Le
Quotidien d’Oran, jeudi 5 novembre 2015
Akram
Belkaïd, Paris
Ouèche lectrice, ouèche lecteur, ça va chouia ? Prêt à lire la chronique ?
Allez, on zyva… Partons de « ouèche », ou « wech » dans sa
version francisée, qui est l’un des mots vedettes du moment. Comme souvent,
c’est la banlieue et le rap qui se sont emparés de ce terme – avec le fameux
« wech gros, ça
va ? » avant qu’il ne se
diffuse dans le reste de la société française. Petits exemples glanés ici et
là. « Wech, tu nous as
oubliés ? ». « Wech,
qu’est-ce que tu veux ? ». Et mon préféré : « Wech la famille ? ». Dans le
langage courant et dans les médias on a vu apparaître de nouvelles
expressions comme « les wech-wech »,
comprendre les jeunes des cités qui parlent ou écrivent le… « wech-wech ».
L’irruption
et l’installation définitive de mots arabes dans la langue française n’est pas
une nouveauté (« ces ambiances, ça m’fait kiffer. Je prendrai bien un kawa
avec un petit chouia de lait »).
Relevons au passage cette étrange expression : « un petit chouia », autrement dit « un
petit ‘un peu’ »… Certains termes arabes sont identifiés comme tels mais
d’autres pas. Amusement du présent chroniqueur quand il entend un
« français-français » parler d’une autre personne en la traitant de
« brêle » (ou bghel).
Sait-il que ce mot signifie mule ou mulet en arabe ? Surprise de
l’intéressé qui écoute avec intérêt les petites explications
lexico-éthymologiques. Comme souvent, c’est l’argot militaire qui a introduit
le terme dans le langage courant (c’est d’ailleurs le cas du mot blédard).
Aujourd’hui « une brêle »
signifie un abruti ou bien alors, même si c’est de plus en plus rare, une moto
ou une mobylette voire un vélo…
Le
flux d’emprunts à l’arabe (mais aussi à l’anglais) est permanent et il est
intéressant de signaler les nouveautés. On connait déjà l’incontournable
« zaâma » qui se dit « zarma » et qui signifie
« soit-disant » ou « genre » (« zarma, il se la joue intellectuel avec ses lunettes… » ou bien
alors « wech, tu te la pètes zarma
zarma » ce qui, en gros,
signifie avoir la grosse tête). Mais chaque jour ou presque apporte son lot de
surprises. Ecoutons avec attention ce grand poète qu’est Soprano et son
tube « fresh prince ». Il nous raconte qu’il débarque dans une
discothèque accompagné de ses « thugs » (prononcez
« teugs », voyous en anglais mais qui signifie ici ses potes, sa
bande, ses copains prêts à aller au combat avec lui). Après s’être attribué la
« classe de Brad Pitt » (laquelle fait « bugguer » les
femmes d’autrui), Soprano explique que quand « le DJ met [son] son, dans la
boite c’est le zbeul ». Le « zbeul » donc, de l’arabe « zbel »,
autrement dit les ordures. Désormais, le terme veut dire désordre (« il a
mis le zbeul en classe… »),
ambiance de folie et même une soirée arrosée (« samedi, on va se taper un
de ces zbeuls… »). En clair, si
on veut être branché, on ne dit plus mettre le b…del chez Mme Adèle mais f..ttre
le zbeul à Nabeul.
Autre
exemple plus récent. Que dit une adolescente très « swag », autrement
dit élégante ou habillée à la mode, d’une copine rongée par la jalousie ?
Tout simplement qu’elle a le « seum », autrement dit le venin (ou le
poison) en arabe. Ainsi, « Fouzia a le seum
de voir les ‘fraîcheurs’ et les ‘populaires’ être entourées de garçons ». Avoir
le seum, signifie donc être jaloux,
envieux, mais aussi être en colère, être amer ou frustré. « En ce moment
j'ai le seum j'ai envie de fumer un MC »
chante de son côté Red Cross, un groupe de rap belge (si, si, je vous jure que
ça existe) lequel en veut visiblement à un « maître de cérémonie »
autrement dit une vedette musicale… Mais ce mot peut avoir un autre sens
puisqu’il désigne une variété de cannabis très recherchée pour ses effets
surpuissants. « Ça vient du Maroc, khouya (frangin), et c’est un d’ces seum… »
On
peut avoir le seum parce que notre
vie est plombée par le « hass » ou le « hess ». C’est une
autre nouveauté qui vient de l’arabe « hassd » soit l’envie et par
extension la volonté de nuire, de faire du mal, de s’adonner à la
« mizidonce », pardon à la médisance. « En France, la hass nous met des baffes aussi »
chante à ce propos le groupe Sexion d’Assaut. Il fut un temps où l’on se disait
être dans la galère ou dans la dèche pour décrire un quotidien plus que
difficile, maintenant, on dit « je suis dans la hass ». Et il arrive parfois que « hass » signifie
la honte aussi ou plutôt « larchouma » (« hchouma » en
arabe).
Poursuivons
ce tour d’horizon en wesh-wesherie avec un mot qui se répand peu à peu. Je suis
« zéref » ou « il m’a zerfé » vous dira un jeune très en
colère ou irrité par quelqu’un d’autre. Cela vient de l’arabe z’âaf (z3af). A
noter aussi les « rnouchas », qui vient de « hnouchas » ou
serpents et qui désigne les policiers ou leurs indics. On pourrait aussi
consacrer des lignes entières à toutes les grossièretés venues de là-bas chez nous et qui vivent une
nouvelle vie en France mais l’article 852 du code de censure et d’éthique
interdit de les citer. On dira juste qu’il y en a une qui commence par la
lettre z et un autre par la lettre k (écrire au directeur du Quotidien d’Oran pour savoir de quoi il
s’agit). Pour conclure, voici un petit exercice de compréhension. A vos crayons
et traduisez : « Wouallah,
je suis très zéref. Mes thugs, ils ont le seum parce qu’ils n’en peuvent plus de la hass. Alors, ils mettent le zbeul
et ils attirent les rnouchas. C’est larchouma pour tout le monde mais, wesh, qu’est-ce qu’on peut
faire ? ».
Et
voilà, c’est terminé (pour cette fois). Sinon, ouèche lectrice, ouèche
lecteur ? T’as bien kiffé cette
chronique ou walou ? Si ce
texte t’a zerfé, il faut juste
m’envoyer un message du genre bézef,
c’est bézef !
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1 commentaire:
Bézef, bézef, d'apporter dans votre article de l'eau au moulin de Marine,l'extrême-droite et les intellectuels qui crient que la France est en danger de dénaturation. Après les fast-foods, les restaurants halal, voilà que la belle langue française subit les assauts des mots arabes. Wesh, c'est zaama le début de la fin de la belle France d'autan ?!
Karima
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