SlateAfrique, mercredi 28 mars 2012
Aujourd’hui, un seul terme suffit. Avec ou sans tunique longue, ou tchador, on a l’apparence musulmane.
Etudiantes yéménites dans le village d'al-Zailaea le 11 mars 2012. Reuters/Khaled Abdullah Ali Al Mahdi
L'AUTEUR
Fin 2001, la presse américaine s’était faite l’écho d’une triste affaire liée aux conséquences des attentats du 11 septembre de la même année. Il s’agissait, si ma mémoire est bonne, de deux hommes originaires du Texas jugés pour avoir battu à mort un épicier de confession Sikh. «Il avait l’air d’un musulman» s’étaient défendu les deux pieds-nickelés lors de leur arrestation puis de leur procès. On se souvient qu’à l’époque, de nombreux temples hindouistes (et même quelques synagogues) avaient été attaquées par des agresseurs incultes les confondant visiblement avec des mosquées.
Il y a bien des apparences ostentatoires qui disent (trahissent? Proclament?) l’appartenance confessionnelle des uns et des autres. A moins d’être un sous-marin des renseignements généraux ou un journaliste en immersion, une femme portant un voile intégrale cache peut-être son visage et ses atouts mais pas sa religion. Il y va de même pour celui qui porte une kamiss (tunique longue ndlr) et une grosse barbe tout en se curant les dents avec un siwak. Certes, on pourrait dire que l’habit ne fait pas l’imam mais soyons honnêtes: l’apparence musulmane, ça peut exister y compris en France et cela grâce aux effets vestimentaires ou aux pilosités développées.
Plus important encore, cela nie le libre choix de chacun. On peut avoir une tête de Maghrébin, n’être ni Juif ni Chrétien et ne pas se sentir musulman. En France, ils sont des dizaines de milliers à le ressentir et les enfermer dans une case religieuse n’est pas sain. Nombreux sont ceux qui se définissent comme « athée ou agnostique », tout en se disant de culture musulmane, et qui ne supportent pas qu’on les présente comme étant des pratiquants. Une nuance qui échappe à nombre d’hommes politiques français tout autant qu’aux éditorialistes et journalistes dont un nombre inquiétant a usé et abusé ces derniers jours de l’expression «d’origine musulmane».
Akram Belkaïd
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Et Nicolas Sarkozy créa les «musulmans d'apparence»
J’ai repensé à ces événements en apprenant la récente déclaration de Nicolas Sarkozy sur France Info: «Les amalgames n’ont aucun sens, je rappelle que deux de nos soldats étaient… comment dire… musulmans, en tout cas d’apparence, puisque l’un était catholique, mais d’apparence… comme l’on dit : la diversité visible». Passons sur ce charabia et ne retenons qu’un seul extrait: musulman d’apparence. Rassurez-vous, le présent chroniqueur ne va pas être de mauvaise fois.Il y a bien des apparences ostentatoires qui disent (trahissent? Proclament?) l’appartenance confessionnelle des uns et des autres. A moins d’être un sous-marin des renseignements généraux ou un journaliste en immersion, une femme portant un voile intégrale cache peut-être son visage et ses atouts mais pas sa religion. Il y va de même pour celui qui porte une kamiss (tunique longue ndlr) et une grosse barbe tout en se curant les dents avec un siwak. Certes, on pourrait dire que l’habit ne fait pas l’imam mais soyons honnêtes: l’apparence musulmane, ça peut exister y compris en France et cela grâce aux effets vestimentaires ou aux pilosités développées.
«Tous les Arabes ne sont pas musulmans»
Pour autant, dans le cas des deux militaires assassinés, l’apparence musulmane que cite le président semble plutôt relever de leur faciès. Et ce genre d’affirmation pose problème et oblige à rappeler quelques vérités que ton bon esprit dans l’Hexagone se devrait de connaître. D’abord, ce n’est pas parce que l’on a un morphotype du sud de la Méditerranée que l’on est forcément musulman. Tous les Arabes ne sont pas musulmans (l’inverse aussi) et tous les Berbères ne sont pas musulmans. De même, de façon générale, il y a quelque chose d’insultant à identifier quelqu’un de par son appartenance confessionnelle supposée. D’insultant mais aussi de dangereux car c’est là que résident les germes du confessionnalisme et du communautarisme.Plus important encore, cela nie le libre choix de chacun. On peut avoir une tête de Maghrébin, n’être ni Juif ni Chrétien et ne pas se sentir musulman. En France, ils sont des dizaines de milliers à le ressentir et les enfermer dans une case religieuse n’est pas sain. Nombreux sont ceux qui se définissent comme « athée ou agnostique », tout en se disant de culture musulmane, et qui ne supportent pas qu’on les présente comme étant des pratiquants. Une nuance qui échappe à nombre d’hommes politiques français tout autant qu’aux éditorialistes et journalistes dont un nombre inquiétant a usé et abusé ces derniers jours de l’expression «d’origine musulmane».
De la gueule de métèque à l'apparence musulmane
«Musulman… Musulman… Est-ce que j’ai une gueule de musulman». Impossible de ne pas en appeler à Cheikha Arletty quand on entend pareils propos présidentiels (sortants). Postée sur Facebook, cette sortie a généré quelques remarques acides, d’autres amusées. Il semble pourtant que cela soit l’air du temps. Hier, on avait une gueule de métèque, de nordaf, de maghrébin (la liste des expressions fleuries est longue). Aujourd’hui, un seul terme suffit. Avec ou sans kamiss, ou tchador, on a l’apparence musulmane.Akram Belkaïd
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