Le Quotidien d’Oran, jeudi 13 décembre 2017
Akram Belkaïd, Paris
Le thème resurgit de manière régulière pour constater le
caractère inerte d’une situation qui n’a guère évolué depuis le milieu des
années 1990. Dernièrement, c’est le Forum tunisien pour les droits économiques
et sociaux (FTDES) qui en a fait le constat : le coût du
« non-Maghreb » équivaut à plusieurs points de croissance du Produit
intérieur brut (PIB) régional (1). Autrement dit, le manque d’intégration
économique pénalise les trois pays du Maghreb central.
Un coût sociétal
Sur le plan commercial, on sait définir ce qu’est le
non-Maghreb. D’abord, il y a des taux de douane encore élevés qui ne facilitent
pas les échanges intra-maghrébins. Ces derniers représentent 3% du commerce de
chaque pays. Selon le FTDES, si d’aventure les pays du Maghreb s’entendent sur
une convergence commerciale, alors 12% de leurs flux commerciaux se feront
entre eux. Il y a ensuite, la question de la frontière terrestre entre
l’Algérie et le Maroc. Voilà vingt-trois ans qu’elle est fermée. Le Royaume en
réclame régulièrement l’ouverture, parfois de manière véhémente ou maladroite.
Son voisin réplique en rappelant que ce fut une mesure décidée en réponse de
l’instauration unilatérale de visas pour les Algériens. Bref, le dossier tourne
en rond.
L’erreur est d’appréhender le coût du non-Maghreb sous le
seul angle commercial. Il ne fait pas de doute qu’une meilleure entente entre
Rabat et Alger changerait bien des choses sur le plan économique. Mais, à dire
vrai, le vrai coût est certainement ailleurs. Il est dans la séparation de plus
en plus hermétique entre les sociétés algérienne et marocaine. Il est aussi
dans la pénalisation des populations frontalières, habituées à vivre et à
échanger ensemble, quelle que soit la nationalité. Des traditions se perdent,
des relais et des solidarités aussi, les flux de personnes sont empêchés.
Autant de convergences possibles que la survivance du phénomène contrebandier
ne saurait remplacer.
Le plus souvent, c’est l’Algérie qui est mise en accusation
pour le « non-Maghreb ». Or, dans cette affaire, aucune des parties ne
peut échapper aux critiques. La bonne idée qui avait présidé à la création de
l’Union du Maghreb Arabe (UMA) était de ne pas faire de la question du Sahara
un élément incontournable du règlement du contentieux algéro-marocain. A
l’époque, on croyait encore, ou l’on feignait de le faire, à une solution
rapide avec la tenue d’un referendum d’auto-détermination. On sait aujourd’hui
que les chances que ce dernier se tienne sont infimes car le Maroc n’en veut
pas. Dans un contexte où les relations entre Alger et Rabat sont exécrables, Tunis
en vient logiquement à se tenir à distance parfois trop prudente de ce dossier.
Intérêt général
Dans cette affaire, les patronats tentent bien de se faire
entendre mais chacun possède son propre agenda. On pourrait résumer la position
des uns et des autres par la phrase suivante : « d’accord pour
l’ouverture commerciale, mais que nos voisins commencent les premiers. » Cet
attentisme ne peut être dépassé que s’il y a déblocage politique. Cela signifie
que l’idée que l’économie peut contourner les divisions liées au Sahara (et à
la frontière) n’est pas pertinente. Dans les années 1980, c’est une initiative diplomatique
saoudienne qui a exhorté Algériens et Marocains à renouer. Depuis, et malgré la
dégradation des relations régionales, aucune démarche d’envergure n’a été
entamée, y compris de la part de partenaires européens. A croire que le
non-Maghreb convient finalement à tout le monde.
(1) « Résumé analytique de l’étude sur le cout du non
Maghreb et projet de mémorandum », Etude coordonnée par l’économiste Azzam
Mahjoub, https://ftdes.net/
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