A en croire les dépêches d’agence, la quasi-majorité de la classe politique française aurait fait part de son indignation après l’occupation du chantier de la mosquée de Poitiers par un groupuscule d’extrême-droite. La belle affaire… Attendons d’abord un peu avant de saluer un tel unanimisme. Dans les prochaines heures ou dans les prochains jours, il se trouvera bien un politicien pour nuancer cette sévérité et trouver des circonstances atténuantes à ces extrémistes qui se réclament du bloc identitaire. Il se trouvera bien quelques éditorialistes ou intellectuels médiatiques pour réinjecter le poison de l’islamophobie dans le débat public français.
Car l’occupation du chantier de la mosquée de Poitiers n’est pas un acte isolé. Elle s’inscrit dans une longue liste d’actions et de déclarations visant à dénigrer les musulmans de France et à engranger des bénéfices électoraux sur le dos d’hommes et de femmes qui se demandent d’où viendra le prochain coup. Le discours politique islamophobe, à droite comme à gauche, le pilonnage frénétique des médias (témoin cette journée spéciale de France Inter, radio publique…, sur l’islamisme radical), les petites phrases des politiques chez qui l’islam semble être une obsession, les écrits démentiels (et, finalement, si peu décriés) d’un éditeur français qui magnifie le massacre d’Oslo : tout cela a créé les conditions idéales pour qu’arrive ce qui s’est passé à Poitiers. En attendant la suite qui risque d’être pire.
L’acte d’accusation est clair et ne doit souffrir d’aucune ambiguïté : une partie de la classe politique française accompagnée par des médias et des intellectuels inconséquents, sont en train de jouer avec le feu et, consciemment ou non, sont en train de favoriser (peut-être même l’espèrent-ils, allez savoir) la réalisation d’un acte irréparable aux conséquences incalculables. Que veut-on ? Qu’espère-t-on ? Des pogroms anti-musulmans auxquels répliqueraient des actes de violence aveugle ? Des ratonnades qui appelleraient vengeances et représailles ? Que croit-on qu’il arrivera si, demain, un extrémiste s’introduit, arme à la main, dans une mosquée à l’heure de la prière pour s’en prendre à des fidèles au nom de la lutte contre la prétendue islamisation de la France et de l’Europe ? A Poitiers, la communauté musulmane a gardé son calme et n’a pas réagi avec violence à la provocation. Rien ne dit que telle retenue est durable.
Ce qui vient de se passer à Poitiers, prouve que les germes d’un affrontement à l’intérieur de la nation française existent. Ceux qui s’en prennent aux musulmans – à tous les musulmans et pas seulement aux islamistes radicaux – savent que, parmi ces derniers, certains n’accepteront pas de tendre l’autre joue après avoir encaissé. C’est sur cela que comptent les attiseurs de haine pour entraîner le pays dans un cycle de violences sans fin. Plus que jamais, la retenue et le dialogue apaisé sont nécessaires. Mais que peut-on attendre d’une classe politique d’une médiocrité sans pareil et de médias prépondérants persuadés que la course à l’audience passe nécessairement par le fait d’entretenir la peur et la stigmatisation des musulmans ?
Akram Belkaïd
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