Le Quotidien d'Oran, mercredi 16 avril 2014
Akram Belkaïd, Paris
Quand un PDG s’ennuie ou qu’il en a assez de gérer au quotidien, il fait de la stratégie et cela se termine le plus souvent par une nouvelle acquisition pour son groupe ou, plus rarement, par une fusion avec un concurrent. Ce qui précède n’est certes pas une loi intangible du management mais nombre de consultants en organisation l’ont toujours en tête. C’est ce qui les pousse à dire qu’il faut toujours occuper le patron d’un grand groupe sinon il peut être amené à faire des bêtises au nom de sa supposée vision stratégique.
Mariage de raison
On aura en tête cette perception du management supérieur en se penchant sur la fusion annoncée entre le cimentier français Lafarge et le suisse Holcim. Bien sûr, personne ne peut vraiment affirmer que Bruno Lafont et Rolf Soiron, respectivement PDG du premier et du second groupe, s’ennuyaient avant d’annoncer leur mariage. Mais il reste que l’on est en droit de s’interroger sur les réelles motivations de cette opération. Officiellement, le futur LafargeHolcim, dont le siège sera établi en Suisse, pèsera 40 milliards d’euros en Bourse avec un chiffre d’affaires de 32 milliards d’euros. Un géant mondial, donc, présent dans 90 pays avec 130.000 salariés, et capable de tenir la dragée haute à ses concurrents.
Interrogés, les deux architectes de ce regroupement affirment en effet qu’il s’agit de profiter d’une complémentarité réelle. Holcim est bien implanté en Amérique latine et en Inde tandis que Lafarge est très présent en Afrique du nord et au Moyen-Orient. Du coup, la fusion serait la meilleure réponse à la montée en puissance des groupes issus des pays émergents à l’image du mexicain Cemex ou du chinois Anhui Conch lequel est devenu en quelques années le principal cimentier mondial. De même, la fusion « entre égaux » serait aussi bien plus rationnelle pour Lafarge et Holcim qu’une longue série d’acquisitions destinées à étendre leurs portefeuilles géographiques.
Reste que de nombreux spécialistes estiment qu’il s’agit surtout d’un mariage de raison dont la rentabilité reste encore à prouver. Selon ses promoteurs, la fusion devrait permettre de dégager 1,4 milliards d’euros d’économies (pudiquement appelées « synergies ») en trois ans. Cela à condition que l’opération puisse avoir lieu. Car Lafarge et Holcim vont devoir convaincre les autorités de la concurrence de près d’une quinzaine de pays ainsi que la Commission européenne que leur union ne débouchera pas sur une position dominante. Un parcours du combattant juridique qui fera certainement le bonheur de nombreux avocats et conseillers… Pour y arriver, les deux entreprises prévoient de céder 5 milliards d’actifs, essentiellement en Europe. Une perspective qui inquiète de nombreux gouvernements qui craignent les conséquences sur l’emploi de ces désengagements.
Reprise des M& A
Finalement, l’un des enseignements de cette opération géante est que les banques d’affaires sont de nouveau à la manœuvre. La crise de 2008 qui avait figé les opérations de fusion et acquisitions (M&A, mergers and acquisitions) ne semble plus être qu’un mauvais souvenir. Encouragées, pour ne pas dire harcelées, par l’industrie financière, les grandes entreprises s’agitent de nouveau sur l’échiquier stratégique mondial. On peut y voir le signe avant-coureur d’une forte reprise de la croissance globale.
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