Afrique Méditerranée Business, novembre 2013
Akram Belkaïd, Paris
L’économiste français s’inquiète de l’aggravation des inégalités
de revenus dans le monde et préconise de taxer plus fortement le capital.
Très connu aux Etats-Unis pour ses travaux sur les inégalités
et les écarts de richesse, Thomas Piketty est un expert influent auprès de la
gauche française, à commencer par le président François Hollande qui l’a
consulté sur les questions fiscales et sur le dossier épineux de la réforme des
retraites (sans toutefois retenir ses propositions) . Aussi, lorsque cet
économiste de 42 ans publie une somme d’économie politique de plus de 600 pages sur son thème de prédilection, c’est un événement
qui ne laisse personne indifférent à droite comme à gauche (*).
Certes,
exigences académiques obligent, le livre est dense et truffé de données
chiffrées, ce qui rend souvent la lecture ardue et l’on peut être vite tenté de
sauter aux chapitres où sont formulées les préconisations de l’auteur.
Il n’empêche. Cet ouvrage fera certainement date et devrait
inspirer des approches économiques novatrices pour réduire les inégalités,
notamment de revenus. Le constat de départ de ce travail mobilise la
littérature en faisant écho aux romans de Balzac ou même de Zola. Pour le
chercheur, ce début de XXIe siècle ressemblerait à s’y méprendre à la fin du
XIXe siècle sur au moins un point : l’importance des déséquilibres sociaux et
la place prépondérante des rentiers dans la possession des richesses. L’ouvrage
est d’ailleurs porteur d’une mise en garde majeure : dans la perspective d’un
maintien d’une croissance molle pour les prochaines années dans les pays
développés, les inégalités risquent fort de s’aggraver.
La raison en est simple ; dans un environnement où les taux
d’intérêt sont supérieurs au taux de croissance du PIB, mieux vaut être un
rentier en capital qu’un salarié. En clair, dans les décennies à venir, et à
moins d’un retournement spectaculaire de la conjoncture macroéconomique,
l’héritage comptera plus que le travail (et donc le mérite).
Comment endiguer cette tendance porteuse de graves déséquilibres
sociaux et donc
in fine politiques
? L’économiste plaide pour la mise en place d’une approche sociale globalisée
consistant en un impôt mondial sur le capital.
Cette mesure destinée à réguler l’accumulation et à
favoriser, par la redistribution, la cohésion sociale permettrait un contrôle accru
sur le fonctionnement des circuits financiers, aujourd’hui en grande partie opaques
et échappant aux réglementations des États.
On l’aura compris, l’idée d’un tel impôt fait écho à la fameuse
taxe Tobin que le mouvement altermondialiste tente en vain d’imposer à l’échelle
planétaire depuis quinze ans. De même, cela montre que toute une école de
pensée économique réservée à l’égard des excès du capitalisme considère
toujours la fiscalité comme un précieux outil de justice et de cohésion
sociales. Mais, une fois la lecture terminée, on ne peut s’empêcher de se dire
que la mise en place d’un impôt mondial sur le capital relève, pour l’instant,
de l’utopie.
(*) Le Capital au XXIe siècle, Thomas Piketty, Seuil. Traduit en anglais, c'est aux États-Unis, et bien plus qu'en France ou en Europe que l'ouvrage a reçu le meilleur accueil en faisant même partie des meilleurs ventes.
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