SlateAfrique, 10 octobre 2012
Pourquoi il n'y a pas de Chávez africain? La réponse est simple. Il n’existe pas l'équivalent du président vénézuélien sur le continent.
Supportrice d'Hugo Chavez le 8 octobre 2012 lors de sa réelection. Reuters/Jorge Silva
L'AUTEUR
L’épisode a été oublié depuis, mais il mérite d’être rappelé.
En 2005, le président Hugo Chávez décide le transfert de deux tiers des réserves de change vénézuéliennes, soit un pactole de pas moins de 20 milliards de dollars, des banques américaines où elles étaient placées vers des comptes suisses en euros.
C’est là, parmi tant d’autres, un acte concret d’el Presidenteresté en travers de l’administration américaine —un autre grief de cette dernière étant l’emploi d’une partie de ces fonds pour la création, toujours en projet, d’une banque régionale d’Amérique latine.
Même Mouammar Kadhafi, au plus fort de son isolement et de ses diatribes anti-américaines n’a jamais osé ainsi heurter de front l’Oncle Sam en s’attaquant à la prépondérance du dollar américain.
Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, qu’on l’assimile à un digne successeur de Simon Bolivar, le père des indépendances sud-américaines, ou qu’on le qualifie de dictateur populiste, il est évident que Chávez s’inscrit dans la lignée de ces dirigeants dont l’histoire retiendra le nom.
Ancien putschiste (comme nombre de potentats africains), devenu ensuite président de son pays par la voie légale des élections, ce dirigeant a le mérite d’avoir fait bouger les lignes de front dans son pays et sur son continent.
Partisan d’une ligne dure à l’égard des Etats-Unis, il a permis à ses homologues sud-américains, notamment ceux du Brésil et d’Argentine, de gagner plus d’autonomie vis-à-vis de Washington et de tirer profit de l’hostilité de la Maison-Blanche vis-à-vis du leader bolivariste.
Un leader dont on a trop souvent dit que son atout premier était l’argent du pétrole mais dont on vient de réaliser, à la faveur de sa réélection, qu’il jouissait aussi d’un important soutien populaire.
Qu’on en juge: avec 55% des suffrages sur près de 80% de participation au scrutin, rares sont les présidents élus —hors trucage— qui peuvent se targuer d’un tel score.
Bien sûr, il est aventureux de comparer les contextes africain et sud-américain, mais il n’empêche.
Rares sont les dirigeants africains ayant une telle conscience de classe que le président vénézuélien.
Dans un monde où, faute d’épouvantail soviétique, les riches et les prépondérants n’ont plus peur de rien, Hugo Chávez a toujours pris soin d’apparaître comme le défenseur des plus pauvres et des plus démunis, quitte à s’aliéner une partie des classes moyennes.
En Afrique, c’est le régionalisme pour ne pas dire le confessionnalisme qui influe sur les stratégies politiques et cela y compris en Afrique du Sud, où Jacob Zuma a tenté, en vain, de se glisser dans les habits d’un Chávez africain.
D’ailleurs, l’Afrique est peut-être le continent où l’idéologie n’a plus droit de cité et où la lutte contre la pauvreté est ramenée à un problème de pure technique économique.
Or, qu’on le veuille ou non, l’action en faveur des plus démunis est aussi affaire d’idéologie et de parti-pris.
Une chose impensable en Afrique où nombre de dirigeants n’ont de cesse de faire croire qu’ils sont en phase avec l’enseignement de Harvard quand ils ne sont pas occupés à piller les caisses de leur pays.
Au milieu des années 2000, enfilant ses habits de pèlerin, c’est Hugo Chávez qui a convaincu ses pairs africains producteurs de pétrole, l’Algérie d'Abdelaziz Bouteflika en tête, du danger à libéraliser le secteur des hydrocarbures et à affaiblir, comme le souhaitaient les Etats-Unis et l’Union européenne (UE), l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep).
C’est lui aussi qui encourage ses pairs sud-américains à favoriser la naissance d’une banque régionale capable de financer les grands projets d’infrastructure sans avoir à demander leur autorisation au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale, tous deux jugés trop inféodés à Washington.
L’Afrique, quant à elle, du moins pour partie, en est encore, à accepter que sa souveraineté monétaire soit gérée par des fonctionnaires du Trésor français.
Bien entendu, le Venezuela de Chávez est loin d’être ce pays idéal que les nostalgiques du Che(Che Guevara) aiment tant à louer.
Polarisant et trop souvent excluant, brouillon sur le plan économique, toujours tenté par l’autoritarisme contre une opposition souvent perméable à l’influence étasunienne, le «chavisme»crée trop de germes de violence dans la société vénézuélienne et prépare certainement des lendemains difficiles y compris pour ceux qui y adhèrent le plus.
Pour autant, il est l’illustration concrète que le technocratisme mondialisé n’est pas l’unique solution pour favoriser le développement d’une nation et qu’il est plutôt sain d’avoir des idées politiques bien arrêtées.
Akram Belkaïd
_
En 2005, le président Hugo Chávez décide le transfert de deux tiers des réserves de change vénézuéliennes, soit un pactole de pas moins de 20 milliards de dollars, des banques américaines où elles étaient placées vers des comptes suisses en euros.
C’est là, parmi tant d’autres, un acte concret d’el Presidenteresté en travers de l’administration américaine —un autre grief de cette dernière étant l’emploi d’une partie de ces fonds pour la création, toujours en projet, d’une banque régionale d’Amérique latine.
L'homme qui ose défier l'Oncle Sam
La question est simple: quel chef d’Etat africain serait capable de défier ainsi l’«empire»?Même Mouammar Kadhafi, au plus fort de son isolement et de ses diatribes anti-américaines n’a jamais osé ainsi heurter de front l’Oncle Sam en s’attaquant à la prépondérance du dollar américain.
Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, qu’on l’assimile à un digne successeur de Simon Bolivar, le père des indépendances sud-américaines, ou qu’on le qualifie de dictateur populiste, il est évident que Chávez s’inscrit dans la lignée de ces dirigeants dont l’histoire retiendra le nom.
Ancien putschiste (comme nombre de potentats africains), devenu ensuite président de son pays par la voie légale des élections, ce dirigeant a le mérite d’avoir fait bouger les lignes de front dans son pays et sur son continent.
Partisan d’une ligne dure à l’égard des Etats-Unis, il a permis à ses homologues sud-américains, notamment ceux du Brésil et d’Argentine, de gagner plus d’autonomie vis-à-vis de Washington et de tirer profit de l’hostilité de la Maison-Blanche vis-à-vis du leader bolivariste.
Un leader dont on a trop souvent dit que son atout premier était l’argent du pétrole mais dont on vient de réaliser, à la faveur de sa réélection, qu’il jouissait aussi d’un important soutien populaire.
Qu’on en juge: avec 55% des suffrages sur près de 80% de participation au scrutin, rares sont les présidents élus —hors trucage— qui peuvent se targuer d’un tel score.
Le Chávez africain n'existe pas
Et l’on repose donc la même question. Mais où est donc le Chávez africain? La réponse est simple. Il n’existe pas. Du moins, pas encore. Et les raisons expliquant cela sont nombreuses.Bien sûr, il est aventureux de comparer les contextes africain et sud-américain, mais il n’empêche.
Rares sont les dirigeants africains ayant une telle conscience de classe que le président vénézuélien.
Dans un monde où, faute d’épouvantail soviétique, les riches et les prépondérants n’ont plus peur de rien, Hugo Chávez a toujours pris soin d’apparaître comme le défenseur des plus pauvres et des plus démunis, quitte à s’aliéner une partie des classes moyennes.
En Afrique, c’est le régionalisme pour ne pas dire le confessionnalisme qui influe sur les stratégies politiques et cela y compris en Afrique du Sud, où Jacob Zuma a tenté, en vain, de se glisser dans les habits d’un Chávez africain.
D’ailleurs, l’Afrique est peut-être le continent où l’idéologie n’a plus droit de cité et où la lutte contre la pauvreté est ramenée à un problème de pure technique économique.
Or, qu’on le veuille ou non, l’action en faveur des plus démunis est aussi affaire d’idéologie et de parti-pris.
Une chose impensable en Afrique où nombre de dirigeants n’ont de cesse de faire croire qu’ils sont en phase avec l’enseignement de Harvard quand ils ne sont pas occupés à piller les caisses de leur pays.
Toujours des mots, les mêmes mots...
L’Afrique est aussi le continent où le bras de fer proclamé avec les puissances étrangères, notamment pour une meilleure valorisation des matières premières, relève plus du discours incantatoire que des faits.Au milieu des années 2000, enfilant ses habits de pèlerin, c’est Hugo Chávez qui a convaincu ses pairs africains producteurs de pétrole, l’Algérie d'Abdelaziz Bouteflika en tête, du danger à libéraliser le secteur des hydrocarbures et à affaiblir, comme le souhaitaient les Etats-Unis et l’Union européenne (UE), l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep).
C’est lui aussi qui encourage ses pairs sud-américains à favoriser la naissance d’une banque régionale capable de financer les grands projets d’infrastructure sans avoir à demander leur autorisation au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale, tous deux jugés trop inféodés à Washington.
L’Afrique, quant à elle, du moins pour partie, en est encore, à accepter que sa souveraineté monétaire soit gérée par des fonctionnaires du Trésor français.
Bien entendu, le Venezuela de Chávez est loin d’être ce pays idéal que les nostalgiques du Che(Che Guevara) aiment tant à louer.
Polarisant et trop souvent excluant, brouillon sur le plan économique, toujours tenté par l’autoritarisme contre une opposition souvent perméable à l’influence étasunienne, le «chavisme»crée trop de germes de violence dans la société vénézuélienne et prépare certainement des lendemains difficiles y compris pour ceux qui y adhèrent le plus.
Pour autant, il est l’illustration concrète que le technocratisme mondialisé n’est pas l’unique solution pour favoriser le développement d’une nation et qu’il est plutôt sain d’avoir des idées politiques bien arrêtées.
Akram Belkaïd
_
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire