Le Quotidien d'Oran, mercredi 23 avril 2014
Akram Belkaïd, Paris
Quel est le fondement de l’économie mondiale ? Nombreux
sont ceux qui répondent à cette question par une ode au marché et à la
libre-concurrence. Mais en faisant cela, ils confondent la fondation avec
l’architecture. En réalité, le point essentiel qui régit depuis plusieurs
siècles les échanges économiques est le taux d’intérêt. C’est ce « loyer »
de l’argent prêté ou investi qui façonne les grandes évolutions du moment et
c’est lui qui se retrouve actuellement au centre des discussions.
Un problème pour
l’économie mondiale
Il y a quelques jours, le Fonds monétaire international
(FMI) et le Trésor américain ont mis en garde sur le fait que les taux
d’intérêt (ajustés à l’inflation) traversent actuellement une phase baissière
et cela depuis une trentaine d’années. Une période qui pourrait, selon ces deux
organismes influents, se prolonger. Vu sous l’angle du consommateur ou du
client d’une banque, la baisse du taux d’intérêt peut paraître une bonne
nouvelle. Or, c’est le contraire pour l’économie mondiale et cela en raison de
deux facteurs.
D’abord, il y a le fait que cette faiblesse ne fait pas
l’affaire des investisseurs et des épargnants. Confrontés à une baisse de ce
que leur rapporte leurs placements, les premiers, bien plus que les seconds,
sont donc tentés de prendre des risques et d’alimenter des processus
spéculatifs. C’est ce à quoi nous assistons depuis quelques années (bulle
internet, immobilier, subprimes,…). Ensuite, il y a la difficulté pour les
banques centrales de conduire une politique monétaire incitative par le biais
d’une baisse des taux. Quand ces derniers sont déjà très bas et que l’activité
ralentit fortement, la marge de manœuvre de ces institutions devient réduite à
moins qu’elles ne testent la situation de taux nominaux égaux ou inférieurs à
zéro (ce qui reviendrait à dire que c’est le prêteur qui doit de l’argent à l’emprunteur !).
Comme le relèvent de nombreux économistes, cette situation
est le résultat de plusieurs dérives. Premièrement, et contrairement à
plusieurs idées reçues, c’est le fait d’un excédent de l’épargne mondiale.
Cette dernière est disponible partout, y compris dans les pays les plus
pauvres. Résultat, face à cette abondance, le taux d’intérêt ne peut être élevé
selon le principe habituel de l’offre et de la demande. Deuxièmement, c’est aussi
la conséquence de la lutte sans merci que mènent depuis trois décennies les
banques centrales contre l’inflation. Enfin, il y a la combinaison de la baisse
de la demande, de la perte du pouvoir d’achat d’une part importante de la
population confrontée au chômage ou au risque de perdre son emploi et, enfin, à
l’accroissement des inégalités avec des classes aisées de plus en plus riches
mais qui dépensent moins.
Un retour à l’inflation ?
Face à cette situation, il n’est pas rare d’entendre des
experts réclamer un retour à des politiques monétaires moins contraignantes. En
clair, il s’agirait de laisser filer l’inflation, un mal jugé nécessaire pour
relancer la machine économique et permettre l’appréciation des taux d’intérêts.
Reste que cette perspective ne fera pas l’affaire des rentiers (et des
épargnants) mais aussi des entreprises qui font de la limitation salariale un
pivot de leur stratégie financière. Et c’est d’ailleurs là que repose peut-être
la vraie explication de la faiblesse du taux d’intérêt, celle d’une modération exagérée
des salaires.
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