Le Quotidien d’Oran, mercredi 12 avril 2017
Akram Belkaïd, Paris
Comment faire pour lutter contre le gaspillage des
ressources naturelles ?
Comment agir pour protéger l’environnement et notamment la faune ?
Au fil des années, ces questions ont pris une importance parfois dramatique du
fait des crises et des situations d’urgence. A ce sujet, le débat entre les
économistes est loin d’être clôt. Comme c’est souvent le cas, plusieurs
tendances s’opposent autour de la question des privatisations et de leur rôle
censé être salvateur.
Privatiser pour
protéger…
La tendance la plus importante, ou du moins celle qui a
encore et toujours le vent en poupe, défend l’idée d’un recours systématique au
marché. Ce dernier serait l’arbitre rationnel dont l’influence permettrait de
limiter les dégâts. Une école revendiquant un caractère novateur a même fait
son apparition. Il s’agit de la « nouvelle économie des ressources »
qui fait de la privatisation des ressources (ou de la faune…) le moyen le plus sûr
de lutter contre les excès de la surproduction. L’un des exemples les plus
cités pour illustrer les préceptes de ce courant est le cas des éléphants.
On sait que ces derniers subissent un braconnage intensif en
raison du commerce illégal de l’ivoire. Il y a quelques années, Gregory Mankiw,
économiste et ancien membre de l’équipe de conseillers du président Georges W.
Bush fils, a ainsi préconisé que les troupeaux de pachydermes soient…
privatisés. Autrement dit, qu’ils soient vendus et que leurs propriétaires
soient les seuls à pouvoir disposer d’eux. Dans ce type de raisonnement, l’idée
de base est que l’intérêt du propriétaire le poussera à agir efficacement pour
défendre sa propriété contre les braconniers. Une protection qui serait bien
plus efficace que celle des Etats désargentés et minés par la corruption. Il
faut dire d’ailleurs que plusieurs pays ont expérimenté ce genre de démarche à
l’image du Botswana ou du Malawi.
Or, ces expériences sont loin d’avoir donné des résultats
concluants. Le braconnage demeure une menace permanente et les propriétaires
sont obligés soit de réclamer l’intervention de l’Etat et de ses forces de
sécurité soit de recourir eux-mêmes à la protection armée des troupeaux. De
plus, la privatisation d’animaux sauvages ouvre la voie à des dérives mercantiles
comme la commercialisation de leur viande ce qui, au départ, n’était pas le but
recherché.
Le capitalisme
réparerait ses excès
L’exemple qui vient d’être cité n’est pas anecdotique tant
il est utilisé à l’envie par les thuriféraires de la nouvelle économie des
ressources. Partant de là, les exposés relayent ensuite les revendications
habituelles à propos de la nécessité de privatiser l’eau ou les ressources
minières, agricoles. De même, le marché étant paré de toutes les vertus et de
tout le rationalisme possible, on explique aussi que la croissance à tout prix
n’est pas incompatible avec la protection de l’environnement et cela pour peu
que le marché soit autorisé à jouer un rôle principal. On en arrive ainsi à une
logique bien étonnante : après avoir organisé le saccage de la planète et
de ses ressources, le capitalisme, par un recentrage étonnant, prétend
aujourd’hui traiter les conséquences de ses propres excès.
Bien sûr, affirmer en opposition à tout cela que l’Etat
demeure la meilleure solution ne suffit pas. Dans un monde où le modèle de
croissance à tout prix atteint ses limites, la question de la gestion des
ressources naturelles mérite un aggiornamento complet incluant des réflexions
novatrices sur le rôle et les prérogatives des acteurs locaux et
non-gouvernementaux. Au lieu de cela, on sent bien que les mécanismes
enclenchés mènent vers une valorisation de la privatisation.
_
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire