Le Quotidien d’Oran, mercredi 30 novembre 2017
Akram Belkaïd, Paris
Petit retour en arrière. En 2006, la
production américaine de pétrole, atteint difficilement les 7 millions de
barils par jour (mbj). Pour de nombreux experts, c’est la preuve du déclin
définitif de l’industrie de l’or noir aux Etats-Unis et la confirmation de la
thèse du pic du géophysicien Marion King Hubbert. Ce dernier établit dans les
années 1960 le fait que la production de brut était irrémédiablement condamnée
à baisser après avoir atteint son pic dans les années 1970. Mais c’était
compter sans la révolution du pétrole de schiste.
Futur
exportateur net
Avec les nouvelles technologies d’extraction –
au demeurant très controversées en raison de leur impact négatif sur
l’environnement – de nouveaux sites sont apparus et les Etats-Unis ont repris
le chemin de la croissance pétrolière. L’été dernier, une étude de la compagnie
BP relevait qu’ils occupaient désormais la place de premier producteur mondial
avec 12 mbj devant l’Arabie saoudite 11 mbj. Il y a quelques jours, c’est l’Agence
internationale de l’énergie (AIE) qui a annoncé que les Etats-Unis sont le pays
qui va le plus contribuer à la croissance de la production mondiale. En 2025,
80% de cette augmentation des pompages viendra donc des champs américains. Du
jamais vu depuis les années 1960 et 1970 où une telle contribution était le
fait de l’Arabie saoudite.
Pour l’AIE, les Etats-Unis sont donc le
« leader mondial incontesté du pétrole ». On est loin du scénario
décliniste en vogue jusqu’à la fin des années 2000. Plus important encore,
l’AIE prévoit que ce pays sera un exportateur net d’or noir d’ici 2030 et cela
notamment en raison d’une baisse de sa demande intérieure (compensée par des
énergies alternatives, entre autres). Les conséquences d’une telle évolution
risquent d’être énormes. Autonome en matière de pétrole, l’Amérique aura-t-elle
alors le même intérêt géostratégique pour les pays du Golfe ?
Résistance
du pétrole de schiste
S’il est difficile pour le moment de répondre
à une telle question (la péninsule arabique détient tout de même les deux tiers
des réserves mondiales d’or noir conventionnel), on peut d’ores et déjà tirer
une première conclusion quant à la capacité de l’industrie américaine du
pétrole (et gaz) de schiste à résister aux fluctuations du marché. Alors qu’on
pensait qu’elle allait s’effondrer en raison de la baisse des prix du baril,
elle a pu rebondir. Baisse continue des coûts, flexibilité de la production
selon l’évolution des cours : le pétrole de schiste s’est avéré capable de
faire face aux aléas du marché.
Autrement dit, l’Arabie saoudite a échoué à
mettre à genou l’industrie américaine du pétrole de schiste. En ouvrant grand
les vannes il y a deux ans, le royaume entendait préserver coûte que coûte ses
parts de marché quitte à provoquer une baisse durable des cours. Ces derniers
se sont certes repliés mais les producteurs de « shale oil » n’ont
pas disparu pour autant. Riyad va donc devoir se résoudre à composer avec ce
concurrent qui va d’ailleurs bénéficier du fait que l’Arabie saoudite œuvre
désormais à favoriser un prix plus élevé du baril pour financer ses réformes et
sa guerre au Yémen.
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