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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

mardi 24 août 2021

La chronique économique : Taxer les GAFA, suite…

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 9 juin 2021

Akram Belkaïd, Paris


Un petit pas mais la marche reste longue, très longue. Cette semaine, les ministres des finances du G7 (club réunissant les sept pays les plus riches du monde) a décidé d’accélérer la réforme du système fiscal international. Ainsi, le taux global plancher pour taxer les multinationales a été fixé à 15%. L’objectif est de faire en sorte que ces entreprises transnationales ne puissent plus échapper à l’impôt en jouant sur les disparités qui existent d’un pays à l’autre sans même parler de ce qu’offrent les paradis fiscaux. Plusieurs centaines de milliards de dollars de recettes pour les Etats sont en jeu.

Contrer l’optimisation

On connaît le mécanisme. Pour attirer des flux de capitaux, certains pays, comme l’Irlande, les Pays-Bas ou le Luxembourg ont des taux d’impositions très bas en comparaison de leurs voisins et concurrents. Pour les multinationales cela offre l’avantage d’y déclarer leurs revenus et donc de payer moins d’impôts. Comment ? La technique la plus connue consiste à y établir un siège social auquel les filiales à travers le monde doivent transférer tout ou partie de leurs bénéfices (notamment via des prix de cession interne ou des frais à payer à la holding). Ainsi, pour la multinationale, il ne s’agit plus de payer l’impôt dans le pays ou l’activité a lieu mais de le faire là où la fiscalité est la moins contraignante.

Parmi les champions de cette optimisation fiscale, on trouve les géants de l’internet. Les « GAFA » (Google, Apple, Facebook et Amazon) sont régulièrement mis en cause pour leur capacité à ne rien débourser ou presque dans des pays où, pourtant, ils réalisent de colossaux chiffres d’affaires et bénéfices. Cette réalité a peu à peu alimenté les polémiques et renforcé les discours contestataires. Pour ne pas être accusés de ne rien faire, certains pays, comme la France, ont décidé il y a quelques années d’imposer des taxes nationales en attendant qu’une législation internationale soit adoptée.

Longtemps, le dossier a été enlisé mais l’élection de Joseph Biden à la présidence des États-Unis a permis de le débloquer, du moins en apparence. En effet, c’est parce que les Etats-Unis sont désormais favorables à l’adoption d’un taux plancher que le G7 a bougé. Dans les prochaines semaines, le dossier passera au G20. Il s’agira alors de convaincre les pays émergents d’adopter eux-aussi cette mesure qui a néanmoins déçu nombre d’ONG. Ces dernières, comme ATTAC, militent pour une plus grande fermeté en matière de fiscalité et estiment que le compte n’y est pas. Elles regrettent que le taux plancher ne soit pas supérieur à 20% et relèvent que le flou dans le calcul de l’impôt permettra encore aux multinationales de recourir à de l’optimisation, comprendre mobiliser des légions de fiscalistes et d’avocats pour trouver le moyen, légal, de payer moins d’impôts.

Besoin de ressources

Pour les membres du G7, Etats-Unis en tête, il y a tout de même la volonté d’augmenter les ressources encaissées. L’évolution de la pandémie de Covid-19 demeurant incertaine, les Etats ont plus que jamais besoin de recettes supplémentaires pour amortir les dépenses engendrées par cette catastrophe sanitaire. Les simulations se multiplient ici et là mais la facture de la pandémie dépasserait désormais les 1000 milliards de de dollars pour les seuls pays du G20. Cela ouvre la voie à deux approches possibles et pas forcément antagonistes : une hausse des impôts et la mise en place de politiques d’austérité.

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