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samedi 16 novembre 2013

La chronique économique : Dynamisme commercial allemand ou égoïsme ?

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 13 novembre 2013
Akram Belkaïd, Paris
 
 
Dans les années 2000, c’était la Chine. Dans les années 1990, ce fut le Japon. Aujourd’hui, c’est l’Allemagne qui est pointée du doigt par ses partenaires européens en raison de sa politique d’exportations à grande échelle. Pour la septième année consécutive, les comptes courants germaniques devraient ainsi afficher un excédent supérieur à 6% du Produit intérieur brut (PIB). Une bien belle performance – surtout quand on sait que le voisin français n’a pas enregistré de solde commercial positif depuis 1997 - mais qui provoque de sérieuses critiques à l’encontre du gouvernement allemand.
 
Demande interne bridée
 
On pourrait pourtant penser qu’un pays qui exporte beaucoup mériterait plutôt des louanges. Or, à Paris comme à Bruxelles au sein de la Commission européenne, le ton est le même. Berlin est accusé de ne pas renvoyer l’ascenseur et de refuser d’ouvrir son marché aux produits de ses voisins. Comment ? En limitant le développement de sa demande intérieure. En effet, les Allemands consomment moins que leurs voisins et ont plutôt tendance à épargner surtout par ces temps de crise mondiale.
 
Le résultat est que des pays comme la France, l’Espagne ou l’Italie ont de plus en plus de mal à placer leurs exportations sur le marché allemand alors que le « made in Germany » triomphe partout sur le Vieux continent. Plus important encore, toutes les études montrent que l’essor du commerce extérieur germanique se fait essentiellement en Europe depuis cinq ou six ans. Cela signifie que ce ne sont plus les marchés émergents qui alimentent la machine à exporter allemande mais bien les débouchés européens. En clair, l’Allemagne gagne des parts de marché à l’intérieur de l’Europe au détriment des autres membres de l’Union européenne.
 
Du coup, Bruxelles demande plus d’efforts au pays d’Angela Merkel notamment sur le plan des salaires. La Commission ne va pas jusqu’à défendre l’option d’un salaire minimum généralisé (qui mettrait fin aux emplois sous-payés mis en place sous les mandats de Gerhard Schröder) mais plaide pour un coup de pouce salarial afin de doper la demande intérieure allemande. Une recommandation sans cesse relayée par d’autres capitales dont Paris. D’autres économistes mettent en garde l’Allemagne et jugent dangereuse sa focalisation sur les exportations. Pour eux, le « made in Germany » ne sera pas toujours aussi triomphant qu’il ne l’est aujourd’hui y compris pour ce qui concerne les équipements industriels où des pays comme la Corée du Sud mais aussi la Chine ou le Brésil sont de plus en plus concurrentiels.
 
Le consensus allemand est pro-exportations
 
Côté allemand, on s’agace de ces critiques et on renvoie les partenaires européens à leurs propres insuffisances structurelles. La France est ainsi priée d’améliorer sa compétitivité ce qui, en clair, reviendrait pour elle à réformer son droit social et à diminuer la pression fiscale sur les entreprises. A court terme, il est donc peu probable que Berlin change sa politique même si la mise en place d’une coalition CDU (le parti de Merkel) et SPD (les socio-démocrates) pourrait déboucher sur quelques mesures favorables à la consommation intérieure. Pour autant, le consensus allemand à propos d’une modération des dépenses est une réalité qui concerne aussi bien la droite que la gauche. L’Allemagne continuera donc à exporter massivement au grand dam de ses partenaires européens et de la Commission de Bruxelles. Et ce n'est pas l'enquête ouverte par cette dernière à propos des excédents allemands qui changera les choses.
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