Le Quotidien d'Oran, mercredi 6 novembre 2013
Akram Belkaïd, Paris
S’il est un domaine où l’islamophobie n’existe pas, du moins pas de manière visible, c’est bien celui de la finance internationale. On sait que les milliards de pétrodollars amassés par les fonds souverains arabes aiguisent les appétits de tout ce que la planète compte comme banques d’affaires et gérants de fortunes. On sait aussi qu’ils font rêver nombre d’entreprises à la recherche d’actionnaires peu dérangeants et susceptibles de les recapitaliser en un rien de temps. Tout ce beau monde se déplace donc à Doha, Abou Dhabi ou Ryadh pour y tendre la main et plier le genou avec le sourire et un discours des plus conciliants à l’égard de l’islam...
La charia « compliance »
Mais il y a un autre secteur qui fait l’objet de convoitises et même d’âpres batailles entre poids lourds occidentaux. C’est le cas de la finance islamique, un secteur bien particulier puisque bâti sur le principe d’éviter le taux d’intérêt proscrit par la charia et sur la nécessité de respecter les lois musulmanes dont la prohibition de l’alcool, du porc, de la pornographie et des armes à feu. Longtemps anecdotique, cette activité pèse désormais 1 200 milliards de dollars d’actifs dans le monde et sa croissance annuelle atteint les 20% y compris lorsque le reste de la planète financière est plongée dans la crise comme ce fut le cas en 2008.
C’est cet immense gâteau que se disputent de grands centres financiers du Golfe comme Bahreïn – l’un des plus anciens pôles de la finance islamique – et Dubaï, une localisation très peu contraignante en termes de régulation et qui a largement profité des délocalisations en provenance de la City londonienne. A ces deux places s’ajoutent aussi l’Arabie saoudite et, c’est moins connu, la Malaisie. Ce dernier pays est en effet déterminé à rester la capitale mondiale de la finance islamique, objectif qui mobilise à la fois ses banques mais aussi ses autorités. La Malaisie est d’ailleurs le premier émetteur mondial d’obligations islamiques, plus connues sous le nom de « sukuks ». Au passage, on relèvera aussi que ce pays est aussi l’un des leaders planétaires en matière de certification « halal » (l’expression usitée étant « halal compliance ») de n’importe quel produit, qu’il soit financier ou alimentaire.
Mais l’Europe aussi veut sa part à commencer par Londres. La capitale britannique vient ainsi de dérouler le tapis rouge à l’industrie de la finance islamique en accueillant la neuvième édition du Forum économique islamique mondial (WIEF). Plus de 1500 participants, plusieurs dirigeants musulmans et la présence du Premier Ministre David Cameron : la Grande-Bretagne tient à faire de sa City, le premier hub européen en matière d’ « islamic banking ». Et l’affaire semble bien engagée même si la ville de Genève devrait garder sa prééminence en matière de (très discrète) gestion de fortunes privées du Golfe ou d’autres pays musulmans y compris ceux du Maghreb.
La France hors du coup
A l’inverse, et malgré quelques efforts en matière de législation pour autoriser la création de fonds islamiques, la France paraît être hors du coup. La preuve, ce sont les filiales britanniques de ses principales banques qui sont le plus souvent en charge de cette activité. Il n’y a rien d’étonnant à cela. Dans un pays où même les autorités politiques versent dans le discours islamophobe, il est impossible de décliner une stratégie cohérente destinée à séduire les investisseurs et autres acteurs de la finance islamique.
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