Le Quotidien d’Oran, 30 avril 2015
Akram Belkaïd, Paris
Il est bientôt midi en ce mercredi 29 avril 2015.
Je viens de relire la chronique écrite la veille et elle ne me plait plus. Mais
alors plus du tout. Je m’étais pourtant endormi avec la satisfaction du
rédacteur ayant bouclé son papier, lequel papier serait vite relu le lendemain
et envoyé avec les salutations d’usage. Là, il faut repartir de zéro, ou
presque. De quoi s’agissait-il ? Je partais de cette affaire des quarante
mille euros de notes de taxi en dix mois qui a valu à la présidente de
l’Institut national de l’audiovisuel (INA) d’être « démissionnée »
par sa tutelle. Quarante mille euros… Soit une moyenne mensuelle de quatre
mille euros, c’est-à-dire bien plus que ce que les deux tiers, voire les
quatre-cinquième de l’ensemble des salariés français perçoivent en net en
échange de leur labeur.
Cette affaire est présentée comme un cas isolé,
une espèce de dérapage commis par une dirigeante ayant allègrement oublié que
c’est l’argent du contribuable qu’elle avait en charge. Ma chronique, telle que
rédigée la veille, entendait rappeler que ce genre de scandale a tendance à se
répéter. Que les avantages indus et autres abus sont de plus en plus portés à
la connaissance du public. Cela ne signifie pas, bien sûr, que la France
d’aujourd’hui est plus corrompue qu’hier. C’est juste que les moyens de sortir
l’information et de la faire fuiter, sont plus nombreux. Pour autant, le
comportement de la désormais ex-présidente de l’INA est symptomatique de
l’époque actuelle. Comme je l’ai déjà écrit dans des textes précédents, c’est
un peu le temps des « in » et des « out ». Certains ont la
chance d’occuper des positions qui leurs confèrent des avantages que la masse
anonyme des Français n’imaginent même pas. Et le pire, c’est qu’ils en abusent,
estimant qu’ils ont droit à tout, qu’ils sont légitimes à réclamer toujours
plus.
Dans ce texte, j’ai essayé d’évoquer le fait que
tout cela me mène à penser que la France connaît une fin de cycle où tout
s’accélère, un peu à l’image d’une mécanique devenue folle perdant au fur et à
mesure ses boulons et autres éléments mais continuant d’avancer jusqu’au crash
final. Une fin de cycle devinée par les déprédateurs de toutes sortes qui devinent
qu’il leur faut happer et engranger tant qu’il est encore temps. Avant que la poule
aux œufs d’or ne meure ou bien, hypothèse moins plausible – hélas, mille fois
hélas – avant que le peuple ne se réveille enfin et réalise à quel point il est
dupé du matin jusqu’au soir. Un petit peu de guerre par-ci, un petit peu de
terrorisme et de sécurité par-là. Un mix de voile et d’islamohystérie et le
tour est joué. Monsieur Gérard oublie alors que la courbe du chômage ne s’est
pas inversée et que personne ne peut jurer que l’argent dû au Trésor ne
continue pas de filer vers la Suisse, le Delaware ou les îles Caïmans.
A quelques détails et paragraphes près, tout ce
qui vient d’être écrit était donc dans la chronique suspendue. Le lecteur se demandera alors pourquoi
n’a-t-elle pas été livrée sous cette forme ? Bonne question. La réponse
est simple. C’est qu’en la relisant, s’est imposée au chroniqueur une autre
interrogation. A la fois moqueuse et agacée. La voici, résumée à la manière
dont s’exprimerait une Mimoucha acerbe – autrement dit une voix qui
emprunterait celle de la conscience. « Tu parles de cette pauvre bonne
femme qui a pris trop de taxis, tu embraies sur la perte de valeurs en France
et tu fais semblant d’oublier que dans ton propre pays, c’est de pire en
pire ».
« Mimoucha » a bien sûr raison. On peut
s’indigner de ce qui se passe en France – surtout si on y vit et que l’on y
paie ses impôts – mais la réalité du bled oblige à raison garder. La lecture de
la presse nationale de ces derniers jours le montre bien. Tous ces procès,
toutes ces accusations de fraude, de détournements… Tous ces projets aux
dizaines de milliards de dollars dépensés et dont on se demande, in fine, à quoi ils vont vraiment servir.
Et pendant ce temps-là, ne craignant guère le ridicule, on lance une campagne
pour consommer algérien… Comme si les conditions pour produire algérien étaient
réunies dans un pays transformé en gigantesque comptoir commercial qui dilapide
ses ressources pétrolières pour importer de tout ou presque…
Voilà, cela m’arrive rarement mais là il m’est donc
impossible de vous rendre compte d’un aspect de la vie politico-sociale
française sans être rattrapé par la réalité algérienne. Et c’est d’autant plus
vrai que l’on voit bien aujourd’hui que Paris, comme certainement Londres,
Genève ou Dubaï, est en train de se transformer en base de repli pour les
Algériens qui ont, disons-le ainsi, très bien mangé, grappillé, grignoté et
englouti.
On parle beaucoup en ce moment du livre des
journalistes Marie-Christine Tabet et Christophe Dubois à propos des relations
noueuses et souvent interlopes entre l’Algérie et la France (*). Dans cet
ouvrage, qui pèche parfois par ses inexactitudes notamment historiques, il y
est fait mention d’avoirs, entre autre immobiliers, que certains dirigeants
algériens possèderaient dans l’Hexagone. Jusqu’à présent, cela n’a engendré ni
démenti ni attaque en justice. Chacun en tirera donc ses propres conclusions.
En tous les cas, une chose est certaine, ce qui s’est rappelé au souvenir du
présent chroniqueur c’est que qu’une corruption endémique, et finalement
assumée pour ne pas dire systémisée, est bien plus grave que quelques (très
gros) excès en matière de notes de frais…
(*) Paris – Alger, une histoire passionnelle,
Stock, avril 2015.
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