Le Quotidien d’Oran, mercredi 9 septembre 2015
Akram Belkaïd,Paris
Il règne aujourd’hui dans le monde des économistes une
insatisfaction qui témoigne de l’incertitude de notre époque. On le sait, le
Produit intérieur brut (PIB) est un indicateur de plus en plus contesté même si
son évolution (croissance ou récession) demeure incontournable dans toute
évaluation. Malgré ses limites, comme le fait qu’il ne traduit pas les dommages
écologiques ou que sa valeur peut croître en raison des dépenses engendrées par
une catastrophe, le PIB n’a pas été détrôné par l’indicateur du bonheur ou par
la « comptabilité verte ». Au-delà des discours, il reste la
référence.
Une question
d’altruisme
La tendance aujourd’hui est d’élaborer des modèles
d’évaluation complémentaire susceptible d’affiner la lecture univoque
qu’offrait jusque-là le PIB. Depuis quelques années, Jacques Attali, homme aux
activités et parcours multiples – il fut conseiller du président François
Mitterrand – cherche ainsi à promouvoir le concept d’« économie
positive », un forum annuel étant organisé sur ce thème (il a lieu du 16
au 19 septembre dans la ville du Havre). Qu’est-ce que l’économie
positive ? Selon l’économiste et producteur d’idées, c’est « une
économie qui prend en compte l’intérêt des générations futures » et sa
quantification doit devenir « un instrument de conduite des politiques
publiques ».
De manière concrète, l’économie positive selon Jacques
Attali repose sur trois points : l’altruisme entre générations,
l’altruisme entre territoires et l’altruisme entre acteurs. Au fond, c’est une
réhabilitation de la générosité mais aussi du don de soi, deux qualités que les
sciences économiques minées par leur fascination pour les mathématiques n’ont
guère cherché à modéliser. On relèvera avec intérêt cette notion de
prise en compte des générations futures. A-t-elle toujours existé ? On ne
peut le nier quel que soit le scepticisme que l’on peut éprouver à l’égard de
l’être humain. Au cours des siècles passés, les efforts de ce dernier ont,
malgré tout, toujours tendu vers l’amélioration des conditions de vie.
Agriculture, défrichage, hygiène, développement des techniques, toutes ces
composantes du Progrès ont fait que, de façon générale, toute génération a
bénéficié des efforts de celle qui l’a précédée. La révolution industrielle, la
pollution et le dérèglement climatique qu’elle a engendrés ont changé la donne
de manière dramatique. Aujourd’hui, c’est une évidence. Les économies du XXème
siècle, notamment celles des pays industrialisés, ont peut être amélioré les
conditions de vie contemporaines mais elles ont créé d’importants déséquilibres
qu’ils soient écologiques ou même financiers (poids des dettes publiques que
les générations futures devront porter).
La Norvège en tête
Adossés à plusieurs indicateurs statistiques mais aussi à
des sondages, le concept d’économie positive permet au groupe Positive Planet
(ex PlaNet Finance créé en 1998) d’élaborer un classement des pays de
l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) selon
l’indice de « positivité ». Les bons élèves sont la Norvège, la
Suède, les Pays-Bas, le Danemark, l’Islande et la Suisse. En queue de peloton,
on trouve le Japon, le Mexique, la Turquie, la Hongrie et, comme lanterne
rouge, la Grèce. La France, l’Espagne ou le Royaume-Uni font partie du ventre
mou de ce classement qui coïncide, peu ou prou, avec des études sur la qualité
de vie des individus ou leur adhésion au système politique et économique de
leur pays. A ce sujet, il serait intéressant d’appliquer l’indice de
« positivité » aux pays arabes pour savoir s’il en existe au moins un
qui prépare sérieusement l’avenir de ses enfants…
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