Le Quotidien d'Oran, mercredi 4 septembre 2013
Akram Belkaïd, Paris
Un milliard d’euros voire un peu plus. C’est le montant incroyable du marché des transferts dans le football européen. Cet été, ce que l’on appelle le « mercato » a donc battu tous les records avec notamment un transfert historique du jouer Gareth Bale de Tottenham au Real de Madrid pour une somme de 100 millions d’euros (pour ne pas faire de peine à l’enfantin Cristiano Ronaldo, qui jusque-là détenait le record du transfert le plus cher avec 94 millions d’euros, le Real a affirmé n’avoir acheté Bale « que » pour 91 millions d’euros).
Un marché spéculatif
Ce milliard d’euros dépensés pour des joueurs de football, dont au moins le tiers (c’est une statistique empirique et prudente) ne donnera guère satisfaction, témoigne de l’indécence de notre époque. Dans un monde en pleine crise économique où des Européens (ne parlons même pas des pauvres d’autres continents) se suicident faute de pouvoir travailler et subvenir aux besoins de leurs familles (on pense à l’Espagne ou à la Grèce), l’argent sonnant et trébuchant du football n’est rien d’autre qu’une obscénité. Ce n’est pas faire insulte à ce beau sport que de l’écrire.
Bien entendu, il est plusieurs voix qui expliqueront qu’il s’agit ni plus ni moins que de la loi du marché. L’offre et la demande expliqueraient ces sommes qu’un esprit censé ne peut que juger extravagantes. Que signifie, en effet, le fait d’attribuer la valeur de plusieurs dizaines de millions d’euros à un joueur ? Au passage, on relèvera le caractère indécent de l’expression « acheter un joueur » comme s’il s’agissait d’une vulgaire marchandise et non d’un être humain. Certes, les grands joueurs font gagner de l’argent à leurs clubs notamment en merchandising. Maillots, publicité, spectateurs, droits de télévision : une vedette est la garantie d’une audience plus grande et donc de revenus croissants. Mais le système s’est emballé et il devient fou. Comme en témoigne nombre d’acteurs, les agents, les intermédiaires et même les joueurs ont compris qu’il était de leur intérêt de déployer d’habiles stratégies visant à alimenter sans cesse le mercato. Il fut un temps où un joueur ne quittait son club formateur qu’après avoir confirmé son talent et s’être approché de la fin de sa carrière. Aujourd’hui, le mercato concerne aussi (surtout) les jeunes pousses et un joueur peut connaître trois clubs en une saison (grâce au mercato d’hiver). La frénésie de ce marché est telle que l’on commence à en parler de la même manière que le cinéma. Nombre de producteurs disent en effet que le film le plus rentable est celui que l’on ne fait pas et, du coup, le meilleur transfert pour un club est celui qui ne se réalise pas…
Blanchiment d’argent
Dérégulation, application aveugle du principe de libre-circulation des travailleurs, irruption des fonds d’investissement dans le capital des clubs mais aussi blanchiment de capitaux en provenance de certains pays émergents : le football européen est aujourd’hui une bulle qui masque une réalité plus sordide. Celle de dizaines de joueurs professionnels au chômage car considérés comme des « produits » dépassés ou périmés cela sans oublier des centaines de clubs lourdement endettés obligés de pratiquer la fuite en avant pour continuer à exister. Or, tôt ou tard, les bulles finissent toujours par exploser et, faillites de grands clubs aidant, on se souviendra alors de cet été 2013 et de son mercato à un milliard d’euros.
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