Le Quotidien d’Oran, mercredi 23 janvier 2019
Akram Belkaïd, Paris
Serait-ce la fin de la belle histoire du très
grand bon en avant ? En 2018, la croissance du produit intérieur brut
(PIB) chinois a marqué le pas avec un taux de 6,6%. Certes, de nombreux pays
paieraient cher pour afficher un tel dynamisme. Par exemple, les économistes du
Fonds monétaire international (FMI) ont calculé que l’Europe pourrait atteindre
le plein emploi avec un tel taux, voire qu’elle serait en pleine surchauffe ce
qui l’obligerait à faire appel à des travailleurs étrangers. Mais, pour la
Chine, ce niveau d’augmentation de la création de richesses – ou la somme
totale de la valeur ajoutée, car telle est l’une des définitions – partielles -
du produit intérieur brut (PIB), n’est pas acceptable. D’abord, cela la renvoie
à 1990, date à laquelle la croissance avait atteint ce « plancher ».
Ensuite, parce que le modèle économique chinois n’est pas encore entré en phase
de normalisation.
Faiblesse
des demandes interne et externe
Pourquoi une telle contreperformance ?
Les raisons majeures sont doubles. Il y a d’abord la faiblesse de la demande
interne. Les Chinois ont moins consommé en 2018 car le gouvernement a veillé à
freiner les crédits et à encourager le désendettement progressif des ménages.
Cela fait des années que la bulle du crédit inquiète les dirigeants du Parti
communiste chinois et leur volonté de contrôler les circuits d’endettements,
que cela concerne les ménages ou les entreprises, notamment publiques, ne sont
pas une surprise.
Cela fait partie d’une stratégie
d’assainissement de l’environnement financier qui va de pair avec l’affirmation
de la Chine en tant que puissance économique. Plus la dette intérieure est
contrôlée, plus le yuan sera considéré comme une monnaie solide, susceptible de
jouer un rôle plus accru sur le plan international (certains pays commencent
déjà à l’inclure dans leurs réserves de change). Le prix à payer pour cela est un
ralentissement de l’économie ne serait-ce que parce que cela limite les
capacités de relance par l’investissement public.
Ensuite, il y a la faiblesse de la demande
mondiale qui pousse les exportations chinoises à la baisse. On peut ajouter à
cela l’attentisme lié à la bataille commerciale qui se déroule actuellement
entre Pékin et Washington. Il ne fait nul doute que le chiffre de la croissance
2018 va être brandi par le président américain pour prouver à quel point il
peut, par ses sanctions et surtaxes, infliger des dommages à l’économie
chinoises. En réalité, c’est plus l’atonie de la demande mondiale, avec des
pays émergents à la peine, qui explique pourquoi le « made in China »
a été moins conquérant en 2018.
Un
nouveau modèle à trouver
Faut-il pour autant déceler la fin de cette
extraordinaire phase d’expansion entamée par la Chine à l’orée des années 1980
et accélérée en 1990 grâce à la mondialisation ? Il est encore trop tôt
pour y répondre. Les deux ou trois prochaines années nous diront si la Chine se
« normalise » avec une économie affichant des taux de croissance plus
raisonnables. La question sera alors de savoir quels choix les dirigeants du PC
chinois feront-ils. Quel sera le modèle retenu ? Garderont-ils le cap sur
l’expansion planétaire au risque d’entrer de plus en plus en confrontation avec
les États-Unis ? Privilégieront-ils le marché intérieur ? Et comment
feront-ils pour répondre aux attentes d’une population chinoise qui ne saurait
se contenter d’un retour aux conditions sociales et économiques des années 1990
et encore moins à celles des années 1980 ? L’affaire est à suivre.
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