Le Quotidien d’Oran,
jeudi 20 avril 2017
Akram Belkaïd,
Paris
Avertissement
initial : ce texte comporte des éléments de divulgâcheage (action de
divulgâcher, ou de spoiler, un film) à propos de l’œuvre intimiste Fast and Furious 8. Le lecteur est donc
averti et il ne pourra s’en prendre qu’à lui-même s’il réalise, au terme de ces
lignes, qu’on vient de lui raconter le film auquel il pensait consacrer son
budget culturel de la semaine (ou du mois voire de l’année). Commençons !
Au début, l’affaire se passe à Cuba. L’île de Raúl et de feu Fidel vue par des
Ricains... Mais attention, il n’y a pas de nostalgie pour le passé, vous savez,
1946, le sommet à haut niveau de la mafia à l’hôtel Nacional, Lucky Luciano en
maillot de bain et Frank Sinatra qui chante. Non, là, c’est juste une histoire
de course de bagnoles et un hommage appuyé au génie des Cubains en matière de
mécanique et de capacité – because l’embargo yankee – à faire preuve
d’inventivité pour réparer et faire rouler n’importe quelle guimbarde.
On a donc droit
à une course spectaculaire sur le mythique boulevard Malecón (Avenida de Maceo
selon son appellation officielle). Le héros et conducteur, Dominic Toretto, ou
Vin Diesel de son nom d’acteur (un blaze prédestiné pour une telle saga
vrombissante), est en lune de miel à La Havane. Il en profite pour sauver la
mise à un cousin impécunieux et ne cesse de dire de gentilles choses sur Cuba. Comme
d’hab’, il remporte la course mais, cette fois, en roulant en marche arrière et
avec le moteur en feu. Du pur spectacle en guise d’apéritif. Mais
intéressons-nous quelques lignes à la présence sur le sol cubain de ce même
Dominic et à celle de Letty Ortiz, sa moitié à l’écran incarnée par Michelle
Rodríguez. Avec le rétablissement des relations diplomatiques entre les Etats
Unis et Cuba en 2015 (merci Obama…), Hollywood peut désormais mettre en scène
des Américains qui se rendent en villégiature dans l’île encore soumise à
embargo. Mais les avocats du film ont veillé au grain en faisant en sorte que
l’on comprenne que Toretto rend aussi visite à sa famille sur place. En effet, détente
ou pas, le tourisme proprement dit entre les Etats Unis et Cuba n’est pas
encore autorisé par les autorités ricaines. Pour se rendre dans l’île, Mr et
Mme Smith du Maine ou de l’Iowa doivent avoir de la famille sur place ou
prouver qu’ils rendent visite à des « relations personnelles ». Le
jour où ces dispositions disparaîtront (si Trump le veut bien), les charters
débarqueront et les fast-food envahiront le Malecón…
La suite du
« mouvi », maintenant. Une méchante, jouée par une blonde - ce qui
inverse les codes habituels où les latinos sont les vilains-, ourdit un complot
lui permettant de voler successivement : une arme à impulsion électromagnétique
(ça coupe le jus et ça brouille les communications, discussions sur les réseaux
sociaux comprises), les codes nucléaires russes (là, le ministre de la défense
de l’ex-grand ennemi est carrément l’incarnation de l’abruti total puisqu’il se
ballade avec ces codes à l’étranger) et des missiles à charge atomique. Et pour
y arriver, elle enrôle par le chantage, le pauvre Dominic qui semblait heureux
d’acheter sa baguette de pain cubain et qui se retrouve à rouler comme un fou à
Berlin puis à New York. C’est d’ailleurs dans les rues de la grande pomme que
le film offre des séquences d’anthologie avec des voitures zombie (thème très à
la mode dont on a déjà parlé *) qui se jettent du haut des parkings et une
course-poursuite qui fait penser à la capture d’un cheval sauvage (lequel finit
tout de même par s’échapper).
Dominic Toretto
est donc devenu un bandit poursuivi par ses amis avec en tête Luke Hobbs, dont
le nom d’acteur est Dwayne Johnson et que les cinéphiles avertis et exigeants
connaissent aussi sous le sobriquet de « The Rock » qu’il utilise
dans une autre vie pour ses combats de catch. Parmi les poursuivants on
retrouve aussi Ian Shaw (Frank Martin) connu sur d’autres écrans sous le nom d’un
certain Frank Martin habitué à conduire des voitures à toute berzingue en transportant dans son coffre des choses
précieuses, interdites ou inconnues du spectateur jusqu’au dénouement. Bref, les
méchants de jadis, deviennent gentils. Les bons frayent avec les mauvais. Les
ordinateurs trouvent la solution à tout comme dans la série 24 Heures (au fait,
Jack -is back- Bauer, alias Kiefer Sutherland est devenu chanteur après avoir
décidé de bombarder l’Algérie **) et le temps file assez vite pour faire
oublier le genou qui s’ankylose.
Le grand dénouement
a lieu dans le grand nord russe, avec mer gelée et sous-marin nucléaire en
prime. Ça tire de tous les côtés, ça glisse et le rouquin sauvageon de Game of Thrones se fait dessouder par
Toretto qui, en réalité, n’a jamais rejoint le côté obscur de la force. Ah oui,
n’oublions pas les pauvres Russes qui se font ratatiner par dizaines.
Arrêtons-nous ici quelques secondes et reprenons notre sérieux. Intéressante la
manière dont les Russes sont désormais traités par Hollywood. La disparition de
l’ex-URSS a obligé les scénaristes à modifier la donne. Depuis maintenant plus
de quinze ans, le méchant russe est un outlaw nostalgique de l’empire rouge. Ce
n’est pas forcément un communiste mais il pleure la puissance perdue de son
pays. Ce peut être aussi un quelconque séparatiste souhaitant l’indépendance
d’un « machin-stan » mais le mauvais rôle n’est jamais attribué à un
représentant d’une Russie officielle toujours décrite comme faible, corrompue
et ayant besoin de l’aide de l’Amérique pour faire rentrer ses criminels dans
le rang. En somme, et pour résumer ce propos géocinématographique, Hollywood n’a
pas encore décidé de s’attaquer à Vladimir Poutine et d’en faire le père de
tous les méchants.
On terminera ce
compte-rendu en signalant que la blonde, défaite, s’échappe dans les airs ce
qui laisse indiquer que F&F numéro 9 est pour bientôt. D’ailleurs, et c’est
une nouvelle qui démontre qu’il ne faut jamais désespérer de la nature humaine
et que des informations positives existent, les deux principaux acteurs,
Toretto et le catcheur, se seraient réconciliés après une grosse brouille
pendant le tournage de l’opus dont il vient d’être question. On respire et on
compte désormais les jours en attendant avec impatience la date de retour sur
les écrans de Rapide et Furieux.
* La chronique
du blédard : « DZombie », Le
Quotidien d’Oran, jeudi 3 avril 2014.
** La chronique
du blédard : « Jack is back et la parano du wanetoutrisme », Le Quotidien d’Oran, jeudi 27 octobre
2016.
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