Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

mardi 14 février 2012

La chronique économique : L'Allemagne sur le banc des accusés

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Et si la réunification allemande était l’une des raisons de la crise dans la zone euro ? Le lien de cause à effet peut ne pas paraître évident, mais il est de plus en plus évoqué par les économistes, y compris allemands. Pour bien le comprendre, il faut revenir au début des années 2000, à l’époque où l’Allemagne avait encore du mal à digérer la réunification, ou, pour être plus précis, l’absorption de la RDA par la République fédérale d’Allemagne (RFA). C’est à ce moment-là que Gerhard Shröder et son gouvernement ont mis en place de nombreuses réformes destinées à préserver la compétitivité des exportateurs allemands, notamment par le biais d’un frein sur les augmentations de salaires.

LA LUTTE DE TOUS CONTRE TOUS
On le sait aujourd’hui, cette modération salariale a beaucoup contribué au dynamisme des exportations et de la bonne santé du «made in Germany». Depuis plusieurs années, l’Allemagne tient ainsi la dragée haute aux pays émergents avec un solde commercial de près de 146 milliards d’euros en 2011 (contre un déficit de 70 milliards d’euros pour la France). Une performance qui, ajoutée à d’autres indicateurs positifs (taux de chômage à 6,8%, au plus bas depuis la réunification, croissance de 3% du Produit intérieur brut en 2011 et baisse du déficit public à 1% pour la même année), fait de l’Allemagne une référence constante si ce n’est un exemple à suivre en Europe. 

Mais un récent rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT) vient de pointer du doigt les dégâts collatéraux de la stratégie de ce pays (1). «La compétitivité accrue des exportateurs allemands apparaît de plus en plus comme la cause structurelle sous-jacente aux récentes difficultés de la zone euro», relève ainsi l’organisme basé à Genève. 

Selon l’OIT, l’Allemagne a donc obligé ses partenaires mais néanmoins concurrents européens à la suivre sur le terrain de la baisse des salaires et des prix afin qu’ils puissent préserver leur compétitivité. En clair, la réussite commerciale de l’Allemagne a eu pour conséquence de «tuer» nombre d’industries européennes incapables de suivre la cadence imposée par un «made in Germany» bénéficiant certes d’une excellente réputation sur le plan mondial, mais aussi, il faut désormais l’avoir en tête, une modération salariale qui s’est avérée déterminante. Déjà en 2006, l’économiste français Patrick Artus mettait en garde sur le fait que l’expansion commerciale de l’Allemagne se faisait au détriment des pays européens, notamment ceux du Sud, car elle avait tendance à rogner sur leurs parts de marché, y compris à l’intérieur même de l’espace européen.

Interrogé récemment par le quotidien Le Monde, l’économiste Michel Aglietta résume bien les effets dévastateurs de cette stratégie (1) : «Lorsqu’elle est vue exclusivement par la lunette des salaires, étant donné la fixité du change (la monnaie étant unique, ndlr), la recherche de la compétitivité est la lutte de tous contre tous qui aboutit à la déflation (baisse des prix et des salaires)». Dans de telles conditions, il n’est guère possible d’espérer une croissance partagée et c’est bien ce qui se passe actuellement dans la zone euro. Du coup, l’Allemagne fait autant figure de modèle à suivre que d’accusée.

LE CULTE DE L’AUSTERITE
Pour nombre d’économistes, ce pays doit désormais consentir des sacrifices pour le bien de la zone euro avec une augmentation des salaires et une baisse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afin de relancer sa consommation et donc ses importations (notamment en provenance des pays européens). Une perspective qui n’a pas tout à fait les faveurs du gouvernement Merkel, lequel estime que la solution aux maux de l’Europe passe d’abord par l’adoption générale du modèle allemand actuel, c’est-à-dire par une baisse du coût du travail, qui se ferait à la fois par une modération salariale accrue et par une baisse des prélèvements sociaux. Cela sans oublier l’incontournable respect de la discipline budgétaire, comme le stipule le nouveau traité européen adopté à la fin du mois de janvier dernier. Bref, l’Allemagne, du haut de sa force économique, veut que ses partenaires s’engagent avec elle dans encore plus d’austérité et de compétition salariale. Il n’est pas sûr que cette démarche aboutisse à faire sortir la zone euro de l’ornière.

1) Lundi 30 janvier 2012

Le Quotidien d'Oran, mercredi 8 février 2012
Akram Belkaïd, Paris
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