Le
Quotidien d’Oran, jeudi 21 novembre 2019
Akram
Belkaïd, Paris
La
pseudo campagne électorale a donc commencé dimanche dernier. Première
constatation, les cinq candidats ont vraiment l’air d’y croire. Oui, oui, je
vous le jure, ils y vont sérieusement, à donf… L’un fait la prière sur un
trottoir, l’autre se tape la boussa
dans une zaouïa pour obtenir talismans et baraka, un troisième prononce un
discours devant deux pékins et trois chats en écartant ses bras emprisonnés
dans les manches d’une veste étriquée, un autre promet de rappeler à la France
que l’Algérie est indépendante (Macron, t’as entendu ?) et le dernier
affirme que dans l’Algérie qu’il présidera, on rasera gratis (enfin, il n’a pas
dit cela exactement mais c’est juste un résumé de l’intention). Cinq candidats
donc. Cinq comédiens plus ou moins talentueux (d’où le titre de la chronique).
Cinq fois x occasions de rigoler, n’eut été la gravité de la situation.
On a
même vu l’un des membres de ce quintette se faire remettre solennellement une
peinture encadrée représentant sa propre bibine moustachue et cravatée. Un
cadre… encore ! Il faudra un jour que l’on réfléchisse sérieusement à
cette obsession du bordurage doré. En 2014, déjà, on avait eu droit à une
campagne électorale avec un président candidat absent représenté par son
premier ministre de l’époque accompagné par un cadre tout en couleurs molles.
Saura-t-on un jour qui est « l’artiste » derrière ces croutes d’un
autre âge ou bien alors est-ce du made in China, pays où existent des fabriques
intensives de portraits rococo et autres reproductions chevalines ?
Au-delà
des considérations politiques dont on s’affranchira un peu pour cette
chronique, le pouvoir algérien a toujours eu un penchant pour le manque de goût
et le ridicule. On se souvient de cette chorale accueillant à Tlemcen les
présidents Bouteflika et Hollande. Il paraît que le petit gros moqueur des
« sans-dents » en rigole encore. Plus récemment, ce sont les croassements
d’une zorna fêtant l’inauguration à Alger d’une franchise de junk food en
présence de l’ambassadeur yankee qui a fait la joie des internautes.
Constat : le bon goût est aussi rare que les libertés publiques et
politiques.
Continuons
et restons dans le registre du comique. Selon plusieurs internautes, les
personnes qui accueillent « spontanément » les candidats à Adrar sont
les mêmes qui les saluent tout aussi « spontanément » à El-Oued. Ah,
la spontanéité (rémunérée). Quand c’est du Hirak dont il s’agit, la « 3afwiya » n’a pas de droit
de cité. A en croire la légion de lustreurs de rangers à guêtrons qui affirment
l’existence d’une « unanimité sur la
nécessité de voter en masse » [pour le Brexit ?], il y a
forcément complot, manipulation. Par contre, cinquante vachers qui clopinent
dans la rue pour clamer leur soutien aux élections – ils ne disent pas
« processus électoral » car mauvais souvenir -, là, c’est
l’ « élan spontané » qui est loué au nom de la sacro-sainte
« stabilité ». A ce sujet, l’un des marioles du quintette nous jure
que si l’élection ne se tient pas, l’Algérie basculera dans une situation à la
syrienne. Si mes souvenirs sont bons, c’est ce que nous avait affirmé un
ex-premier ministre au début du Hirak avant de rejoindre sa paillasse à El-Harrach.
Concernant
ces marches en faveur des élections, encadrées-protégées par les forces de
sécurité et accompagnées par des cavaliers ayant sorti leurs costumes de
figurants dans L'Épopée de Cheïkh
Bouamama, son Excellence Fakhamatouhou Le Nouveau, nous dit qu’elles sont
« massives ». Que dire ? Que plus c’est gros et naïf et plus le
système croit que ça va passer ? Nier l’évidence en inventant une réalité
improbable est une constante du système. Question : qui y croit ? Personne.
Il faut juste faire semblant. Autre interrogation : que se passe-t-il dans
l’esprit de l’un de ces laudateurs de ce système qui craque de partout. Comment
fait-on pour répéter, encore et encore, des choses auxquelles personne ne
croit ? Comment fait-on taire sa conscience ? Faut-il considérer que,
pour certains, cette dernière a complètement disparu ?
Autre
motif d’amusement. Un quintettiste promet une sortie du tout-pétrole. Ah
ouais ? Et la loi sur les hydrocarbures que tes amis viennent de voter mon
gars, t’en fais quoi ? Belle tentative de donner du contenu à des
programmes qui en manquent. Cité par un twitto algérien, l’un d’eux affirme
avoir « pour objectifs majeurs
d'assurer l'amélioration du bien-être social et le renforcement de la fierté
d'appartenance à la Nation ». Comme c’est beau ! Comme c’est
noble. Lecteur, sois ému, pleure ! Question que le présent chroniqueur
s’adresse à lui-même : mais, persifleur, pourquoi es-tu persuadé que ces
gens qui, il y a peu, chantaient les louanges de Bouteflika et de son cinquième
mandat ou qui l’ont servi à un moment ou un autre de leur vie, seront
incapables de sortir le pays de l’ornière ? Come on, give the içaba a chance !
Autre
point intéressant des « programmes » : l’omniprésence du
référentiel religieux. Appel du pied à l’électorat islamo-conservateur ?
Certainement. Mais surtout le vide de la pensée, l’incapacité à concevoir et
mettre en pratique la rupture dont a besoin le pays. En rire mais d’un rire
triste. Accablé.
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