Le Quotidien d'Oran, mercredi 28 octobre 2015
Akram Belkaïd, Paris
Après les grandes espérances et le discours volontariste,
c’est le retour à la réalité. Arrivé au pouvoir en 2012, le Premier ministre
Shinzo Abe est loin d’avoir atteint son but, c’est-à-dire relancer une économie
qui stagne depuis plus de deux décennies. Produit intérieur brut (PIB) en
recul, inflation négative, consommation en berne, les fameux
« Abenomics », autrement dit les réformes et mesures incitatives
mises en place par le gouvernement japonais, n’ont pas conduit à un franc
redémarrage.
La force de
l’épargne locale
En septembre dernier, l’Agence Standard & Poor’s a
confirmé le diagnostic général en dégradant la note souveraine de l’Archipel de
AA- à A+. Certes, cet abaissement est assorti à une perspective
« stable », ce qui exclut toute dégradation à court terme, mais le
message est clair. Personne ne croit le Japon capable de retrouver le chemin
d’une forte croissance et d’une amélioration de ses comptes publics. Pour
mémoire, le pays ne bénéficie plus du fameux triple A (AAA) depuis le début des
années 2000. En prenant ses fonctions, Shinzo Abe n’avait pas promis que cette
note serait récupérée mais il avait insisté sur l’engagement de son pays dans
le cycle vertueux de la croissance couplée à un assainissement des finances
publiques.
Pour l’heure, et c’est ce qui inquiète les agences de
notation, la dette du pays demeure équivalente à 247% du PIB national. Dans de
nombreuses autres nations, un tel niveau provoquerait des dégradations
successives et un « rating » plus risqué. Mais le Japon, troisième
économie mondiale, a un avantage majeur qui l’a mis à l’abri depuis des années.
Il s’agit du niveau élevé de l’épargne locale (l’équivalent 10 315
milliards d’euros soit 2 fois et demi le PIB) couplé au fait que 90% de la
dette publique japonaise est détenue par des Japonais. En clair, l’épargnant
nippon croit en son pays et estime normal de financer le déficit budgétaire (7%
du PIB en moyenne). Cette cohésion est donc fondamentale et exclut tout
dérapage à court terme.
Mais la question est évidente. Que se passera-t-il si
l’épargne locale diminue, notamment du fait du vieillissement accru de la
population ? Que se passera-t-il aussi si le yen perd de sa valeur,
dépréciant ainsi les avoirs des épargnants et érodant les réserves de change
qui se situent actuellement autour de 10 315 milliards d’euros (soit plus de 50 fois les réserves
algériennes) ? Selon les prévisions, le Japon sera obligé de se tourner
vers les prêteurs étrangers à partir de 2020. Une perspective qui change la
donne car le recours à la dette extérieure mettra Tokyo sous pression.
Contrairement aux investisseurs locaux, les bailleurs extérieurs seront plus
exigeants en matière d’évolution des comptes publics et le gouvernement devra consentir plus d’efforts en matière de baisse des dépenses (ou de
hausse de la fiscalité).
Le recours à
l’immigration reste tabou
Pour certains économistes, l’une des raisons essentielles
de la stagnation japonaise n’est pas économique mais avant tout démographique.
Dans un contexte de vieillissement continu de la population, la solution serait
le recours à l’immigration. Outre le fait d’une revitalisation de la natalité,
cela permettrait une hausse de l’activité, notamment d’une consommation mise à
mal par la hausse récente de la TVA (elle est passée de 5% à 8%). Pour autant,
ce recours à l’immigration demeure un tabou et une option inenvisageable par la
classe politique japonaise.
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