Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

mardi 25 septembre 2018

Histoire de prénom, rien de nouveau sous le soleil

A propos des prénoms. Cette chronique qui date de près de dix ans et qui montre qu'il n'y a rien de nouveau dans la polémique actuelle... Autre extrait, une chronique d'avril 2011 sur le même thème.


La chronique du blédard : Une histoire de prénoms (extrait)
Le Quotidien d'Oran, jeudi 29 janvier 2009


" C'est la tendance générale des Maghrébins de France à donner des prénoms arabes à leurs enfants qui fait débat. Elle est ainsi souvent analysée comme étant l'expression d'une volonté destinée à refuser l'assimilation pour ne pas dire l'intégration. Là où d'autres communautés sont moins strictes, ou plus pragmatiques (c'est le cas par exemple de nombreuses familles chinoises qui font souvent le choix de deux prénoms, l'un français, l'autre chinois), les Maghrébins rechignent à appeler leurs enfants François, Charles, Amélie ou Laura. 
Interrogées, les familles concernées insistent sur le respect de leur identité voire de leur religion. Si, dans le premier cas, il n'y a pas grand-chose à redire, la seconde excuse est moins pertinente puisque rien dans l'Islam n'oblige à donner à sa progéniture des prénoms arabes. Mais c'est ainsi. Il faut aussi préciser que la pression des familles, le jugement des proches, sont parfois implacables et par volonté de tranquillité, de nombreux pères et mères préfèrent le choix d'un prénom arabe, gage qu'ils n'ont pas oublié d'où ils viennent. 
Il y a bien entendu quelques ficelles pour composer avec cette pression sociale et culturelle. Conscients que l'avenir de leur enfant dans la société française peut parfois dépendre du choix de son prénom (« Allo, je m'appelle Mohand et vous contacte pour l'offre d'emploi... Ah, c'est déjà pris »...), certaines familles cherchent à trouver un compromis. En clair, un prénom de « chez nous » qui sonnera comme ceux d'ici, ce qui contentera les gens du bled sans effaroucher les Gaulois. Je ne vais pas énumérer tous ces prénoms « mixtes », cette chronique me valant déjà beaucoup d'inimitiés, mais je ne résiste pas à l'envie de vous citer l'exemple de cet Algérien d'origine qui a appelé son fils Erwan et qui m'a juré ses grands dieux qu'il s'agissait d'un prénom tout autant berbère que breton (qu'en pensent les spécialistes ?). 
Mais il y a un autre phénomène, bien plus préoccupant à mon sens, dont il faut aussi parler. Dans de nombreuses familles d'origine maghrébine, le choix a été fait de donner des prénoms français. Il s'agissait souvent d'éviter à la descendance ainsi prénommée de faire face dans le futur, à d'inévitables discriminations à l'embauche et au logement. Une volonté de ne pas faire tache d'huile et qu'importe les moqueries des parents et des proches («Quoi, t'as appelé ton fils Hervé ? Et pourquoi pas Gaston ? Bouh 'alik !»). 
Mais là aussi, les choses sont loin d'être simples. Comme l'ont relevé de récents articles de la presse française, on assiste actuellement à un retournement de tendance pour le moins étonnant (1). De nombreux Français d'origine maghrébine se tournent ainsi vers la justice pour prendre (ou reprendre) un prénom arabe. C'est notamment le cas des naturalisés qui ont opté pour un prénom français lors de leurs démarches mais aussi de ceux qui l'ont reçu à la naissance. Certains insistent sur l'intolérance de leur entourage, notamment dans les quartiers populaires où un français d'origine maghrébine ne semble pas avoir d'autre choix que d'avoir un prénom arabe. Mais tous ou presque ne font que constater ce qu'ils appellent « l'effet retard » par rapport aux discriminations, le prénom choisi ne pouvant rien au final contre le délit de faciès. 
(1) « Quand Olivier préfère s'appeler Saïd », Le Parisien, 4 novembre 2008. « Quand Jean-Pierre veut s'appeler Mohammed », Courrier International (article du Times), 4 décembre 2008.

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La chronique du blédard : Quand Johnny devient Karim
Akram Belkaïd, Paris
Le Quotidien d'Oran, jeudi 14 avril 2011


Sa mère était fan de Johnny Halliday et, lorsqu’il est né, c’est le plus logiquement du monde qu’elle l’a appelé Johnny. Quelle légèreté, quelle inconscience ! Il est des prénoms plus durs à porter que d’autre et celui-ci en fait partie. Résultat, l’homme, une fois adulte, s’est tourné vers la justice française pour en changer. « C’est un prénom ridicule », a expliqué cet habitant de Pau. Et de raconter son calvaire : « J’en ai marre des moqueries, des ‘Ah que coucou !’ quand j’arrive quelque part. J’en ai assez des sourires en coin au guichet d’une banque. J’en peux plus » (...) Après avoir été débouté une première fois, ce dernier vient donc d’obtenir en appel de se faire appeler Karim, un prénom qu’il tient de son père. Karim au lieu de Johnny… Voilà qui va rendre fou de rage Jean-François Copé et tous ceux qui reprochent aux Français d’origine maghrébine de continuer à donner des prénoms arabes à leurs enfants. C’est un sujet que j’ai déjà traité il y a quelques années (1). (...) Donner un prénom français peut aider, en théorie, à s’intégrer, mais cela n’empêchera en rien les discriminations futures. Comme me l’a dit un jour un jeune franco-marocain de Gennevilliers : « un prénom, ça ne change pas le faciès ».
Autre témoignage d’un fidèle lecteur de cette chronique : « Quand j'ai appelé ma fille Salima (2), l'employée de mairie m'a inventé une loi selon laquelle un prénom étranger était autorisé aux Français seulement si il correspondait à l'un des prénoms des grands-parents ! Tout ça en me tendant une liste de prénoms français. Ça a failli mal se terminer car j'ai refusé de quitter les lieux avant d'obtenir gain de cause. Pour reculer, tout en sauvant la face, l’employée a fait semblant d'appeler le Parquet pour savoir si Salima était un prénom « valable ». Pourquoi le Parquet ? Je n'en sais rien du tout, ce que je sais c'est que je lui ai répondu sans honte par une blague de bas étage qu'elle pouvait appeler la moquette si elle voulait et que je ne bougerai pas de son bureau. »
C’est une évidence : entre Akram Belkaïd et Mathieu Belkaïd, c’est le nom Belkaïd que le recruteur, le policier ou tout autre fonctionnaire retiendra d’abord. Les Maghrébins, eux, seront intrigués par le prénom Mathieu et chercheront à comprendre ce qu’il trahit comme histoire personnelle. Fils de harki ? Candidat zélé à la naturalisation ? Mariage mixte où la « partie » française a pris le dessus sur l’autre… ? Le pauvre Mathieu devra s’expliquer toute sa vie ce qui l’incitera, peut-être, à changer de nom (en le francisant) ou de prénom (en l’arabo-berbérisant).

(1) Une histoire de prénoms, Le Quotidien d'Oran, jeudi 29 janvier 2009.
(2) Le prénom a été changé.
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1 commentaire:

MyriamK a dit…

J'ai une amie qui voulait appeler son fils Rachid et à qui la mairie a refuér avec l'argument "vous n'etes pas dans un couple mixte madame .
Sans parler des prénoms interdits un moment donné par le consulat algérien comme Kahina (parce que faisant référence au le printemps berbère ) alors ma fille s'appelle Ibtissemn Kahina par anticipation de possibles tracas au passage de la frontière ...