Le
Quotidien d’Oran, jeudi 23 juillet 2015
Akram
Belkaïd, Paris
Pétard et
sidération : il est de retour… Certes, on ne l’a jamais oublié depuis sa
fessée électorale lors de la présidentielle française de mai 2012. De manière
régulière, au fil de meetings et de déclarations intempestives au sujet de tout
et, surtout, de n’importe quoi, il s’est rappelé à notre bon souvenir, avec sa
syntaxe approximative, son parler plus « vulgos » que populo et ses
multiples déboires judiciaires dont on peine désormais à établir le nombre
exact. Il y a quelques jours, lors d’une visite au ton très paternaliste en
Tunisie, Nicolas Sarkozy époux Bruni s’est donc permis quelques digressions à
propos de l’Algérie et de son avenir. Un « sujet » de préoccupation,
selon lui, notamment pour la stabilité de la Tunisie.
Comme l’a
noté le journaliste Mohamed Saadoune dans un billet au vitriol, il est évident
que ce genre de propos relève de plusieurs
motivations (*). D’abord, l’envie de faire plaisir aux Tunisiens –
notamment aux reliques de l’ancien régime qui, hélas, mille fois hélas, se
sentent pousser des ailes en ce moment - en disant du mal de l’Algérie. Un calcul
– stupide voire naïf – destiné aussi à glaner quelques sympathies chez les
binationaux franco-tunisiens. Ensuite, filer un coup de main électoraliste à Christian
Estrosi, son pote bac moins quinze qui peine à convaincre certains électeurs en
région Provence Alpes Côtes d’Azur (PACA) de ne pas voter Front National aux
prochaines régionales. Et, cerise sur le gâteau, se faire plaisir en se
défoulant sur un pays que Sarkozy n’a jamais porté dans son cœur.
Cette
péripétie est un avant-goût ce qu’il va falloir subir au cours des prochaines
semaines et des prochains mois. L’oscillant de l’épaule va s’emparer du micro,
des caméras, des écrans et des colonnes. Ministre du verbe et de
l’interjection, il va monopoliser la parole et nous infliger des « ben moi,
j’veux vous dire que moi je pense que » à la pelle. Il y aura des sorties
qui, à chaque fois, seront destinées à cliver, à provoquer, non pas le débat,
mais le buzz, ce fracas insupportable qui empêche tout recul et toute
réflexion. Cela avec la complicité de ces journalistes dits politiques,
toujours prompts à traquer la petite phrase plutôt qu’à se plier à la
vérification systématique des discours pour débusquer les élucubrations et les
mensonges électoraux. Nous allons donc subir les propos les plus
invraisemblables, les clichés les plus éculés et gageons qu’il fera encore
mieux que son tristement célèbre discours de Dakar sur l’homme africain qui ne
serait pas entré dans l’Histoire (discours pestilentiel qui n’avait pas empêché
son élection en 2007). En un mot, la campagne électorale pour 2017 est lancée
et elle ne sera pas ragoutante.
Le pire
dans l’affaire, c’est que l’ancien copain de Kadhafi – ah, cette tente plantée
en plein huitième arrondissement de Paris – risque bien de l’emporter. En
effet, François Hollande qui ne pense qu’à une seule chose, sa réélection, va
certainement payer sa socialo-traîtrise, son lâchage de la Grèce mais aussi ses
sympathies néoconservatrices et son soutien appuyé aux bombardements israéliens
de Gaza en juillet 2014. Autant de manquements impardonnables qui pousseront,
en cas de deuxième tour Sarkozy-Hollande, nombre d’électeurs de gauche à
préférer la pêche ou l’émission de Drucker à un passage par l’isoloir.
Faudra-t-il se résoudre à voter Hollande pour empêcher le retour du prétendu
lecteur de Roland Barthes (prononcer comme lui Barthesss) ? En ce qui
concerne le présent chroniqueur la réponse est évidemment non mais c’est une
autre histoire.
En tous les
cas, pauvre France et pauvre droite. En arriver là… Mais revenons à l’Algérie.
Ce serait mentir que de ne pas reconnaître que l’Algérie est bien un sujet de
préoccupation. Certes, Sarkozy ferait mieux de s’occuper de ses propres
histoires et personne ne peut nier qu’il a manqué à la plus élémentaire des
corrections et des pratiques diplomatiques en évoquant de la sorte un pays dont
la Tunisie a grand besoin en ce moment… Mais les choses seraient bien plus
simples si l’Algérie ne prêtait pas tant à la critique et à l’inquiétude, à
commencer par celle de ses enfants qu’ils y vivent ou non. La mort récente de
plusieurs jeunes conscrits du service militaire lors d’une énième attaque du
« terrorisme résiduel » a provoqué un immense choc au sein de la
société mais aussi de la consternation et de la colère face à l’attitude
désinvolte des autorités et des médias officiels face à cette tragédie.
Cela fait
des années que la sonnette d’alarme est tirée. Malgré les déclarations
officielles, malgré les ravages profonds du « wantoutrisme » (**) prompt à
faire croire que le monde entier comploterait contre l’Algérie (on se demande
bien pourquoi…), la vraie menace est interne. Elle réside dans l’absence de
prise de conscience quant à l’importance des défis actuels. Réforme en
profondeur du système éducatif, rénovation urgente de celui de la santé, changement
du modèle économique avec une sortie du tout-hydrocarbures, retour de l’Etat
mais aussi décentralisation voire régionalisation, prise en compte des dégâts
subis par l’environnement et, enfin, libéralisation de la vie politique : dans
tous ces domaines, les progrès, quand ils existent, sont insignifiants. Oui,
l’Algérie est bien un sujet de préoccupation et il est dommage qu’un fâcheux comme
Sarkozy puisse se permettre de nous le rappeler avec tant de dédain.
Et il aura
certainement l’occasion de le refaire à l’automne prochain puisqu’il a
l’intention de se rendre à Alger. Gageons qu’il sera alors accueilli à bras
ouverts, verre de lait, dattes, couscous au miel et « vous serez toujours
‘la’ bienvenue » en prime. Car, là aussi, l’Algérie ne semble guère avoir
progressé. Le complexe du colonisé y fait toujours autant de ravages…
(*) Le p'tit Sarko, si vulgaire et si peu instruit,s'inquiète de l'avenir de l'Algérie, Al Huffington Post, Maghreb-Algérie,
21 juillet 2015 (un texte où Sarkozy est qualifié de « Danube de l’Esbrouffe »
ce que les revues de presse françaises ont évité de mentionner…).
(**) Wanetoutrisme : terme désignant le chauvinisme nationaliste exacerbé des Algériens. Chauvinisme qui s'exprime notamment dans les stades lors des matchs de football par le fameux slogan "one-two-three, viva l'Algérie". Le wanetoutrisme n'admet aucune critique à l'encontre de l'Algérie et considère que ce pays est le meilleur du monde dans tout (et que s'il ne l'est pas, c'est la faute aux complots étrangers)._
1 commentaire:
Les Grecs ont vécu au dessus de leurs moyens (matériels) et, il serait injuste que le citoyen allemand finance leur train de vie. Il faut etre honnete et faire le choix soit, une de qualité humaine où une bonne sieste a sa place ou une vie de qualité matérielle dont l´effort continu est le moteur.
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