Le Quotidien d'Oran, mercredi 24 octobre 2012
Akram Belkaïd, Paris
Comment fonctionnent les marchés pétroliers ? Au-delà de la confrontation entre offre et demande, à quelle logique obéissent-ils ? Répondre avec honnêteté à cette question n’est pas simple. Au-delà de la nécessité d’analyser plusieurs facteurs, souvent interdépendants, il faut aussi croire dur comme fer, ou faire semblant de croire, à l’existence d’une rationalité à toute épreuve y compris en ce qui concerne les tendances les plus contradictoires.
Le Proche-Orient, l’explication passe-partout
Prenons par exemple, ce qui s’est passé sur le marché pétrolier le lundi 22 octobre. En début de séance, à Londres puis, plus tard à New York, les cours du brut ont progressé en raison, selon les analystes, des tensions au Proche-Orient. La guerre civile en Syrie, les troubles au Liban, l’incertitude politique en Egypte sans oublier le dossier du nucléaire iranien, tout cela constitue autant de facteurs haussiers. La chose n’est pas nouvelle et cela fait déjà plusieurs décennies que l’on explique les mouvements erratiques du marché pétrolier par les différents bruits de botte au Proche-Orient.
On relèvera au passage que les points chauds cités ne contribuent guère, ou si peu, à l’offre mondiale d’hydrocarbures. Certes, la Syrie produit de l’or noir et l’Egypte du gaz naturel, mais il est tout de même étrange que des troubles dans ces pays soient systématiquement assimilés à des menaces contre les champs pétroliers de la péninsule arabique et donc contre l’approvisionnement d’une bonne partie de la planète. Ce raccourci géographique équivaut à ce que des troubles en Espagne fassent craindre le pire au Danemark…Mais passons et revenons à la séance du lundi 22 octobre.
Ce jour-là, les cours ont finalement terminé en baisse, le WTI perdant 1,32 dollars à 88,73 dollars et le Brent reculant de 0,7 dollars à 109,44 dollars. Pourquoi un tel repli sachant que la situation au Proche-Orient ne pouvait s’être améliorée en quelques heures ? L’explication avancée par les opérateurs est la suivante : c’est la publication des résultats trimestriels du groupe Caterpillar, premier constructeur mondial d’engins de chantier, qui a inversé la tendance. Il faut savoir que cette entreprise est considérée comme un baromètre de l’industrie mondiale et que la publication de ses résultats est un moment toujours attendu par le marché. Et quand Caterpillar cite la faiblesse de l’économie en Europe et un ralentissement en Chine comme facteurs responsables de la baisse attendue de ses revenus au quatrième trimestre, les opérateurs en déduisent que l’économie mondiale va encore ralentir et, donc, que la demande en pétrole va chuter (ce qui au final, a poussé les prix du brut à la baisse).
Des mouvements plus moutonniers
Voilà donc pour la logique apparente car, on s’en doute, les choses sont bien plus compliquées sachant notamment qu’un marché est aussi une somme d’anticipations. Ainsi, il est certain que de nombreux opérateurs s’attendaient depuis longtemps à ce que Caterpillar annonce des résultats mitigés et qu’ils ont pris des dispositions pour profiter de l’inévitable recul des cours qui allait suivre cette publication. En clair, les explications avancées au fil des séances ne sont pas toujours pertinentes et le comportement vendeur ou acheteur des investisseurs répond à des stratégies bien plus compliquées. Ou bien, diront les esprits lucides, à pas de stratégie du tout sauf à suivre un mouvement moutonnier où chacun cherche à copier les anticipations du voisin…
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