Lignes quotidiennes

Lignes quotidiennes
Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

samedi 22 novembre 2025

Gaza et l'Algérie

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Les débats et discussions à propos du vote de l'Algérie au Conseil de sécurité en faveur du pseudo "plan de paix" à Gaza démontrent qu'au-delà des crispations chauvines et narcissiques, il existe bel et bien un courant droitier en Algérie qui ouvrira grand les bras à une normalisation avec Israël.

L'Algérie a voté une résolution néocoloniale concernant Gaza (abstention de la Russie et de la Chine).
Cela n'enlève rien au soutien du peuple algérien au peuple frère palestinien.
C'est le monde réel qui s'impose.
Et qui met fin à la fantasmagorie et à la grandiloquence.

Les Gazaouis sont seuls et bien seuls.
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vendredi 21 novembre 2025

Séries, narcotrafic et violences

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C’est une scène comme on en voit des dizaines dans les séries traitant du trafic de drogue.
Elle se déroule dans 𝑃𝑙𝑎𝑖𝑛𝑒 𝑜𝑟𝑖𝑒𝑛𝑡𝑎𝑙𝑒 récemment diffusée par Canal+.
On y voit Reda, le personnage principal, abattre de sang-froid un homme à terre (un petit soldat du trafic) déjà blessé.
Le dit Reda ne montre aucune émotion.
Je sais que beaucoup de personnes récuseront mon opinion – car c’est une opinion et non pas un travail de recherche sociologique – mais on ne m’enlèvera pas de la tête l’idée que cette banalisation et, pire, cette esthétisation, de la violence par armes à feu contribuent aux dérives fatales liées au narcotrafic.
Combien de soldats perdus du deal ont eu ou ont encore pour modèles des personnages (abjects) comme Tony Montana (𝑆𝑐𝑎𝑟𝑓𝑎𝑐𝑒), Stringer Bell (𝑇ℎ𝑒 𝑊𝑖𝑟𝑒) ou même Walter White (𝐵𝑟𝑒𝑎𝑘𝑖𝑛𝑔 𝑏𝑎𝑑) ?
Bien entendu, la violence des fictions ne saurait être la principale raison des violences liées au trafic de drogue. Elle ne saurait faire oublier toutes les conditions politiques, économiques et socio-urbaines qui génèrent cette économie malfaisante.
La solution n’est certainement pas la censure.
Mais peut-être faut-il aussi que les scénaristes et réalisateurs réfléchissent aussi à ce qu’ils génèrent comme représentations.
Et n'oublions pas les images réelles de violence que charrient désormais les réseaux sociaux.
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lundi 3 novembre 2025

Israël et Sparte

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En septembre 2025, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a déclaré : "Nous allons devenir super-Sparte".

https://information.tv5monde.com/international/nous-allons-devenir-super-sparte-netanyahu-defend-lisolement-croissant-disrael-et-suscite-des-critiques-2791339

Un salut au troll mono-neurone genevois !

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lundi 20 octobre 2025

Entretien avec Mohamed Arkoun : Islam et éducation

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Le Monde de l’Éducation, Paris, septembre 1996

Propos recueillis par Mohammed et Akram Belkaïd

 


Intellectuel et penseur d’origine algérienne, Mohamed Arkoun (1) est docteur ès lettres et professeur émérite à la Sorbonne nouvelle-Paris-III. À travers une œuvre très importante, Mohamed Arkoun a développé une nouvelle discipline, l’« islamologie appliquée » destinée. confronter les discours islamiques aux exigences de l’homme et de la société.

 

 

« Peut-on envisager une éducation de type moderne en Islam ?

– Poser la question de cette manière n’est pas correct parce que le mot « islam » est trop général aujourd’hui. À quoi se réfère-t-il exactement ? Est-ce un système de croyances et de non-croyances, à un corps de doctrines théologiques, à un code éthico-juridique, ou à ses expressions culturelles variées selon les pays et les groupes ethnoculturels répandus à travers le monde ? On ne peut mélanger tous les niveaux, comme le fait la pratique actuelle des discours militants répercutés par la littérature politologique et les médias. Il est donc préférable, de parler de contextes islamiques.

En matière d’éducation en contextes islamiques, il faut distinguer l’éducation religieuse proprement dite et l’enseignement des disciplines scientifiques, plus ou moins conditionné par un cadre de pensée théologique. Dans la période classique (750 – 1258), l’enseignement religieux a bénéficié de la pluralité d’écoles théologiques, juridiques, mystiques ; progressivement, des traditions fixées dans des manuels se sont imposées à l’extérieur de chaque école. Aujourd’hui, le même enseignement religieux est étatisé et introduit dans l’école publique obligatoire, gratuite, mais fort éloignée de la neutralité laïque. Les maîtres chargés de cet enseignement n’ont accès qu’à des fragments insignifiants, parfois dangereux, d’une théologie popularisée depuis le siècle.

Une éducation plus centrée sur la connaissance philosophique s’est répandue aussi à l’époque classique, comme en témoignent les ouvrages de Miskawayh et de Ghazali (tous deux du XIe siècle). Cette ligne philosophique a été abandonnée après la mort d’Averroès (1198). Aujourd’hui, l’idéologie nationaliste, relayée par l’idéologie islamiste, a accentué le fossé entre sciences exactes étudiées comme en Occident et sciences sociales et humaines fortement contrôlées par plusieurs États-nations-partis.

 

– Mais existe-t-il en dehors de cette idéologie islamiste des points de repère en matière d’éducation ?

            – Les points de repère riches d’enseignements sont tous situés dans la période arabe classique, c’est-à-dire la période médiévale en Europe. Les musulmans aiment à s’y référer pour opposer leurs richesses intellectuelles à un Occident fier de sa modernité. Ce débat et cette attitude vis-à-vis d’un passé lointain pèsent lourdement sur l’enseignement de l’histoire aujourd’hui. En vérité, il convient d’admettre que tout ce qui s’est passé dans la pensée moderne en Europe depuis le XVIe siècle est rigoureusement inconnu de la pensée en contexte islamique. Le fait est qu’on ne peut faire référence à des auteurs en contexte islamique classique que par curiosité historique et surtout pas en tant que références applicables aujourd’hui. Il y a donc un vrai travail de réévaluation à accomplir. Comment investir des outils modernes vis-à-vis d’un public scolaire qui plonge justement dans le désordre sémantique créé par l’idéologie nationaliste et islamiste dans les sociétés qui se disent musulmanes ? Comment débroussailler un terrain occupé par des idées fausses avant même d’installer un certain nombre d’idées modernes au sujet de l’éducation ?

            À la Sorbonne, je suis confronté aux résistances de certains de mes étudiants, largement influencés par des auteurs qui ont reçu un enseignement fortement marqué par l’apologétique de l’islam et de la nation arabe. C’est contre cette vision qu’il faut lutter aujourd’hui si l’on veut introduire une approche nouvelle d’un enseignement moderne qui serait donné à un auditoire caractérisé par le pluralisme ethno-culturel, et la nécessité démocratique de respecter toutes les convictions et les positions cognitives.

 

– Face aux problèmes que peuvent poser les jeunes d’origine maghrébine en France, faut-il leur fournir un enseignement sur l’islam ?

            – Il est hors de question dans le contexte français, où l’école est laïque, d’enseigner l’islam sous ses expressions « orthodoxes » destinées à conforter les croyances propres à une communauté. Je vois mal comment on pourrait enseigner l’islam dans un pays qui a exclu même l’enseignement du fait religieux. En revanche, ce qu’il faut défendre en France, c’est un enseignement de l’histoire comparée des religions et, bien entendu, celle des trois religions monothéistes qui sont le plus représentées dans le contexte européen. Il s’agit là d’une nécessité scientifique et culturelle.

            En éliminant tout ce qui est religieux, l’État laïciste a éliminé une partie considérable de la culture de chacun, de son histoire culturelle, intellectuelle et artistique. Ce n’est pas de la neutralité, mais de l’atrophie culturelle et intellectuelle, si bien que nombre de Français sont aujourd’hui analphabètes en matière d’histoire des religions.

            On a supprimé les outils les plus élémentaires pour comprendre des données millénaires qui ont marqué profondément toutes les sociétés et les cultures dans le monde. La laïcité comprise de façon militante s’est traduite en France par l’élimination totale de la pensée théologique, qui est pourtant une activité intellectuelle aussi intéressante et aussi instructive que l’activité philosophique. Si on introduit une histoire comparée des religions, le musulman de France sera immédiatement transformé dans sa perception de ce qu’il appelle l’islam. Nos « beurs » partagent l’ignorance générale, qui est une ignorance institutionnalisée et transmise par l’institution éducative telle qu’elle a été définie par la IIIe République.

 

– Les pays du Maghreb n’ont pas suivi le même chemin en introduisant l’enseignement de la religion dans leurs programmes, et le résultat est pourtant loin d’être positif…

– Ces pays ont également enseigné une ignorance institutionnalisée payée par l’État, consignée par les programmes officiels et perpétuées par un grand nombre d’enseignants improvisés qui n’ont pas été formés à l’histoire de la pensée islamique. Que n’a-t-on pas lu et entendu au sujet par exemple des chrétiens et des juifs, dont le Coran a beaucoup parlé en des termes qui méritent une relecture moderne, tenant compte de la critique historique. Nous avons enseigné officiellement dans nos écoles, après les indépendances, une ignorance institutionnalisée à propos de l’islam lui-même et des autres religions. Cet enseignement a produit des esprits fortement conditionnés à propos de la notion même de vérité religieuse et de la place de l’islam devant les autres systèmes de vérité. Ce qui est enseigné à propos de l’Islam n’a rien à voir avec ce que les penseurs musulmans ont enseigné pendant la période classique.

 

– Pour en revenir à la France et à sa population d’origine maghrébine, on parle tout de même d’un « besoin d’islam ».

            — Je pose la question sous un angle culturel : comment donner des réponses adéquates à des demandes légitimes des musulmans qui vivent en France, sachant. Que, s’ils savent multiplier des demandes cultuelles, ils ne parviennent pas à articuler des demandes culturelles et intellectuelles modernes ? Il ne faut pas faire aussi l’erreur d’englober des populations ethnoculturelles et nationales différentes d’origine musulmane sous l’étiquette « islam ».

            L’État français, jacobin, centralisateur, a déjà fait prévaloir la construction de l’unité nationale sur le respect des cultures et des langues locales depuis la Révolution. Voyez la situation actuelle de la Corse. Sur le continuent, des régions comme la Bretagne, la Savoie, la Provence, l’Alsace sont « assimilées » dans le creuset de la nation française. Politiquement et philosophiquement, l’État français n’est donc pas préparé à répondre adéquatement à des demandes culturelles qui favoriseraient des « identités » arabe, turque, berbère, algérienne… Cela veut dire qu’il faut entamer un débat riche, ouvert sur l’avenir pour déterminer les évolutions nécessaires de l’État-nation européens dans un espace européen plus large, et la place des cultures nombreuses qui veulent s’affirmer et vivre au sein de cet espace. On voit que les revendications des Maghrébins, des Corses, des Africains… ne peuvent être prises en charge que dans un cadre renouvelé des rapports entre États de droit et sociétés civiles. En participant activement à la recherche de solutions, les musulmans de France et d’Europe auront la chance de traverser des étapes historiques pleines d’enseignements pour des orientations semblables en contextes islamiques.

 

– Vous proposez donc une autre forme d’intégration ?

            – Mon approche d’un pluralisme culturel affecte ainsi la conception de l’intégration à la manière de la IIIe République. Pour moi, l’intégration doit être pensée et construite dans le cadre d’une anthropologie politique, culturelle et religieuse qui reste elle-même à élaborer sous la pression grandissante des demandes « d’identité ». Il ne s’agira pas de céder à un relativisme généralisé des valeurs et des différences revendiquées dans chaque cas : une réévaluation critique de toutes les formulations identitaires sera aussi une tâche centrale permanente de l’anthropologie évoquée ici. Le conservatisme, le dogmatisme, les rigidités doctrinales ne sont pas uniquement du côté des religieux, on peut trouver ces traits même dans certaines postures de la raison moderne. C’est en tout cas dans cet effort de la pensée, tendu vers l’identification de solutions universalisables, porteuses d’avenir pour l’émancipation de la condition humaine, c’est dans cette direction que je m’efforce d’inscrire les contributions de toute pensée liée à un contexte islamique. »

 

Propos recueillis par Mohammed et Akram Belkaïd

 

(1) Mohamed Arkoun est notamment l’auteur de L’Humanisme arabe aux IVe/Xe siècles (Vrin, 1982), Essais sur la pensée islamique, Pour une critique de la raison islamique (Maisonneuve-Larose, 1984), Ouverture sur l’islam (J. Grancher, 1992).

vendredi 9 mai 2025

Gaza : Quand Tartuffe s’indigne

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Par Akram Belkaïd
Soudain, la conscience assoupie donne quelques signes de vie. Celles et ceux qui empêchaient – qui empêchent encore – les défenseurs du peuple palestinien de s’exprimer ont désormais des remords ou, simplement, ils sentent bien que la situation est intenable et que cette sanglante affaire va trop loin. Bref, ce qui se déroule à Gaza les indigne, du moins officiellement. Oh, certes, ils n’iront pas jusqu’à utiliser des termes et des expressions comme « génocide » ou «nettoyage ethnique» mais devant l’avalanche d’images abominables, de témoignages indiscutables sur les crimes répétés et délibérés de l’armée israélienne, leur vient un sursaut d’âme. L’exemple le plus caricatural est celui de madame Delphine Horvilleur qui évoque la « 𝑓𝑎𝑖𝑙𝑙𝑖𝑡𝑒 𝑚𝑜𝑟𝑎𝑙𝑒 𝑑’𝐼𝑠𝑟𝑎𝑒̈𝑙 » (1). Mieux vaut tard que jamais nous dira-t-on, mais qui est dupe ?
Nombre de journaux français ont écrit qu’Horvilleur sortait « de son silence ». Mais elle ne s’est jamais tue ! Bien au contraire, comme nombre de personnalités médiatiques qui prétendent décerner seuls les brevets d’humanisme (Joann Sfar, Anne Sinclair) elle a jusque-là contribué par ses sorties régulières à diaboliser les voix qui, dès octobre 2023, ont mis en garde contre le risque évident de génocide à Gaza (et cela tout en condamnant les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre). Demandez à Blanche Gardin ou à Aymeric Caron ce qu’ils en pensent.
Les intentions du gouvernement israélien étaient pourtant claires dès le 8 octobre 2023 mais ce tir de barrage a permis au premier ministre Benjamin Netanyahou de gagner toujours plus de temps pour poursuivre sa basse besogne. À la moindre critique, à la moindre mise en cause de Tel Aviv, l’accusation infamante d’antisémitisme était brandie - elle continue à l’être -, pour empêcher que des sanctions concrètes ne soient prises à l’encontre d’Israël ou, encore, pour empêcher que l’opinion publique française ne prenne la mesure de l’immense drame humanitaire qui se déroule à Gaza et qu’elle fasse pression sur ses élus. Souvenons-nous ainsi du « soutien inconditionnel » à Israël revendiqué par la présidente de l’Assemblée nationale française Yaël Braun-Pivet. L’intéressée a regretté l’usage de ces deux mots mais bien des mois après qu’ils furent prononcés. De longs mois où l’armée israélienne a eu le temps. Le temps de détruire, de saccager, de tuer des foules de civils, de larguer sur Gaza plus de bombes que ne le fit l’aviation alliée sur l’Allemagne durant la seconde guerre mondiale. Le temps de tout raser.
Parmi les partisans de cet État – car il s’agit bien d’un État qui existe contrairement à celui de Palestine qui ne verra peut-être jamais le jour –, je ne doute pas que la majorité d’entre eux soient vraiment secoués, humainement écœurés, par ce qui se passe à Gaza (je mets de côtés les racistes anti-arabes et autres fanatiques islamophobes qui, pauvre d’eux, jubilent quotidiennement). Mais où sont les condamnations fermes ? Où sont les demandes de sanctions ? Où sont les protestations après que Paris a autorisé Netanyahou à emprunter l’espace aérien français alors qu’il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international ? Bref, où sont les ruptures qu’exige une telle situation macabre ? Cela me rappelle cette phrase attribuée à Chadli Bendjedid, alors président de l’Algérie : « 𝑛𝑜𝑢𝑠 𝑠𝑜𝑚𝑚𝑒𝑠 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑙𝑎 𝑃𝑎𝑙𝑒𝑠𝑡𝑖𝑛𝑒 𝑞𝑢’𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑠𝑜𝑖𝑡 𝑗𝑢𝑠𝑡𝑒 𝑜𝑢 𝑖𝑛𝑗𝑢𝑠𝑡𝑒 ». Cela avait alors alimenté nombre de discussions, plusieurs membres de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) n’ayant pas vraiment apprécié la possibilité d’un comportement « injuste » de la part de leur mouvement. Aujourd’hui, le slogan est passé de l’autre côté de la ligne de front. Soudaine prise de conscience ou pas, indignation sincère ou pas, peine profonde ou de surface, cela reste 𝑖𝑛 𝑓𝑖𝑛𝑒
« avec Israël quoi qu’il fasse ».
En réalité, et c’est tout le problème de la nature humaine, le dégoût face à l’abjection semble cohabiter avec le soulagement de voir qu’un « problème » majeur d’Israël est en passe d’être -enfin- réglé, fut-ce de la pire des manières. Interrogez un wasp américain à propos du génocide amérindien. Il adoptera une mine contrite, dira toute sa compassion puis il finira par lâcher que c’est ainsi, que l’histoire est violente, que le passé est le passé, que cela ne fera pas revenir Geronimo, que Kevin Costner a tout de même fait un film émouvant et la discussion passera alors à autre chose de plus convivial. Parlera-t-on ainsi des Gazaouis en 2048 ? Entendra-t-on ce genre de phrase « 𝑂𝑢𝑖, 𝑞𝑢𝑒 𝑣𝑜𝑢𝑙𝑒𝑧-𝑣𝑜𝑢𝑠, 𝑐’𝑒𝑠𝑡 𝑙’ℎ𝑖𝑠𝑡𝑜𝑖𝑟𝑒, 𝑚𝑎𝑖𝑠, 𝑠𝑎𝑣𝑒𝑧-𝑣𝑜𝑢𝑠 𝑞𝑢’𝑜𝑛 𝑡𝑟𝑜𝑢𝑣𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑏𝑜𝑛𝑛𝑒 maqlouba 𝑎̀ 𝑇𝑒𝑙 𝐴𝑣𝑖𝑣 ? »
L’expulsion annoncée d’une partie – voire de la totalité car tout est possible – des Palestiniens – nous savons tous que la prochaine étape sera la Cisjordanie, ville après ville - offrira de nouvelles terres aux colons israéliens et modifiera l’équation démographique dans l’aire géographique correspondant à la Palestine mandataire. Que des civils, dont des enfants meurent chaque jour pour cette raison, ne change rien à l’affaire pour celles et ceux qui ont ce « résultat » en tête même si cela serre – un peu – leur gorge. Gaza sera peut-être un fantôme qui hantera les bonnes consciences mais elle ne représentera plus cette menace sourde intériorisée par tant d’Israéliens. 𝑆𝑖 𝑐’𝑒𝑠𝑡 𝑙𝑒 𝑝𝑟𝑖𝑥, 𝑎𝑝𝑟𝑒̀𝑠 𝑡𝑜𝑢𝑡…
Leurs critiques, au demeurant très mesurées, permet à ces néo-bonnes consciences de continuer d’occuper le terrain médiatique, de revendiquer une sorte de monopole du cœur et de la raison tout en veillant au grain en s’opposant à ce que des sanctions soient prises par les pays occidentaux – comme, par exemple, l’arrêt des livraisons d’armes. En réalité, leurs larmes, qu’elles soient sincères ou de sauriens, ne gênent en rien Israël qui, jour après jour, continue d’avoir le temps d’agir.
(1) « Gaza/Israël : Aimer (vraiment) son prochain, ne plus se taire », 8 mai 2025, tenoua.org
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lundi 17 mars 2025

Hommage à mes parents

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Fadhila Ayari (14 juillet 1940 – 4 décembre 2024)
Mohammed Belkaïd (15 février 1939 – 8 mars 2025)

Mes parents, paix à leurs âmes, se sont mariés en 1963 à Tunis.
La vie, l’usure du temps, les aléas ont fait diverger leurs routes.
Aujourd’hui, il me plaît d’imaginer qu’une partie de scrabble les réunit, l’une de ces joutes (avec revanche, belle et consolante) qui nous captivaient et nous inquiétaient à la perspective de l’inévitable mauvaise humeur du perdant.
Ma mère aimait Saliha, Ismahane, Jacques Douai, Gérard Philipe, la littérature, les livres, les mouwachahat, The Platters, la Palestine et les Palestiniens, son père – homme attaché à sa terre du Tell tunisien-, ses élèves, bons ou mauvais, les mosaïques d’Essers, sa ville natale, et les chevaux. Elle détestait corriger les copies.
Mon père aimait Ténès, sa ville natale, la langue arabe, la linguistique, les Cadets de la Révolution, les déclinaisons latines, la socio de Bourdieu, Fausto Coppi (et Gino Bartali), Audrey Hepburn et Taha Hussein, le cinéma en général, les anacroisés, les chansons potaches du lycée de Ben Aknoun, les Mu'allaqāt, Ahmed Wehbi, Jean Ferrat et Charles Aznavour. Il détestait corriger les copies.
Tous les deux ont appartenu à une génération exceptionnelle de femmes et d’hommes. Celle qui a eu l’immense charge de prendre les choses en main à l’indépendance. Un seul mot d’ordre : bâtir un pays. Il leur fallait éduquer, transmettre, organiser, imaginer, former des cadres, créer des institutions et des infrastructures. Construire. On n’imagine pas ce que cette génération de patriotes a affronté comme défis en partant de rien ou presque. Gardons cela à l’esprit en espérant vivre le jour où il sera temps de refonder notre pays, qu’il s’agisse de l’Algérie ou la Tunisie.
L’absence de mes parents est un abysse mais ainsi va la vie.
Il n’y a pas d’âge pour entrer dans la vaste confrérie silencieuse des orphelins. (*)
Nous sommes à Dieu et à Lui nous revenons.

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(*) Merci à Katya Berger et à Arezki Metref d’avoir inspiré cette phrase.