Transversales, 3 avril 2014
On parle souvent du professionnalisme des footballeurs de haut niveau, de leur capacité à jouer tous les matchs avec la même détermination. Du moins, c'est ce qu'on attend d'eux. "Rester pro" est d'ailleurs une formule qui revient de manière régulière dans les propos, souvent lénifiants, des intéressés.
La victoire du PSG contre Chelsea (3-1) au Parc des Princes en quart de finale aller de la Ligue des champions montre que la réalité est parfois différente.
Personne ne contestera que les deux héros de la soirée ont été les Argentins Ezequiel Lavezzi et Javier Pastore. Le premier, parce qu'il a ouvert le score dès la 3° minute après un enchaînement technique exceptionnel et qu'il a été, de loin, le joueur le plus dangereux de son équipe ; compensant en cela l'incapacité (un peu inquiétante) de Cavani et d'Ibrahimovic à se hisser au niveau de l'enjeu de la rencontre. Quant à Pastore, dit "el flaco" (le maigre), son but, inscrit à la toute fin du match, restera certainement dans les mémoires. D'abord parce qu'il donne plus de chances à Paris pour la qualification (c'est une lapalissade mais un 3-1 en Ligue des Champions offre bien plus de perspectives pour le match retour qu'un 2-1). Ensuite, parce que ce fut tout simplement une merveille combinant technique (double contact et roulette), puissance (le tir) mais aussi détermination (il était à l'origine de l'action et l'a poursuivie alors que l'on pensait qu'il s'était enfermé sur le côté gauche).
Cela fait des mois que l'on critique ces deux joueurs. Souvent de manière féroce. On en veut à Lavezzi pour son déchet technique, ses courses inutiles et ses occasions manquées. On s'en prend à Pastore pour sa nonchalance sur le terrain, son blues à peine masqué et ses absences pendant le jeu. Mais contre Chelsea, les deux joueurs ont montré tout leur talent face à une grande équipe européenne. Cela signifie tout simplement que l'enjeu d'un match compte beaucoup pour eux. On l'avait déjà noté pour Pastore en 2013 face au FC Barcelone et cela s'est encore confirmé. Il n'y a rien de mieux pour un compétiteur qu'une rencontre aussi intense. Et "pro" ou pas, il est difficile de demander à un Pastore de livrer la pleine mesure de son talent sur un terrain (bosselé) de Ligue 1. La montée en puissance du PSG, l'émergence de Monaco et les progrès de quelques équipes (dont l'AS Saint-Étienne) ne peuvent oublier que le championnat français de football n'est guère... enthousiasmant (lire, ci-dessous, un article publié dans le blog afro-maghreb). Pour les spectateurs comme pour les (grands) joueurs... De quoi donner des arguments à ceux qui défendent l'idée d'une Ligue européenne qui ne regrouperait que de grandes équipes.
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La chronique foot : Le football français est ennuyeux
Blog : Afro-Maghreb, 23 décembre 2011.Disons-le sans précaution aucune. Le championnat de France de football est d’un ennui total. Regarder un match de Ligue 1, c’est être sûr de perdre son temps. Rien à voir avec la Ligua espagnole et encore moins avec le championnat anglais, et je ne parle pas uniquement des matchs vedette. C’est un fait, mieux vaux assister à un Newcastle – Wolverhampton qu’à un PSG-Lille ou même à un OM-Lyon. Il y a bien longtemps que le foot français est devenu routinier et sans surprise. La faute à qui ? Aux joueurs, affirment nombre de mes confrères. Je n’en suis pas si sûr. Si problème il y a, il faut le chercher du côté des dirigeants et des entraîneurs qui ont oublié ce que l’expression « beau jeu » veut dire.
Il fut un temps où des équipes comme le FC Nantes ou encore l’AJ Auxerre offraient du beau spectacle et ravissaient à la fois leurs supporteurs et l’observateur neutre. Aujourd’hui, on est bien en peine de citer une équipe de Ligue 1 ayant consacré l’offensive comme philosophie de jeu. Le foot français, c’est l’interdiction de la fantaisie ou du beau geste. C’est la prohibition du drible et la consécration du dégagement vers l’avant.
Penser à ne pas perdre avant d’essayer de gagner
Voici ce qu’a déclaré à ce sujet le Marseillais Alou Diarra au mensuel So Foot. «Moi, aujourd’hui, quand je récupère un ballon, je dois tout de suite faire la passe. On m’a fait un lavage de cerveau. On m’a dit: ‘tu récupères, tu passes.’ Donc je récupère et je passe (…) On m’a formaté ! Moi, je voudrais bien jouer [au] football olé olé, mais ce n’est pas possible. Le football, ce n’est plus du plaisir. C’est du business. On nous formate à faire des choses pour prendre le minimum de risques. Surtout à des postes importants. Moi, j’ai un poste important où je ne peux pas tenter n’importe quoi, n’importe quand. Ce n’est pas par hasard qu’on met moins de buts en France que dans d’autres championnats, hein ! (…) En France, on pense à ne pas perdre avant de penser à gagner. »
Penser à ne pas perdre avant d’essayer de gagner… Voilà pourquoi l’on s’emm… en regardant les matchs de Ligue 1. Voilà pourquoi un Pastore va décliner. Voilà pourquoi faire appel à Beckham ne servira à rien si ce n’est à contenter l’appétit bling-bling des qataris qui possèdent le PSG. Voilà pourquoi même un joueur comme Messi serait malheureux dans le championnat français. Son entraîneur, un ancien défenseur ou milieu défensivo-destructeur (du style de Deschamps), lui imposerait de ne pas sortir d’une zone bien délimitée et donc de ne jamais dézoner et de ne jamais rien tenter en dehors des consignes (défensives et très sérieuses) d’avant-match. Dans le pays des Guillou, Platini, Giresse, Tigana et autres Cantona, cela montre bien la régression du football français…
Post-scriptum : Plus de deux ans après ce papier, la situation s'est (un peu) améliorée. Le PSG financé par le Qatar a relevé le niveau. Monaco, financé par un oligarque russe commence à le faire aussi. Pour le reste...
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