Ce matin, mardi 15 avril 2014, je reçois un appel d'une (jeune) journaliste française qui me pose la question suivante : " Je pars en Algérie demain pour couvrir l'élection présidentielle, vous pensez que je pourrai interviewer le général Tewfik".
Heu... Cétadjire...
Cela m'a rappelé cette chronique écrite il y a cinq ans, à la veille de la présidentielle algérienne de 2009. Rien n'a vraiment changé depuis....
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Le Quotidien d'Oran, jeudi 9 avril 2009
Akram Belkaïd, Paris
Second appel. Allo, Akram Belkaïd ? Je vous téléphone parce que j'ai trouvé notre nom sur Internet. Je vous explique, on va faire une petite couverture de l'élection présidentielle ce jeudi. Est-ce que vous seriez d'accord pour être interviewé en direct ? Ce serait vers six heures quarante. Non, non, c'est bien du matin que je parle. Vous ne pouvez vraiment pas ? C'est dommage. Sinon, vous n'auriez pas quelqu'un à nous recommander ? Un journaliste algérien par exemple. D'accord, je vous donne mon adresse mail, ce serait sympa de votre part. (*)
Troisième appel. Bonjour monsieur Belkaïd. Voilà, nous organisons un plateau à propos de l'Algérie et on aimerait savoir si vous pouviez nous aider à le composer. On cherche des intervenants à propos de l'Algérie qui aient des choses à dire. Par exemple, un intellectuel qui serait contre le pouvoir et un autre qui serait plutôt partisan du président Bouteflika. L'idée, c'est vraiment d'avoir un débat tendu et sans concessions. Notre règle aussi, c'est de ne pas inviter les journalistes mais je fais appel à vous pour avoir vos idées. Non, je n'ai aucun budget pour cela et c'est vraiment une demande confraternelle. D'accord. Je vous laisse le temps de la réflexion et vous revenez vers moi. Merci. Au revoir. (*)
Quatrième appel. Bonjour monsieur. Je vous téléphone parce que j'ai un vrai souci. Je cherche en vain, un universitaire français spécialiste de l'Algérie. Oui, oui, je connais les noms de Stora et de Harbi mais je cherchais plutôt un politologue de la jeune génération. C'est incroyable non ? On se dit que les relations entre les deux pays sont telles qu'il devrait y avoir des légions de spécialistes mais je ne trouve rien. Ou bien alors, il faudrait que je fasse appel à l'un des deux Antoine. Ouais, ça ne m'enthousiasme pas plus que ça.
Cinquième appel. Allo, Akra Belnaïm ? Je me permets de vous rappeler parce que je n'ai pas reçu votre message concernant les économistes algériens. Vous m'avez oublié ? C'est vraiment urgent, vous savez. Si vous le souhaitez, je ne dirai pas que j'ai eu leur numéro par votre biais. Je sais que dans certains pays, ça ne se fait pas de donner les coordonnées de ses contacts à des gens qu'on ne connaît pas. Dites, pendant que je vous ai, sur quoi à votre avis faut-il insister à propos de l'actualité économique algérienne ? Les tensions sur le prix du tabac à chiquer ? Vous rigolez ? Non, je ne savais pas que c'était un vrai dossier. Ah ouais, c'est original. Ecoutez, je vais creuser ça et j'attends votre courriel. (*)
Sixième appel. Bonjour monsieur, je vous téléphone parce que nous organisons le plateau pour l'émission de dimanche prochain. On n'en est pas encore sûr, mais on risque de parler de l'Algérie. Il y a d'autres sujets concurrents notamment avec ce qui se passe à l'université mais on penche de plus en plus vers le thème algérien. On a pensé à vous inviter mais avant j'aimerais savoir quelle est votre position sur cette élection ? Comment ? Je veux simplement m'assurer qu'il n'y aura pas de redondance sur le plateau. C'est important pour la bonne marche de l'émission. Si on invite six personnes qui ont le même avis, c'est une catastrophe pour la bonne marche de l'émission. Je veux être sûr de votre catégorie pour la bonne marche de l'émission. Je vous rassure, on fait ça pour tous les thèmes, ce n'est pas parce qu'il s'agit de l'Algérie, c'est pour la bonne marche de l'émission. Ça vous intéresse ? Non ? Ah bon ? C'est une émission qui marche bien et qui est très suivie au Maghreb, vous savez. Ecoutez, si vous changez d'avis, rappelez-moi, d'accord ? (**)
Septième appel. Akram Belkaïd ? Bonjour, je ne sais pas si vous vous souvenez de moi, mais on s'était croisés à Alger à l'époque du Jeudi d'Algérie. C'était en 1992. Ecoutez, depuis, j'ai vraiment tourné le dos à l'actualité maghrébine puisque je suis allé vivre pendant quinze ans en Amérique du sud. Là, je reviens à Paris et je me disais que l'élection présidentielle serait une bonne occasion pour reprendre le dossier algérien. Si ça ne vous dérange pas, j'aimerais bien qu'on se rencontre pendant deux ou trois heures pour en parler. Vous êtes très occupé ? Oui, je comprends. La presse algérienne sur Internet ? Le problème, c'est que je ne lis pas l'arabe. Ah, il y a des titres en langue française ? Ah oui, ça me revient. Bon, d'accord, je vais commencer par ça et puis j'essaie quand même de vous rappeler ensuite, hein ? (*)
Huitième appel. Akrim ? Bonjour, je ne veux pas avoir l'air de vous harceler mais j'espère toujours avoir les deux contacts que vous m'avez promis. Ceci dit, je suis en train de me demander si je ne vais pas changer mon fusil d'épaule. Plutôt que de m'intéresser à l'économie, j'aimerais mieux parler de l'armée. Vous n'auriez pas le numéro de téléphone d'un général ? Quelqu'un qui parlerait en français et qui ne serait pas trop langue de bois. Pourquoi vous criez ? Mais faut pas vous énervez comme ça !
Conclusion : Cette chronique est dédiée à mes confrères de France, de Suisse et d'ailleurs, dont le professionnalisme fait honneur à notre corporation. Etre en amont, lire, s'informer sur les réalités complexes de l'Algérie avant de songer écrire la moindre ligne ou d'enregistrer le moindre son : voilà leur démarche qui relève de l'excellence. Quant aux autres, ceux qui vous harcèlent au téléphone à J-1 pour savoir qui pourrait leur donner le portable d'un conseiller d'Abdelaziz Bouteflika (comme si c'était un dû et que le journaliste algérien, doigt sur la couture du pantalon, ne saurait faire autrement qu'obéir), je ne peux que leur conseiller de faire leur métier de manière un peu plus sérieuse et respectueuse des autres.
(*) Compte dessus et bois de l'eau fraîche.
(**) Monte sept marches et bois de l'eau fraîche.
1 commentaire:
Ben ouais, et ces mecs sont censés "nous informer"...C'est la sacro sainte phrase de la TV, "ce qu'il faut retenir de l'actualité"...Leur crasse nullité!
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