après cinquante ans d’indépendance, l’incapacité de ses
dirigeants à doter ce pays de structures sportives pérennes est patente. On se
gargarise des milliers de kilomètres d’autoroute réalisés au cours de ces dix
dernières années mais combien de piscines ont-elles été construites depuis
1962 ? Combien de salles de sport ? Combien de club d’athlétisme
ont-ils vu le jour ? Le lieu commun concernant notre pays est de dire et
de répéter que sa population est jeune. Certes, mais ce qu’il y a de dramatique
dans l’affaire c’est qu’elle est privée de la possibilité de faire du sport.
Cela ne date pas d’hier mais les choses se sont aggravées. Un gamin doué pour
l’athlétisme ou pour le judo ne pourra compter que sur lui-même et quelques
bénévoles. L’Etat et ses représentants accros aux frais de mission comme nous
venons de le constater durant les JO de Rio, demeurent quant à eux aux abonnés
absents.
Et
l’on sent pointer la même dérive que pour le football. On connaît le
raisonnement. A quoi bon former des athlètes locaux puisqu’il est possible
d’aller les chercher ailleurs… Bien sûr, on ne va pas faire comme les pays du
Golfe qui « achètent » des athlètes étrangers à l’image de cette
équipe de hand-ball du Qatar qui n’est rien d’autre qu’un ramassis de mercenaires
que le Comité olympique international, gazodollars ou pas, devrait interdire de
compétition. Non, comme pour le ballon rond, on compte de plus en plus sur les
talents d’origine algérienne qui vivent en Europe et principalement en France.
Le syndrome de l’import-import touche
donc aussi le sport. A quoi bon des réformes, à quoi bon des politiques
ambitieuses pour donner des perspectives à la jeunesse puisqu’il est
possible de faire appel à des sportifs formés ailleurs ? On devine les
arguments : c’est plus simple, ça ne demande pas beaucoup d’organisation
et ça peut même rapporter des sous si l’on s’entend bien avec les agents des
concernés... Ainsi, le terme prospection prend une signification différente.
Avant, il s’agissait de détecter des talents aux quatre coins de l’Algérie en
organisant des compétitions ouvertes à tous (c’est-à-dire sans piston).
Aujourd’hui, cela signifie piocher dans les effectifs des fédérations
françaises et convaincre de jeunes binationaux de ne pas revêtir le maillot
bleu et de lui préférer le vert.
Parions
que cette prospection d’import-import va cibler un certain nombre de sports où
les binationaux sont très nombreux. L’un d’entre eux est la boxe. Les médailles
d’or obtenue par les compétiteurs français à Rio confirment une tendance dont
on parle peu dans les médias hexagonaux : la boxe attire de plus en plus
de jeunes, filles comprises. Dans le contexte politique et social que l’on
sait, enfiler les gants pour affronter un sac ou un sparring-partner offre des
bienfaits évidents (et forme aussi les concernées à l’auto-défense). De son
côté, la boxe algérienne a toujours été talentueuse (c’est elle qui,
rappelons-le, a obtenu les premières médailles olympiques en 1984). Pour qui
suit ce sport, et le présent chroniqueur en fait partie, il fut un temps où nos
boxeurs relevaient le gant face aux meilleurs d’entre tous – et les plus
élégants aussi – autrement dit les Cubains. Mais ce sport n’a jamais bénéficié
de la même considération que le football ou d’autres sports de balle. Les
salles – un investissement pourtant modeste – restent peu nombreuses et les
techniciens ont du mal à obtenir le soutien financier nécessaire pour se former
à l’étranger. On peut avoir une pensée pour le défunt Hocine Soltani (médaille
d’or en 1996) mais cela fait longtemps que la jeunesse algérienne, avec son
énergie, sa fougue et sa colère, aurait dû donner à la boxe l’équivalent d’un
Teófilo Stevenson (peut-être le plus grand boxeur de toute l’histoire. Médaillé d’or en 1972, 1976 et 1980, il a toujours refusé de passer pro au grand dam de ceux qui rêvaient de le voir affronter le grand Ali) ou d’un Felix Savon (médaille d’or en 1992, 1996 et
2000).
Comme
pour l’athlétisme (notamment en demi-fond) ou le judo, le terreau existe pour
que la boxe algérienne soit à la hauteur de son potentiel. Il faut juste une
politique ambitieuse, des efforts constants et un refus de cette facilité qui
consiste à aller faire son marché ailleurs.
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