Le Quotidien d’Oran, jeudi 18 juillet 2019
Akram Belkaïd, Paris
Donald Trump, président des États-Unis d’Amérique est un
raciste, un xénophobe et un misogyne. Qui peut désormais en douter après la
série de tweets adressés, sans les nommer, à quatre parlementaires démocrates
appelées à « retourner » d’où elles viennent. Parmi les mises en
cause par ce président aux aïeux allemands, il y a Alexandria Ocasio-Cortez,
dite « AOC », née à New York mais originaire de Porto Rico qui est un
territoire sous tutelle américaine. Ilhan Omar est, quant à elle, arrivée aux
États-Unis en tant que réfugiée de Somalie lorsqu’elle était mineure. Enfin,
Rashida Tlaib est la première Américaine d’origine palestinienne à siéger au
Congrès. Les intéressées ont répondu par tweets interposés en renvoyant le
locataire de la Maison-Blanche dans les cordes mais cela ne changera rien à sa
position et il serait illusoire d’attendre de sa part un mea culpa. Joe Biden
qui fut le vice-président de Barack Obama et qui est candidat à l’investiture
démocrate pour l’élection présidentielle de 2020 a raison de dire que jamais
président américain n’aura été aussi « ouvertement raciste » que
Trump. On appréciera à sa juste valeur le terme « ouvertement »…
L’affaire a certes provoqué un tollé. La grande majorité des
élus démocrates ont vigoureusement critiqué les propos de Trump et la Chambre
des représentants, l’étage inférieur du Congrès sous domination démocrate, a
condamné ce nouveau dérapage. Côté républicain, seules quelques voix se sont
faites entendre en reprenant les accusations de racisme ou en demandant au
président de retirer ses propos. C’est l’indication que la vie politique
américaine est de plus en plus polarisée et c’est ce que cherche le principal
intéressé. Car Donald Trump n’en est pas à son premier outrage. Il y a plus
d’un an, n’avait-il pas qualifié les pays africains de « pays de
merde » ? A l’époque, déjà, l’indignation avait parcouru le monde,
des journaux influents avaient consacré maints éditoriaux rageurs sur ce sujet,
des chancelleries ont protesté mais cela n’a rien changé. Le raciste persiste
et signe. Mieux, il semble prendre un malin plaisir à récidiver et à
surenchérir en sachant très bien quelles réactions il va provoquer.
La réalité, c’est que les États-Unis sont désormais entrés
en campagne pour l’élection présidentielle de novembre 2020. Dans quelques
mois, auront lieu les premières primaires, dont celle symbolique de l’Iowa.
Donald Trump sera le candidat des républicains et toute la question est de
savoir qui sera son adversaire démocrate. En pratiquant l’outrance et en
répétant à l’envi ses provocations ordurières, le président vise deux
objectifs. Le premier est de resserrer les rangs de sa base électorale.
Scandale après scandale, cette dernière ne perd pas en importance. Certes, les
républicains ont perdu les élections de mi-mandat mais les sondages montrent
que Trump peut compter sur un électorat solide.
Un électorat, il faut le dire, qui partage en grande partie
ses idées. Il n’y a pas que les questions sociales qui fondent la popularité de
Trump. Son opposition au libre-échange, ses diatribes contre les
délocalisations, ses sorties contre la fuite des emplois, tout cela a bien sûr
son effet. Mais il ne faut pas s’aveugler. Les insultes et les mises en causes
dirigées contre l’islam, l’immigration, les minorités ethniques et les femmes
sont une réalité de même que son indulgence à l’égard de l’antisémitisme. Ces
thèmes incendiaires sont autant de points de rassemblement et de convergence
avec son électorat. Au passage, concernant l’antisémitisme, on notera la
position à géométrie variable du président américain : indulgence à
l’égard de celui, réel, qui prospère dans son camp et mise en cause
intransigeante à l’égard de celui, supposé, qui existerait chez les démocrates,
notamment chez celles et ceux qui s’opposent à la politique d’Israël…
L’autre objectif de Trump est de semer la pagaille au sein
des candidats démocrates à l’investiture. Avec ses déclarations tapageuses – il
y en aura d’autres dans les prochains jours et mois -, il les oblige à suivre
son tempo, à se déterminer par rapport à lui et à se retrouver dans une
situation où il leur sera bien difficile de faire entendre leurs propositions. Le
président a bien compris l’avantage d’une telle situation qui flatte son
narcissisme démesuré. Les uns et les autres sont obligés de parler de lui, de
se référer à lui. La question est simple : peuvent-ils l’ignorer ? Et
si oui, comment peuvent-ils y arriver ?
Finalement, l’Amérique paie bien cher l’élection de Barack
Obama en 2008. Terminé l’idée d’un pays entré dans l’ère
« post-raciale ». On réalise depuis 2016 qu’une grande partie de
l’Amérique profonde n’a jamais admis de voir un Noir à la Maison-Blanche. Et
avec Trump, elle trouve l’occasion de donner libre cours à des pulsions qui,
jusque-là, étaient contenues ou interdites d’expression. Si le président se
permet d’être ouvertement raciste pourquoi les citoyens ne le seraient-ils
pas ? L’Amérique est entrée dans une période délicate et il sera
intéressant de voir si elle possède les ressorts pour échapper à la catastrophe
vers laquelle l’entraîne un homme aussi inconséquent que détestable.
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