En Algérie, l'action militaire ne fut pas l’unique moteur et facteur de succès de la Révolution algérienne.
Des écoliers attendent le début des cours à Boufirak (sud d'Alger) le 9 septembre 1997. AFP
L'AUTEUR
Le 18 mars 1962, le gouvernement français et le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) signent les Accords d’Evian qui ouvrent la voie à l’indépendance de l’Algérie. Dès le lendemain, le cessez-le-feu est proclamé et le Front de libération nationale (FLN) revendique une victoire dans la mesure où les textes reconnaissent l’intégrité territoriale de l’Algérie (la France avait longtemps espéré garder le Sahara) et l’unité de sa nation et de sa population. Ainsi s’achève une longue séquence de négociations plus ou moins secrètes entre le FLN et les représentants du général De Gaulle.
Désormais, l’indépendance, but proclamé par l’insurrection du 1er novembre 1954, devient une possibilité tangible à charge pour les Algériens de voter en sa faveur lors du référendum d’autodétermination qui est prévu pour les mois qui suivent.
En France, on le sait, on insiste beaucoup sur le fait que le cessez-le-feu est loin d’avoir mis fin aux violences notamment celles de l’Organisation armée secrète (OAS) et des ultras de l’Algérie française bien décidés à jouer leur va-tout pour empêcher l’indépendance. De même, les Accords d’Evian n’ont guère servi à protéger les harkis ou à empêcher l’exode massif des pieds-noirs.
Mais ce n’est pas la raison pour laquelle ces accords – et donc la date du 19 mars – ont été relégués au dernier rang de la mémoire officielle algérienne. La principale explication est d’ordre politique. Le 19 mars 1962, c’est bel et bien le GPRA – et non l’Armée de libération nationale (ALN) - qui est à la manœuvre. C’est Krim Belkacem, son vice-président et figure de proue du FLN (il a pris le maquis bien avant 1954), qui est le signataire des Accords d’Evian ce qui lui confère alors une grande aura sur le plan international. Las, quelques semaines plus tard, la famille nationaliste algérienne vole en éclat. Une farouche bataille de clans divise le FLN et ceux qui l’emportent n’appartiennent pas au GPRA ou, du moins, n’en sont-ils pas les principaux dirigeants.
Cette ligne de conduite a longtemps perduré dans l’Algérie indépendante et il en reste encore des traces vivaces. Les Accords d’Evian sont souvent présentés comme un renoncement, une sorte de capitulation alors que, paradoxalement, ils ont ouvert la voie à l’indépendance. Pour le pouvoir algérien, issu du coup d’Etat de juin 1965 du colonel Boumediene, il fallait aussi effacer de l’histoire le nom de Krim Belkacem. Passé très vite à l’opposition après l’indépendance, ce dernier est mort assassiné à Francfort en 1970. Son nom, comme celui des accords d’Evian, ont longtemps été interdits de cité. Et, aujourd’hui encore, le fait d’évoquer Krim Belkacem provoque des crispations gênées à Alger…
Cela explique pourquoi nombreux sont les Algériens qui souhaitent aujourd’hui que l’on réhabilite le 19 mars et qu’on en fasse une date commémorative aussi importante que celle du début de l’insurrection ou de l’indépendance. Cela démontrerait que l’action militaire ne fut pas l’unique moteur et facteur de succès de la Révolution algérienne. Cinquante ans après l’indépendance et dix ans à peine après la fin d’une terrible guerre civile, cela conforterait aussi les Algériens dans l’idée que la politique et la diplomatie sont tout aussi importants dans le règlement des différends et cela malgré leur caractère pacifique.
Akram Belkaïd
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Désormais, l’indépendance, but proclamé par l’insurrection du 1er novembre 1954, devient une possibilité tangible à charge pour les Algériens de voter en sa faveur lors du référendum d’autodétermination qui est prévu pour les mois qui suivent.
Une date oubliée en Algérie
Ainsi, le 19 mars, jour de l’entrée en vigueur du cessez-le feu, est-il un moment majeur de la Guerre d’Algérie. Pourtant, aujourd’hui, c’est presque une date oubliée en Algérie. Contrairement à celle du 1ernovembre ou du 5 juillet (proclamation de l’indépendance), elle n’est pas fériée et les manuels scolaires ainsi que l’histoire officielle l’ont longtemps passée sous silence ou ont, tout du moins, minimisé son impact.En France, on le sait, on insiste beaucoup sur le fait que le cessez-le-feu est loin d’avoir mis fin aux violences notamment celles de l’Organisation armée secrète (OAS) et des ultras de l’Algérie française bien décidés à jouer leur va-tout pour empêcher l’indépendance. De même, les Accords d’Evian n’ont guère servi à protéger les harkis ou à empêcher l’exode massif des pieds-noirs.
Mais ce n’est pas la raison pour laquelle ces accords – et donc la date du 19 mars – ont été relégués au dernier rang de la mémoire officielle algérienne. La principale explication est d’ordre politique. Le 19 mars 1962, c’est bel et bien le GPRA – et non l’Armée de libération nationale (ALN) - qui est à la manœuvre. C’est Krim Belkacem, son vice-président et figure de proue du FLN (il a pris le maquis bien avant 1954), qui est le signataire des Accords d’Evian ce qui lui confère alors une grande aura sur le plan international. Las, quelques semaines plus tard, la famille nationaliste algérienne vole en éclat. Une farouche bataille de clans divise le FLN et ceux qui l’emportent n’appartiennent pas au GPRA ou, du moins, n’en sont-ils pas les principaux dirigeants.
Les Accords d'Evian, un sujet sensible
Réunis autour d’Ahmed Ben Bella, lui-même soutenu par l’Etat-major de l’Armée des frontières (dirigée par un certain Houari Boumediene qui renversera Ben Bella en juin 1965), nombreux sont ceux qui dénigrent les Accords d’Evian, accusant ses signataires d’avoir fait trop de concessions à la France. Krim Belkacem, Hocine Aït Ahmed, Youcef Ben Khedda, le président du GPRA mais aussi Mohamed Boudiaf, l’un des fondateurs du FLN, sont écartés. Dès lors, les Accords d’Evian deviennent un sujet sensible qu’il ne faut pas trop évoquer et, surtout, qu’il ne faut pas certainement glorifier.Cette ligne de conduite a longtemps perduré dans l’Algérie indépendante et il en reste encore des traces vivaces. Les Accords d’Evian sont souvent présentés comme un renoncement, une sorte de capitulation alors que, paradoxalement, ils ont ouvert la voie à l’indépendance. Pour le pouvoir algérien, issu du coup d’Etat de juin 1965 du colonel Boumediene, il fallait aussi effacer de l’histoire le nom de Krim Belkacem. Passé très vite à l’opposition après l’indépendance, ce dernier est mort assassiné à Francfort en 1970. Son nom, comme celui des accords d’Evian, ont longtemps été interdits de cité. Et, aujourd’hui encore, le fait d’évoquer Krim Belkacem provoque des crispations gênées à Alger…
Le mythe de la victoire militaire contre la France
Une autre raison qui a poussé le pouvoir algérien à masquer l’importance du 19 mars c’est que ce dernier est le résultat d’une victoire de la politique et de la diplomatie. Or, à Alger, on a longtemps entretenu le mythe d’une victoire militaire contre la France. Une victoire armée qui a servi de ciment à la propagande nationaliste et belliqueuse d’après-indépendance où il était hors de question de reconnaître le moindre mérite à l’action politique et diplomatique du GPRA. Certes, ce dernier a bénéficié du rapport de force militaire sur le terrain (cela même si les maquis de l’intérieur de l’Armée de libération nationale, ou ALN, étaient décimés en mars 1962) mais c’est tout de même par la négociation qu’il a arraché le cessez-le-feu sans remettre en cause l’idée de l’indépendance de toute l’Algérie.Cela explique pourquoi nombreux sont les Algériens qui souhaitent aujourd’hui que l’on réhabilite le 19 mars et qu’on en fasse une date commémorative aussi importante que celle du début de l’insurrection ou de l’indépendance. Cela démontrerait que l’action militaire ne fut pas l’unique moteur et facteur de succès de la Révolution algérienne. Cinquante ans après l’indépendance et dix ans à peine après la fin d’une terrible guerre civile, cela conforterait aussi les Algériens dans l’idée que la politique et la diplomatie sont tout aussi importants dans le règlement des différends et cela malgré leur caractère pacifique.
Akram Belkaïd
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